Ondes de choc

La chire du maître

Il y a deux sortes d’artistes: ceux qui prennent la critique, et ceux qui ne la prennent pas. Dany Laferrière appartient à la seconde catégorie. En fait, il appartient à la troisième catégorie: ceux qui pètent les plombs quand on ose les critiquer, ceux qui sortent les bulldozers et les AK-47 dès que quelqu’un, quelque part, ose dire qu’il est en désaccord avec eux.

C’est ce qu’a fait l’écrivain-cinéaste à Tout le monde en parle dimanche dernier.

Rappelons les faits.

Le 16 août 2005, Dany Laferrière a fait paraître un texte d’opinion dans le journal La Presse concernant la récente nomination de Michaëlle Jean au titre de gouverneure générale. En gros, il disait qu’on ne devait pas dire du mal de l’ex-journaliste de Radio-Canada car cela faisait de la peine aux Haïtiens:

"De quel droit vous êtes-vous placés en travers du bonheur d’un peuple? N’avez-vous pas compris que c’était tout simplement une bonne nouvelle pour des gens qui n’en reçoivent presque jamais? […] Comment avez-vous pu être insensibles à une joie populaire si spontanée? Si un petit groupe de gens croit qu’il peut changer les choses et pousser Michaëlle Jean à la démission, je tiens à les avertir que les Haïtiens et leurs nombreux amis sortiront pour la première fois dans les rues de Montréal pour défendre leur fierté bafouée, comme on l’a déjà fait au Québec lors de l’affaire Maurice Richard."

Le 25 août suivant, je publiais une réponse au texte de Dany Laferrière sous le titre explosif "Comment écrire des conneries sans se fatiguer":

"On ne critique pas Michaëlle Jean parce qu’elle est d’origine haïtienne, écrivais-je, on la critique parce que son choix ne correspond pas aux valeurs qu’elle a toujours défendues! A-t-on le droit? La couleur de peau et l’origine ethnique de Michaëlle Jean la placeraient-elles au-dessus de toute critique? […] Il y a quelques années, Jean Barbe avait écrit que Dany Laferrière était le Noir de service à l’émission La Bande des six. Le principal intéressé avait grimpé dans les rideaux. "Je ne suis pas là parce que je suis noir", avait-il répliqué.

Les temps ont bien changé. Aujourd’hui, le même homme nous interdit de critiquer Michaëlle Jean JUSTEMENT parce qu’elle est noire! Sinon, écrit-il, il y aura une émeute dans les rues de Montréal…"

Depuis la publication de ma chronique, Dany Laferrière est parti en guerre contre moi. Il m’a démoli dans sa chronique de La Presse, et il m’a démoli à Tout le monde en parle.

Le hic, c’est que je ne suis pas le seul à avoir trouvé son texte profondément ridicule. Plusieurs personnes (par le biais des tribunes téléphoniques et des forums dans les journaux) lui sont tombées dessus à bras raccourcis. Dans La Presse du 28 août, le politologue réputé Christian Dufour écrivait même que le texte de Laferrière était "un article irresponsable" et "un chef-d’oeuvre de racisme inversé"!

Je suis sûr que si j’avais été d’accord avec les propos de Dany Laferrière, celui-ci saluerait aujourd’hui mon génie. C’est toujours la même histoire: tu n’aimes pas le film de Machin, Machin trouve que tu es un critique pourri; tu aimes le film de Machin, Machin trouve que tu es un critique génial.

Dany Laferrière trouve que je suis un con fini. Pas de problème, c’est son droit, ça ne me fait pas un pli sur le nombril. Commencerai-je à dire que le réalisateur de Comment conquérir l’Amérique en une nuit vit artistiquement au-dessus de ses moyens pour me venger, maintenant? Absolument pas. Je vais continuer à penser que c’est un très grand écrivain. Je ne suis pas si égocentrique que ça, je ne crois pas que Dany Laferrière est devenu un auteur minable juste parce qu’il m’est rentré dedans! Je suis capable de faire la part des choses, je sais que lorsqu’on donne des coups, il faut s’attendre à en recevoir.

Sinon, je n’écrirais pas des chroniques d’humeur. Ni des textes d’opinion dans les journaux.