"Une vague sans précédent d’immoralité est en train de noyer le pays."
– Prêtre cité dans un journal de Cincinnati en 1918
Connaissez-vous le magazine Look?
Clone du célèbre hebdomadaire Life, cette publication (qui a été fondée en 1937 et qui a cessé de paraître en 1971) était extrêmement populaire dans les années 40.
Le 21 septembre 1943, le magazine Look a publié la "première enquête exhaustive" sur le mode de vie des adolescents. Le titre: "Are These Our Children?" (Sont-ce nos enfants?)
Selon les auteurs de Look, la délinquance juvénile, au début des années 40, était le problème numéro un de la société américaine, un véritable cancer qui menaçait les fondements mêmes de la démocratie.
"Les jeunes volent des autos, pouvait-on lire, ils cassent des fenêtres, sortent dans les bars, brutalisent leurs parents. Selon J. Edgar Hoover, directeur du FBI, le nombre de filles âgées de moins de 21 ans arrêtées en état d’ébriété a augmenté de 40 % entre 1941 et 1942, et le nombre de jeunes femmes qui pratiquent la prostitution a grimpé de 64 %… Sont-ce nos enfants?"
Cette enquête a causé un tel choc que deux semaines plus tard, le magazine Look demandait à six personnalités importantes (dont la première dame des États-Unis, Eleanor Roosevelt, une juge de New York et le directeur des Scouts) de se prononcer sur ce phénomène.
Leur verdict? "Les parents ne sont pas assez sévères et la société est trop permissive…"
La semaine dernière, quand j’ai lu le reportage du Journal de Montréal sur les "orgies" qui se sont déroulées à l’Université McGill, j’ai tout de suite pensé à la fameuse enquête du magazine Look.
Les jeunes boivent de la bière! Ils enlèvent leur chemise! Les filles se promènent en soutien-gorge et font des danses lascives! Mais diantre, où s’en va la jeunesse? Où s’en va le monde? Que se passe-t-il?
Ça m’a fait penser aux films de délinquants qui étaient si populaires dans les années 50, et qui continuent d’être diffusés sur les ondes de Drive-In Channel, une station de télé payante spécialisée dans les films de série B: Untamed Youth, Where Are Your Children, Girls of the Road, Delinquent Daughters, Under Age, Youth Runs Wild, The Violent Ones, Teen-Age Mafia et mon titre préféré, So Young, So Bad.
Ces films sont vieux d’un demi-siècle, et pourtant, on continue toujours de capoter sur "les mœurs désaxées de la jeunesse". Pas un mois, pas une semaine sans qu’un journal de Montréal, de Québec, de Hull ou de Sherbrooke nous sorte un papier sur les "pauvres jeunes filles qui sont obligées de faire des pipes dans les toilettes de l’école secondaire pour faire partie du groupe".
Je veux bien croire que les adolescentes d’aujourd’hui sont plus olé olé que celles des années 50, mais la situation est-elle aussi pire qu’on le dit? Organise-t-on vraiment des Rainbow Partys (partys au cours desquels des filles pratiquent la fellation sur plusieurs gars) à tous les coins de rue, ou nous sommes en train de prendre un épiphénomène et de le généraliser au Québec tout entier?
C’est comme les années 60. À croire les documents de l’époque, TOUS les jeunes pratiquaient l’amour libre, manifestaient dans la rue et droppaient du LSD. Or, tout ça, c’est du folklore.
C’est comme si je disais que dans les années 70, tous les banlieusards pratiquaient l’échangisme, et tous les couples mariés étaient "open". Voyons, un peu de sérieux!
Les médias sont allergiques au tiède, au moyen, à la norme. Ce qu’ils veulent, c’est de l’extrême. Des musulmans extrémistes qui déchirent leur chemise pour un dessin, des jeunes de sixième année qui organisent des orgies dans des gymnases.
Le hic, c’est que la plupart des gens mènent une vie ordinaire, sans histoire. Ils prient chez eux, à l’abri de la foule, ils croient au grand amour, ils n’ont pas besoin de boules chinoises ou de vibrateurs de 12 pouces pour s’envoyer en l’air.
Mais voilà, cela ne fait pas de la bonne télé, ni de bons papiers.
Pourquoi faire un film intitulé Young Girl in Love quand on peut tourner Bisexual Girls in Heat Giving Blowjobs to Fourteen Boys?