Avez-vous lu le texte de la journaliste Martine Turenne sur l’avortement dans le dernier numéro de L’Actualité? Hallucinant.
On y apprend qu’en 2002, près d’une grossesse sur trois a été volontairement interrompue au Québec. En 2003, la Régie de l’assurance maladie a enregistré le nombre le plus élevé d’avortements de son histoire, soit 30 900 pour 73 600 naissances! Un taux spectaculaire, qui nous met dans le même club que la Moldavie et le Kazakhstan, deux pays hop-la-vie reconnus pour leur joie de vivre et leur optimisme à tout cran.
Le plus étonnant dans cette histoire est que cette hausse n’est pas le fait d’adolescentes précoces sans partenaire fixe. Au contraire: l’âge moyen des femmes qui se font avorter est de 26 ans.
26 ans!
Je m’excuse, je ne voudrais pas passer pour un militant Pro-vie (ce que je ne suis pas, loin de là), mais on n’est pas censé connaître l’ABC de la contraception, à 26 ans? Les capotes, la pilule, le stérilet? "Je me retiens, je me retire et je viens sur ta cuisse"?
À ce que je sache, l’avortement est une méthode à utiliser en DERNIER RECOURS. Pas un moyen de contraception!
Ça fait un an que la pilule du lendemain est en vente libre au Québec. Pourtant, les Québécoises ne se sont jamais fait autant avorter que maintenant.
C’est quoi, le problème?
Vous ne prenez pas la pilule, les filles? Vous ne portez pas le condom, les gars?
Bien sûr, un accident peut très vite arriver. Mais 30 900 avortements pour 73 600 naissances, ce n’est pas un accident, c’est un carambolage, un Demolition Derby!
Tout ça prouve une chose: on a beau se croire "libérés" sexuellement, on est encore sacrément ignorants. Ce n’est pas parce qu’une journaliste peut parler de ses orgasmes multiples à la télévision publique aux heures de grande écoute ou qu’un stand-up comique peut confier à la même émission qu’il est capable de s’auto-sucer que nous faisons preuve d’une plus grande maturité sexuelle qu’avant.
En 2005, le cul est partout. Au petit écran, dans les journaux, dans les abribus. Plus moyen d’ouvrir un magazine sans tomber sur un article sur la fellation ou le triolisme. Tenez, l’autre jour, je feuilletais un magazine québécois qui s’adresse aux jeunes filles fraîchement sorties de l’adolescence. Qu’est-ce que j’ai vu en page 78? Un texte intitulé "L’ABC du sexe anal".
"La sexualité anale est très à la mode par les temps qui courent, pouvait-on lire. Nous avons l’impression que tout le monde utilise cette pratique lors de leurs relations sexuelles…"
Ah oui?
Comprenez-moi bien, je ne suis pas puritain. Mais le sexe, ce n’est pas que de la plomberie. Ça ne consiste pas seulement à entrer un tuyau dans un trou. Il y a des émotions rattachées à ça. Ce n’est pas seulement une technique, un loisir, une discipline sportive!
Vous avez beau faire vos emplettes dans des sex-shops à grande surface et posséder un vibrateur high-tech à trois vitesses qui stimule tous les trous de votre corps, si vous ne voulez pas d’enfant et que vous n’utilisez aucun moyen de contraception lorsque vous faites l’amour, vous ne comprenez rien au sexe.
Vous êtes des illettrés sexuels.
Voilà pourquoi il est important de donner des cours d’éducation sexuelle à l’école. Pas seulement pour parler du plaisir. Mais pour parler aussi de responsabilité…
Le plus triste, là-dedans, c’est que les militants anti-avortement vont certainement utiliser ces chiffres pour faire avancer leur cause. Ils vont dire que nous sommes allés trop loin, et que le temps est venu de revoir nos lois et de remettre le docteur Morgentaler à sa place.
Ce qui serait, bien sûr, catastrophique.
Après tout, faut-il couper l’aide sociale parce que certains assistés profitent du système?
Oui, les chiffres que l’on trouve dans le texte de Martine Turenne sont déprimants (après tout, aucune femme ne se fait avorter avec le sourire).
Mais la meilleure façon de corriger la situation n’est pas de retourner au bon vieux temps où les femmes s’avortaient en secret avec des cintres. C’est de regarder en avant.