Ondes de choc

Maman last call

Connaissez-vous Henri Atlan? C’est un professeur émérite de biophysique qui a écrit plusieurs ouvrages savants sur la science, la génétique et la bioéthique. Son dernier bouquin, sorti il y a cinq mois au Seuil, s’intitule L’Utérus artificiel.

Vous avez bien lu: une machine à fabriquer des bébés.

Non, il ne s’agit pas d’un roman de science-fiction, une sorte de remake high-tech du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, mais bien de la réalité. Au moment où vous lisez ces lignes, des centaines de chercheurs travaillent à mettre au point un utérus artificiel qui permettra aux parents qui le désirent – et qui en ont les moyens, bien sûr – de "concevoir" des bébés sans passer par la grossesse. Vous insérez votre ovule et votre spermatozoïde dans la machine, vous appuyez sur un bouton, vous attendez quelques mois, et paf! vous avez un bébé.

Aussi simple que de faire du pop-corn!

Comme l’a affirmé le docteur Atlan au quotidien français Libération:

"Cette nouvelle façon de faire des enfants sera perçue par une partie importante des femmes comme un moyen de se libérer des contraintes de la grossesse, comme le permirent les méthodes de contraception dans les années 60. Comment pourrait-on empêcher l’utilisation de cette technique? Malgré toutes les tentatives qui ont pu exister pour empêcher la contraception et l’avortement, nous n’avons pu résister à la revendication des femmes de disposer librement de leur corps…"

Pour le docteur Atlan, cette technique révolutionnaire (appelée "ectogenèse") permettra d’effectuer un pas de plus vers la séparation totale entre sexualité et procréation.

Un petit pas pour l’homme, un saut spectaculaire pour l’égalité des sexes.

"L’invention de la machine à laver a libéré les femmes du travail domestique habituel, continue le docteur. Eh bien, je crois que l’ectogenèse achèvera la révolution féministe. Contrairement à ce que la plupart des gens pensent, ce n’est pas la création de la bombe atomique ou la découverte de l’ADN qui a le plus modifié la condition humaine au cours du siècle dernier, c’est la révolution de la condition féminine."

Ça ne veut pas dire que toutes les femmes vont renoncer à enfanter! Mais elles auront le choix. Elles pourront porter – ou faire porter – leur enfant. Et contrairement aux mères porteuses, qui risquent toujours de changer d’idée une fois qu’elles ont accouché, les utérus artificiels ne développent aucun lien affectif avec leur produit. C’est propre, sécuritaire et hyper-performant. Vous pourrez même choisir le sexe de votre enfant, ou la couleur de ses yeux!

Dans l’Ancien Testament, quand Dieu expulse Adam et Ève du jardin d’Éden, il leur jette deux malédictions: l’homme devra travailler dur pour gagner sa vie (ce qu’ont fait les patrons d’Enron) et la femme devra enfanter dans la douleur. "Vous avez désobéi à mes ordres? Vous avez croqué la pomme? Eh bien, fini le party! Suez, maintenant! Allez, ouste!"

Grâce à la machine à faire des bébés, la femme se libérera enfin de cette malédiction divine et renouera avec la grosse vie sale qu’elle menait avant que le méchant serpent ne se pointe. Plus de nausées, plus de pizzas aux fraises à trois heures du matin, et plus d’obligation de passer ses journées devant la télé à regarder des reprises de Bec et Museau.

Elle pourra travailler, faire du fric et grimper les échelons, exactement comme son conjoint!

La sexualité n’aura plus aucune utilité pratico-pratique. Ça deviendra une activité de loisir, point. Comme le crochet ou le bungee. Wal-Mart va se mettre à vendre des dildos en paquets de six et Josée Lavigueur va animer une émission de sexe extrême à TQS.

La nouvelle étape de cette grande révolution planétaire? La machine à élever des enfants! Oups, j’oubliais, ça existe déjà: ça s’appelle la télévision.

Vous ploguez vos enfants devant, et ça leur apprend plein de trucs utiles.

Entre vous et moi, si ce n’est pas le paradis, je me demande bien ce que c’est. Si seulement quelqu’un pouvait inventer la machine à sortir les poubelles, maintenant…