Ondes de choc

Shiny Happy People

Imaginez que votre voisin est convaincu que les extra-terrestres lui parlent à travers son séchoir à cheveux. Tous les jours, il arrête les passants pour leur répéter ce que les petits bonhommes verts lui ont dit.

Accepteriez-vous que cet homme siège sur le conseil de votre commission scolaire? Ou qu’il écrive une chronique dans un quotidien?

Que diriez-vous si des journalistes aguerris lui demandaient régulièrement de se prononcer sur des questions d’ordre moral? Vous seriez choqué, n’est-ce pas?

Eh bien, pourquoi ne réagissons-nous pas de même chaque fois qu’un croyant prend la parole?

Aux États-Unis, des propriétaires de salles IMAX ont retiré un documentaire scientifique sur l’évolution de leur programmation, car ils avaient peur que ses propos ne choquent les créationnistes.

Pourquoi ne pas retirer Independance Day des clubs vidéo, alors? Ce film est offensant pour les Raéliens. Il dit que les extra-terrestres sont méchants, agressifs, belliqueux… Si j’étais un disciple de Raël, je serais offusqué. Après tout, les extra-terrestres sont nos pères spirituels, non? Ils nous ont créés en laboratoire, ils nous ont donné la vie. Les dépeindre comme des monstres, c’est comme dire que Dieu est un serial killer.

Vous imaginez comment les gens réagiraient si Hollywood produisait une superproduction dépeignant Dieu comme un être abominable qui prend plaisir à voir les humains crever? On crierait au blasphème!

Pourquoi ce double standard, alors?

Vous me direz que la religion catholique et les Raéliens, ce n’est pas du tout la même chose.

Ah non? C’est quoi, la différence?

Les uns croient que l’homme a été créé en sept jours par une divinité invisible et omnipotente qui a engrossé une vierge afin de se faire connaître auprès de ses créatures; les autres croient que l’homme a été créé dans une éprouvette par des p’tits nains brillants avec de grands yeux. Que les vrais illuminés se lèvent…

Comme l’a déjà dit un esprit particulièrement vivace: une religion, c’est une secte qui a réussi. Quand il a commencé à prêcher dans le désert, Jésus avait l’air tout aussi bizarre que Raël. Il s’habillait juste un peu mieux, c’est tout… Mais bon, avec le temps, son histoire a fait des adeptes, l’argent est rentré, son business a prospéré. Résultat: sa religion est l’une des plus riches institutions du monde.

Qui sait? Dans deux mille ans, nos descendants s’habilleront peut-être comme Capitaine Cosmos. Ils feront des pèlerinages à Ufoland et se promèneront avec des petites éprouvettes accrochées à leur cou…

Cet été, au lieu de lire des sornettes comme Le code Da Vinci (un best-seller particulièrement mal écrit qui est à l’Histoire ce que Les Aventures de Tintin sont à l’ethnologie), je vous propose d’acheter The End of Faith: Religion, Terror and the Future of Reason, de Sam Harris. L’auteur, un neuroscientifique de Californie, affirme qu’il est grand temps que l’homme se débarrasse une bonne fois pour toutes de l’idée de Dieu.

Comment se fait-il qu’en 2005 (en 2005, bordel!, alors qu’on envoie des sondes aux confins de l’univers), on donne encore la parole et l’on accorde encore du crédit à des gens qui croient dur comme fer à des mythes écrits il y a plus de deux siècles?

Dites que vous entendez la voix d’extra-terrestres dans votre séchoir, et tout le monde va vous regarder de travers et vous traiter de con. Mais dites que vous êtes convaincu que la Bible est la parole de Dieu, et l’on va vous dire: "Parfait, c’est votre croyance, je la respecte. Non seulement je la respecte, mais je vais la prendre en considération lorsque viendra le temps de voter une loi ou d’adopter un règlement!" Hello???

Vous savez quelle est la plus belle phrase qu’un être humain peut prononcer, selon moi? "Je ne sais pas."

Je ne sais pas si Dieu existe. Je ne sais pas comment l’univers est apparu. Je ne sais pas ce qui se passe après la mort.

Je ne le sais pas, car je suis un être humain comme les autres et mon cerveau n’est pas plus gros que celui de mon voisin.

Alors, en attendant de savoir, je me tais.

Et je me méfie des gens qui croient savoir juste parce qu’ils portent une barbe, des couettes ou un chapeau pointu.