Lecteurs, lectrices, vous savez que je n’ai jamais, au grand jamais, utilisé l’espace que Voir m’accorde si généreusement chaque semaine pour prendre à partie les grands de ce monde. Mais cette semaine, je suis dans l’obligation de faire une entorse à mes principes.
Car, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mes amis, mais les temps sont graves. Les gens au pouvoir nous cachent des choses. Des choses essentielles, des choses importantes. Des choses qui relèvent du domaine public. Des choses que nous devons savoir.
Je parle bien sûr de l’affaire Cloutier.
Je sais, vous dites qu’il s’agit d’une histoire privée, qui ne nous regarde pas. Mais permettez-moi d’être en désaccord avec vous. Si ce n’était de nos taxes, il n’y aurait ni Guy Cloutier, ni Nathalie Simard, ni Novem, ni Véronique, rien. Ces gens, qu’ils le veuillent ou non, appartiennent au domaine public. Ils sont à nous! Nous les avons subventionnés, construits, aimés, financés, encouragés! Nous avons acheté leurs disques, nous avons suivi leur carrière, nous ne les avons jamais abandonnés, même dans les moments les plus sombres, quand Nathalie chantait "E.T., t’es mon ami, mon ami, pour la vie", ou quand René reprenait Fernando d’Abba. Ils avaient beau muer, grossir, s’habiller chez Tip Top ou se faire couper les cheveux par Alvaro, on était là, on ne lâchait pas, toujours derrière eux, leur dernier disque de Noël sous le bras, prêts à ouvrir notre portefeuille à la moindre bébelle distribuée par leur gérant, ce monument de la culture, ce grand chevalier des arts et des lettres qui nous a donné tant de belles choses, du Village de Nathalie aux compilations-souvenir de Dick Rivers, en passant par Johanne Blouin et son album Merci, Félix.
Et il faudrait soudainement se retirer et les laisser en paix? Non, jamais! Nous avons le droit de savoir!
C’est pour cette raison que je demande une commission d’enquête sur cette histoire. Que l’on fasse la lumière une bonne fois pour toutes sur la question.
Nous voulons des réponses! Des témoins! Des audiences télévisées! Un rapport, des accusations, des coupables!
Michel Vastel, grand défenseur de la veuve et de l’orphelin et journaliste de réputation internationale, a contribué à jeter un peu de lumière sur cette sombre histoire en prêtant sa plume habile et ô combien précise à la pauvre victime. Mais nous voulons plus! Plus de détails, plus de noms!
Que l’on dénonce TOUS les complices de ce dangereux pédophile! Les patrons de Radio-Canada, les maquilleuses du Village de Nathalie qui transformaient les jeunes participantes en poupounes de luxe, les choristes de La Fureur, les éclairagistes, le gars en bicycle qui livrait le courrier, le fabriquant des poudings Laura Secord, Sébastien Benoît, Élise Marquis, la distribution complète de Don Juan, le p’tit roux qui imitait Elvis au Capitole, le cadavre de Liberace, le gars qui a pris la photo pour le 77e disque de René, qu’on les amène tous aux bûchers!
Car cette histoire touche beaucoup de gens, mes amis. Elle a des ramifications incroyables, inimaginables!
Prenez le déménagement du bulletin télévisé de Radio-Canada, par exemple. Qui a profité de cet état de fait? Véro! La fille de Guy Cloutier! Et tout ça, alors que la crise était à son paroxysme!
D’un côté, on met Véro à 18 h, heure de grande écoute s’il en est, et de l’autre, on s’arrange pour que les topos incriminant Guy Cloutier soient diffusés à 17 h, pendant que les honnêtes citoyens travaillent!
Cela ne vous met-il pas la puce à l’oreille?
Mario Clément, le directeur des programmes de Radio-Canada, serait-il de mèche avec Guy Cloutier? Vite, une enquête! Qu’on cite des gens à comparaître! Après tout, Radio-Canada, c’est notre argent! Ce n’est pas comme TVA, qui ne reçoit aucune subvention!
(D’ailleurs, afin d’assurer une plus grande transparence à cette commission, je suggère qu’elle soit financée non pas par le gouvernement fédéral, qui gère Radio-Canada, mais par Quebecor, une entreprise qui n’a rien à gagner de toute cette tragédie…)
Tout cela sent mauvais, les amis. Le temps est venu d’aller au bout de cette histoire. C’est plus important que la recrudescence du sida ou la guerre en Irak.
Car il en va de notre culture. Donc, de notre mémoire.