Ainsi, Pauline Marois a décidé de quitter la vie politique. Comme on pouvait s’y attendre, l’ex-numéro 2 du PQ n’avait pas terminé sa conférence de presse qu’on l’a tout de suite noyée dans une mer d’éloges et de compliments. Elle était une femme extraordinaire, on aurait dû l’appuyer davantage, on vient de perdre la meilleure première ministre de l’Histoire, que va-t-il advenir de nous, comment le PQ peut-il se passer de son immense expérience, etc.
C’est fou comme la porte de sortie, au Québec, confère soudainement une aura de sainteté. Rien de mieux que la mort – ou la retraite – pour acquérir soudainement ses lettres de noblesse.
Comme le disait John Huston dans le film Chinatown, de Roman Polanski: "Politicians, whores and ugly buildings: they all become respectable with age…" (Les politiciens, les putes et les bâtiments laids deviennent tous respectables avec le temps.) Effectivement, madame Marois était une politicienne remarquable et une femme de très grande qualité. Mais que voulez-vous, le temps du ménage a sonné au PQ, et madame Marois est passée dans l’aspirateur. Parfois, il est bon de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Ça me fait penser aux gars et aux filles de ma génération, qui ont entre 40 et 45 ans. Quand ces gens avaient 20 ans, les entreprises n’embauchaient personne, car leurs employés étaient dans la force de l’âge. Maintenant que ces employés ont des cheveux blancs et l’âge de la retraite, qui les entreprises embauchent-elles? Mes amis de 40 ans? Non: des gens de 20 ans.
Les membres de ma génération sont tout simplement passés entre deux vagues.
Trop jeunes en 1980, trop vieux en 2006. C’est la vie. Ils ont été sacrifiés à l’autel du grand cycle démographique, et devront apprendre à être des travailleurs autonomes jusqu’à 102 ans.
Il en va de même avec Pauline Marois.
Madame Marois avait tout pour être première ministre. Mais quand le poste s’est finalement libéré, elle était trop vieille. Le Temps du Grand Ménage avait sonné.
Adieu les vieux, bonjour les jeunes.
Injuste? Bien sûr. Mais qui a dit que la vie – SURTOUT la vie politique – devait être juste? La vie a-t-elle été juste envers les gens de ma génération?
C’est sûr que l’absence de madame Marois va se faire sentir dans le paysage politique québécois. Mais l’idée de faire un ménage s’imposait. Surtout au PQ.
Car s’il y a un parti qui a mal vieilli, c’est bien le Parti Québécois. Vous avez regardé les images du dernier congrès national, quand les membres du parti se sont réunis pour choisir un nouveau chef? On aurait dit un conventum de l’Association des paléontologues écossais. Il y avait plus de pipes, de barbes et de bas bruns au mètre carré que dans un tournoi de la Fédération des joueurs de dames de Charlevoix. Quand RDI diffusait des images du congrès, ça sentait tellement le renfermé dans la maison que je devais ouvrir les fenêtres de mon appartement pour l’aérer.
Qu’on le veuille ou non, le PQ avait besoin d’un changement d’image. Au plus sacrant, en plus.
Et c’est ce qu’André Boisclair a apporté: une nouvelle image. Le temps nous dira si ce nouveau look s’accompagnera aussi d’un nouveau discours, et si la lettre sera à la hauteur de l’enveloppe.
Reste que pour l’instant, le PQ a une nouvelle image, susceptible d’attirer davantage de jeunes dans ses rangs. C’est déjà ça.
(Je ne suis pas tout seul à penser ça, Pierre Falardeau pense exactement la même chose.) Et ne commencez surtout pas à jouer les vierges offensées, à dire que tout, aujourd’hui, est une question d’image, qu’à force de se concentrer sur le look, on finit par passer à côté des vraies affaires, et patati et patata.
La politique EST affaire de look. Demandez-le aux indépendantistes, qui ont passé 90 % de leur temps non pas à critiquer les idées de Jean Chrétien, mais à rire de sa bouche croche et de sa diction de bûcheron.
Alors, merci, madame Marois. C’est dommage que vous ne soyez pas devenue première ministre. Mais que voulez-vous, c’est la vie.
C’était une question de timing.
Quant à André Boisclair: félicitations, le nouveau contenant est bien beau.
On attend maintenant le contenu.