On parle beaucoup de la cocaïne, par les temps qui courent. Comment c’est une drogue dangereuse, nocive, pernicieuse.
Je m’excuse, mais qu’en est-il de l’alcool?
L’alcool, rappelons-le, n’est pas digéré. Il passe directement du tube digestif aux vaisseaux sanguins. En quelques minutes, le sang le transporte dans toutes les parties de l’organisme.
À court terme, lorsqu’il est consommé à des doses importantes, l’alcool provoque un état d’ivresse et peut entraîner des troubles digestifs, des nausées, des vomissements. À long terme, l’usager risque de développer de nombreuses pathologies: cancers (de la bouche, de la gorge, de l’œsophage), maladies du foie et du pancréas, troubles cardiovasculaires, maladies du système nerveux et troubles psychiques.
L’alcool est souvent responsable d’accidents de la route et d’accidents du travail.
Selon le Center For Media Literacy, l’héroïne, la cocaïne et les autres drogues illégales causent environ 20 000 décès par année aux États-Unis, alors que l’alcool est responsable de 100 000 décès et le tabac, 390 000! Chaque année, le gouvernement américain doit dépenser plus de 100 milliards de dollars pour faire face aux effets dévastateurs de l’alcool.
Or, malgré ces chiffres accablants, l’alcool est en vente libre et sa consommation est acceptée socialement. On vante même ses vertus euphorisantes à la télé! Comment l’alcool rend joyeux, comment il facilite les rapports entre les gens, comment il sème la bonne humeur partout où il coule… "Molson salue les vrais", "It’s Miller time", "Mettez de la couleur dans votre vie" (le scotch Macallan), "Faites la fête" (Michelob), etc.
Il y a même des coolers au goût de fruits et de limonade qui visent spécifiquement les jeunes, et qui, dans certaines épiceries, sont placés non pas dans les étalages de bières, mais dans les comptoirs réfrigérés aux côtés des jus et des orangeades!
On a déjà essayé d’interdire l’alcool, mais on s’est vite rendu compte que ce n’était pas possible (tout ce que la prohibition a fait, c’est d’engraisser le crime organisé). Alors on a adopté une autre stratégie: on a essayé d’éduquer les gens afin de les aider à contrôler leur consommation d’alcool.
Et devinez quoi? Ça marche…
Pourquoi ne ferait-on pas la même chose avec les drogues?
Car soyons francs: la drogue ne disparaîtra jamais de la surface de la Terre. Il y a toujours eu et il y aura toujours des gens qui voudront consommer des drogues, licites ou non. Et leur nombre, loin de diminuer, tend à augmenter avec les années.
On fait quoi, alors? On s’enfonce la tête dans le sable et l’on fait comme si ça n’existait pas? Ou l’on tente au contraire d’aider les consommateurs de drogues à se responsabiliser?
Vous connaissez le GRIP Montréal (Groupe de recherche et d’intervention psychosociale)? Cet organisme qui se pointe à certains raves et à certains événements festifs existe depuis 1997. Au lieu de dire aux jeunes qu’il ne faut jamais, jamais, jamais prendre de drogues (discours alarmiste qui ne sert à strictement rien, et qui n’empêchera jamais un jeune de fumer un joint ou de tirer une ligne), les membres du GRIP essaient au contraire de rendre les individus plus aptes à faire des choix éclairés en matière de consommation de drogues.
"Tu jongles avec l’idée de consommer une drogue X? Eh bien, voici des informations OBJECTIVES et SCIENTIFIQUES concernant cette drogue. Voici les règles que tu dois suivre si tu ne veux pas faire de bad trip ou de surdose. À toi maintenant de prendre TA décision…"
Cette stratégie s’appelle "la réduction des méfaits". C’est moins réconfortant que le discours prohibitionniste, je vous l’accorde, mais c’est beaucoup plus lucide.
Parfois, quand j’entends les tenants de la prohibition parler, je me demande quelle herbe ils ont fumée ou quel comprimé ils ont avalé. J’ai l’impression qu’ils vivent dans un monde complètement irréel, situé à mille lieues de la vraie vie.
Ils me font penser à Bree Van de Kamp, la banlieusarde parfaite de la sitcom Desperate Housewives. Elle est toute propre, elle respecte toutes les règles écrites et non écrites du savoir-vivre, mais c’est la plus disjonctée du groupe.
Elle rêve d’un monde qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais.
Un monde idéal, immaculé, dans lequel rien ne dépasse.