Vous souvenez-vous du Bal des vampires, l’excellente satire des films d’horreur qu’a réalisée Roman Polanski en 1967? Ce long métrage racontait les aventures d’un vieux savant excentrique et de son jeune assistant timide qui parcouraient les plaines enneigées de la Transylvanie afin de tuer des vampires.
Comme c’est souvent le cas dans l’œuvre du cinéaste polonais (Chinatown, Rosemary’s Baby, Répulsion, Le Locataire, etc.), ce n’est pas le Bien qui triomphe à la toute fin du film, mais le Mal.
En effet, alors qu’ils se dirigent vers un village à bord de leur carriole, les deux héros se font mordre par une morte-vivante qu’ils ont voulu sauver. On les voit côte à côte, gelés comme des blocs de glace, deux grosses marques rouges dans le cou. Puis on entend la voix du narrateur dire:
"Cette nuit-là, en fuyant la Transylvanie, le professeur Abronsius ignorait qu’il emmenait avec lui le fléau qu’il avait voulu anéantir. Grâce à lui, ce fléau allait enfin pouvoir envahir tout l’univers."
C’est une fin hyper-cynique, à la Polanski.
Pourquoi je vous parle de ce film? Parce qu’on ne peut rêver d’une meilleure métaphore pour ce qui est en train de se passer chez nous.
Comme le héros du Bal des vampires, Jean Chrétien a voulu "débarrasser" le Canada du fléau du séparatisme. Et comme lui, tout ce qu’il a réussi à faire, c’est de foutre le feu à la baraque, et de permettre au virus de se propager et de contaminer tout le pays.
Dans les années 70, on pensait que c’était René Lévesque qui allait mener le Québec à l’indépendance.
Eh bien, ce n’est ni Lévesque, ni ses successeurs, c’est-à-dire Parizeau, Bouchard ou Landry, qui auront réussi ce pari. C’est Jean Chrétien.
Jean Chrétien est le professeur Abronsius de la cause indépendantiste. Grâce à lui et à sa bande de joyeux lurons, les "monstres" qui rêvent de démanteler le Canada risquent fort de gagner leur bataille.
La suite des choses est écrite dans le ciel. Scandale des commandites = élections fédérales = victoire de Stephen Harper = isolement du Québec = impopularité grandissante de Jean Charest = élections provinciales = victoire du PQ = troisième référendum = souveraineté.
Échec et mat, et merci à monsieur Chrétien pour services rendus.
Savourons l’ironie. Si la tendance se maintient, comme dirait Bernard Derome, ce sont ceux qui ont lutté avec le plus d’acharnement contre la séparation du Québec qui auront le plus contribué à la partition du pays!
C’est Pierre Bourgault qui doit se retourner dans sa tombe…
Vous me direz qu’il ne faut pas jeter le Canada avec le linge sale de Jean Chrétien, et que ce n’est pas parce que l’ancien gouvernement avait mis sur pied un système de financement digne de la mafia qu’il faut faire sauter tout le pays. Soit.
Mais avouez que c’est une sacrée gifle, non?
À la veille du référendum de 1980, Trudeau a promis qu’il changerait le Canada de fond en comble si les Québécois votaient Non. Il s’est contenté de nous donner une Constitution que nous n’avons même pas daigné signer.
En 1987, Brian Mulroney a concocté l’accord du lac Meech, qui était censé nous réintégrer dans la Constitution canadienne en reconnaissant le caractère distinct du Québec. Cette entente est tombée à l’eau.
À la veille du référendum de 1995, les ténors du fédéralisme ne croyaient tellement plus à la possibilité de renouveler la Constitution du pays que Jean Chrétien n’a même pas pris la peine de promettre quoi que ce soit. Il s’est contenté de nous envoyer des fleurs et des cœurs en chocolat. Or, nous venons tout juste d’apprendre qu’il avait payé ces cadeaux avec de l’argent sale.
Que va-t-on nous promettre s’il y a un troisième référendum? Des biscuits soda et un drapeau usagé payé à même nos impôts?
Vous croyez vraiment que Stephen Harper sera l’homme de la situation, qu’il réussira à nous convaincre qu’il y a bel et bien une place pour nous dans ce beau et grand pays – pays que trois premiers ministres francophones originaires du Québec n’ont jamais réussi à transformer?
Si vous répondez oui à cette question, c’est que vous êtes vraiment, vraiment, vraiment optimiste.