Lundi midi, un homme déguisé en superhéros a escaladé le pont Jacques-Cartier afin de sensibiliser la population au drame des pères séparés qui ne voient pas assez souvent leurs enfants.
Cet homme, qui milite au sein de Fathers 4 Justice, un mouvement international qui a vu le jour en Angleterre, affirme que le système de justice canadien est sexiste. "Pourquoi les juges accordent-ils systématiquement la garde des enfants aux mères? demande-t-il. Les enfants ont besoin de voir les deux parents, c’est fondamental. Il faut réformer notre système de justice, afin qu’il tienne enfin compte du droit des pères."
En tant que père séparé, je ne peux qu’être touché par le drame de cet homme qui n’a pas vu ses enfants depuis deux ans. Si j’étais à sa place, moi aussi, je me déguiserais en superhéros et j’escaladerais les ponts.
Mais en même temps, je ne peux m’empêcher de ressentir un malaise vis-à-vis du discours de certains militants masculinistes.
En effet, pour moi, le droit des pères, ça n’existe pas. Pas plus que le droit des mères. Tout ce qui compte, lors d’une rupture, c’est l’intérêt des enfants. La seule question qu’on a le droit de se poser, quand on se sépare, c’est: "Qu’est-ce qui est bon pour mes enfants? Quelle est la meilleure solution pour nos enfants?"
Il y a trois ans, je me suis séparé de la mère de mes enfants. Mes filles étaient jeunes: trois et six ans. Je suis allé voir mon avocate, l’une des meilleures au Québec dans ce domaine, et je lui ai demandé si j’avais droit à la garde partagée.
"Oui, m’a-t-elle répondu, vous y avez droit. Mais ce n’est pas parce que vous y avez droit que vous devez absolument vous en prévaloir. Pensez à vos filles, et demandez-vous ce qui est bon pour elles. Quand on agit en fonction du bien-être des enfants, on ne se trompe jamais. C’est ça qui devrait guider votre choix. Pas vos droits à vous, mais l’intérêt de vos filles."
C’est le meilleur conseil que j’aie reçu.
Le plus dur, certes, le plus impitoyable, le plus sévère. Mais le meilleur.
Mes filles étaient jeunes. Et on a beau dire, quand un enfant est jeune, il n’a qu’un mot en tête: "Maman." Maman, maman, maman. Vous avez beau être le meilleur des pères, le plus attentif, le plus disponible, le plus aimable, vous avez beau lui donner le bain tous les soirs, le couvrir de bisous et lui lire des histoires, quand votre bambin se cogne la tête sur le coin d’une table, il se met à brailler et il crie: "MAMAN!"
C’est automatique. Je dirais même, au risque de me faire traiter de tous les noms: biologique. "Maman" est aux jeunes enfants ce que "Tabarnac" est à Pierre Falardeau.
Après mûre réflexion, j’ai donc avalé ma gomme, pris mon courage à deux mains et accepté que la garde de mes enfants aille à la mère.
Mon ex a fait la même chose. Elle a pensé à l’intérêt de nos filles, et a accepté qu’elles passent deux nuits par semaine chez moi. Minimum. Cela, même si c’est moi qui avais initié la rupture.
Est-ce que cette décision a été difficile à prendre? Mettez-en. J’ai versé suffisamment de larmes pour remplir le fleuve Saint-Laurent trois fois. Mais lorsque je regarde mes filles, lorsque je les vois si belles, si fortes, si intelligentes, je sais que j’ai fait la bonne chose.
Et je me dis que c’est ça, être un homme. Prendre son médicament, avaler sa pilule, même si le goût est amer.
Plus tard, lorsque mes filles seront plus vieilles, et moins dépendantes de leur mère, nous pourrons alors parler de garde partagée. Mais cette décision sera prise avec nos filles.
Alors, oui, le sort des hommes qui sont complètement coupés de la vie de leurs enfants me choque. Je trouve ça épouvantable que des mères évacuent complètement le père de cette façon. Mais je trouve cela tout aussi dérangeant que des pères considèrent la garde partagée comme un droit absolu.