Ainsi, les procureurs n’ont pas réussi à convaincre le jury que Michael Jackson était, hors de tout doute raisonnable, coupable d’avoir commis des actes pédophiles.
L’Homme sans visage pourra donc retourner tranquillement dans son Parc Belmont privé avec ses serpents, le squelette de l’Homme-éléphant et sa ribambelle de ti-z’amis.
Et dans quelques semaines, une autre madame qui rêve d’être catapultée dans le merveilleux monde de La-La-Land enverra son "flot" de dix ans coucher à côté de la star.
Tout le monde savait que Michael Jackson se comportait bizarrement avec les enfants: ses fans, son entourage, ses collaborateurs. Mais personne n’a appuyé sur le bouton panique. Ça faisait partie du personnage. Il était "extravagant", "fantasque", "spécial".
Un expert-comptable de 45 ans avouerait aimer coucher avec des enfants de 10 ans, tout le monde grimperait dans les rideaux et crierait au meurtre. Mais quand un artiste dit la même chose, ça passe. On dit que c’est un être sensible, qui a gardé son âme d’enfant, bla-bla-bla…
Nous entretenons vraiment une relation tordue avec les vedettes.
Nous sommes tellement obnubilés par leur talent, leur fortune et leur charisme que nous leur pardonnons tout.
Prenez Serge Gainsbourg, par exemple.
Un alcoolo fini qui chiait dans son froc, qui vomissait sur tout ce qui bouge et qui pognait le cul de toutes les petites filles qui passaient devant lui.
Ce vieux dégueulasse aurait-il travaillé comme douanier ou contrôleur de chemins de fer qu’on l’aurait taxé de déchet libidineux. Mais voilà, c’était un artiste. Alors on applaudissait chaque fois qu’il se pissait dessus ou qu’il traitait une femme de salope en direct à la télé, en disant: "Ah, quand même, Gainsbarre, quel numéro, ha, ha, ha! Et la chanson qu’il a écrite sur l’inceste avec sa fille, quel courage, quand même, non?"
Ah oui, quel courage. "Inceste de citron, Lemon Incest, je t’aime, je t’aime plus que tout, papa, papa, tes baisers sont si doux, délicieuse enfant, ma chair et mon sang…" Bravo. Du pur génie.
À quand un tube sur le viol?
Vous savez pourquoi on appelle les vedettes des étoiles? Parce qu’on les place au-dessus de tout, au-dessus de la décence, au-dessus des lois, au-dessus des codes les plus élémentaires de la vie en société.
William Burroughs a tué sa femme d’une balle à la tête? Ah, c’était la drogue, ces écrivains surréalistes, vous savez, ils exploraient des territoires inconnus de la conscience, et parfois ils dérapaient…
Norman Mailer a poignardé sa femme? L’alcool, mon ami, la muse des écrivains…
On est tellement habitué à associer la folie et l’excès à la créativité que les artistes qui se comportent normalement nous paraissent suspects. Comme si la névrose était un gage de talent. Et la grossièreté, une preuve de génie.
Il y a quelques semaines, Peter Kramer, un professeur de psychiatrie à qui l’on doit un best-seller sur le Prozac (Listening to Prozac), a publié un pamphlet intitulé Against Depression. Il s’en prend à tous ceux qui croient que si le Prozac avait existé au 19e siècle, Van Gogh aurait été le Muriel Millard de la Hollande.
"Il est temps que les gens se rendent compte que la dépression est une maladie", écrit-il. "Il n’y a rien de romantique à être dépressif ou à être névrosé. Il est faux de dire que les gens dépressifs sont plus profonds, plus vrais, plus authentiques. Ils sont malades, ils ont besoin d’aide."
Applaudirait-on un homme qui est en pleine crise d’épilepsie? Non, on l’aiderait, on lui donnerait des médicaments. Eh bien, selon Kramer, on devrait agir de la même façon envers les dépressifs. La dépression n’est pas une posture de l’âme, ce n’est pas un style, c’est une maladie, au même titre que la sclérose en plaques ou le parkinson. On ne devrait pas la glorifier et l’entretenir, on devrait la guérir, l’enrayer, l’éradiquer.
Flaubert était un homme hyper-rangé, un petit bourgeois de province sans histoire, qui menait une vie réglée comme une horloge suisse. Cela ne l’a pas empêché de révolutionner la littérature.
Preuve qu’on peut être un grand peintre tout en dormant sur ses deux oreilles.