La semaine dernière, d’abord dans mon blogue puis au cours d’un débat à la télé, j’ai osé critiquer le fait que Les Justiciers masqués aient "pogné" Karla Homolka à leur émission de radio.
J’ai dit que je ne trouvais rien de drôle à ce qu’on fasse des tours de téléphone avec des meurtriers en série. Ça participe juste à les rendre sympathiques, humains, comme s’ils faisaient partie de la grande confrérie des personnalités québécoises.
Un jour, on "pogne" un chef syndicaliste. Le lendemain, on "pogne" une fille qui a participé au viol et à l’assassinat de sa propre sœur. Tout le monde sur le même pied d’égalité.
Karla Homolka, Paul Martin et le pape, même combat.
L’important est de "pogner" une personne connue. Fût-elle politicienne ou meurtrière.
Oulala, je ne vous dis pas la merde que j’ai reçue! Comme si j’avais traité Céline Dion de batteuse d’enfants…
"Vous n’avez pas le sens de l’humour, vous vous énervez pour rien…"
C’est cela, oui, je m’énerve pour rien. Deux comiques font des tours de téléphone avec Karla Homolka, et je devrais pisser dans mes culottes et leur lever mon chapeau.
Désolé, mais… non.
Non seulement je ne trouve pas ça drôle, mais je trouve ça de très, très mauvais goût.
Au Québec, on ne peut plus s’offusquer de rien. Le moindre doute, le moindre bémol, et paf! on vous traite de puritain.
Plus moyen de défendre un point de vue moral sans passer pour un moralisateur et un donneur de leçons. On a tellement peur des prêtres qu’on ressort le spectre de la Grande Noirceur dès que quelqu’un, quelque part, ose prononcer le mot "valeurs".
Sous prétexte d’être cool, ouvert et décoincé, il faudrait accepter n’importe quoi.
Des jeunes filles de huit ans portent des t-shirts bedaine? Bah, toutes les jeunes veulent s’habiller comme les grandes, c’est connu!
Une compagnie de vêtements utilise une imagerie inspirée de la porno infantile pour vendre des camisoles? Bah, le sexe n’a jamais fait de mal à personne, voyons!
Des humoristes font un tour de téléphone avec Karla Homolka? Mais c’est inoffensif, c’est drôle, ça ne fait mal à personne!
On diffuse des niaiseries à la télé publique? Allez, il ne faut pas être élitiste, la télé, ça appartient à tout le monde!
Les Témoins de Jéhovah refusent les transfusions sanguines? Mais on peut croire à ce qu’on veut, c’est un droit fondamental!
Bref, tout est génial, tout est parfait. Tout est super.
Ceux qui osent poser des questions sont des casseux de partys et des suceux de balustres qui rêvent de revenir aux années 50.
Comme c’est souvent le cas au Québec, on est passé d’un extrême à un autre. Du parent super-autoritaire qui sortait sa ceinture à la moindre peccadille au parent ultra-cool qui hausse les épaules chaque fois que son fils met le feu à sa chambre.
Avant, on s’énervait pour rien, alors qu’aujourd’hui, il n’y a plus rien qui nous énerve.
Le plus drôle là-dedans, c’est que les deux extrêmes se rejoignent.
Comme on dit: trop, c’est comme pas assez. Rire de rien et rire de tout, c’est la même chose. Ça participe au même nivellement, c’est deux façons d’éteindre toute discussion, d’imposer le silence, de neutraliser la dissension.
De faire peur.
"Je ne dirai pas que je n’aime pas ce gag car je vais passer pour un facho rétrograde qui se prend au sérieux et qui n’a aucun sens de l’humour."
Or, entre le "Je n’accepte rien" des années 50 et le "J’accepte tout" des années 2000, il devrait y avoir de la place pour une alternative, non?
Je commence à en avoir ras le cul des chiffres. "Deux millions de personnes ont ri en écoutant ce gag, c’est donc qu’il est drôle." Eh bien, non. Ce n’est pas parce que des millions d’Allemands ont voté pour Hitler dans les années 30 qu’il était un bon politicien. La masse, parfois, peut se tromper. Ça s’est déjà vu.
Il y a une différence entre porter un jugement moral et faire la morale. Tout comme il y a une différence entre respecter le peuple et être populiste.
Malheureusement, cette différence, on ne la voit plus.
J’imagine que c’est super…