Ondes de choc

Race de monde

«Lucien Bouchard.»
Les Québécois ont regardé autour d’eux, et tout ce qu’ils ont trouvé à dire, c’est «Lucien Bouchard».

Hé ben.

Ce n’est pas vrai que les Québécois regardent derrière eux. Ici, monsieur, on regarde devant.

Droit dans le rétroviseur.

Et vous savez ce qui est écrit sur le rétroviseur?

"Attention: les gens semblent plus gros qu’ils ne le sont en réalité."

ooo

Il y a deux semaines, le magazine L’Actualité publiait un reportage sur le racisme au Québec. On y apprenait que si les Québécois n’ont aucun problème avec les mariages interraciaux, ils ne sont pas aussi magnanimes lorsque vient le temps de donner un emploi à une personne de couleur.

"Couche avec ma fille, mais ne travaille pas dans mon usine."

Méchant paradoxe…

Le reportage de L’Actualité était intéressant, éclairant et pertinent. Surtout qu’au Québec, on a tendance à se péter les bretelles et à se trouver beaucoup plus tolérants qu’on ne l’est en réalité.

Mais je pose une question, comme ça: pourquoi, chaque fois qu’on parle du racisme, on parle du racisme des Blancs envers les autres groupes ethniques?

À ce que je sache, les Blancs n’ont pas le monopole de la bigoterie.

Le film Crash (Oscar du meilleur film) en a d’ailleurs fait la démonstration. Qu’en est-il du racisme des Japonais envers les Chinois, des Coréens envers les Noirs, des Dominicains envers les Haïtiens, des Tutsis envers les Hutus, des Turcs envers les Arméniens, des Noirs foncés envers les Noirs pâles, et tutti quanti?

J’ai vécu quelques années à Outremont, et je peux vous dire qu’entre les Grecs et les Juifs hassidiques, ce n’est pas le grand amour. Entre les Juifs hassidiques et les Québécois francophones non plus. Je me souviens, un matin, un petit Juif hassidique de 5-6 ans est tombé en bas de son vélo. J’ai voulu lui venir en aide. Or, le petit m’a regardé comme si j’étais le diable en personne. Il était blanc, livide, comme si j’étais un loup-garou! En le regardant, j’ai compris que ce petit garçon avait été élevé dans la peur, dans la bigoterie, dans l’ignorance. Il ne devait pas entrer en relation avec des gens comme moi.

Si ce n’est pas du racisme, je ne sais pas ce que c’est. Pourtant, on n’en parle jamais. Bizarre, non? Comme si l’intolérance ne pouvait avoir qu’une seule et unique couleur…

Je suis désolé, mais s’il y a une chose qui est partagée en ce bas monde, c’est – malheureusement – le racisme. Ça existe dans toutes les sociétés, chez tous les groupes ethniques.

Prenez l’esclavage, par exemple. Chaque fois qu’on produit une mini-série sur l’esclavage, les bourreaux sont blancs et les victimes sont noires.

Effectivement, les Blancs d’Amérique et d’Europe ont profité de l’esclavage des Noirs. Mais ils ne sont pas les seuls.

Dans l’édition du 4 mai du magazine français Le Point (celui avec Jean-François Revel en page couverture), on trouve un long reportage sur l’esclavage. On y apprend que du VIIe au XIXe siècle, les musulmans d’origine arabe et leurs alliés noirs ont organisé une traite d’esclaves qui a causé la déportation de 17 millions d’Africains!

L’esclavage a été pratiqué au Yémen, à Zanzibar, en Tanzanie, en Éthiopie, en Arabie Saoudite, au Soudan. Les Africains eux-mêmes ont organisé une traite d’esclaves qui a touché 14 millions d’individus!

Les esclaves qui étaient capturés en Afrique par des Arabes musulmans et vendus au Maroc, en Inde et en Chine devaient parcourir à pied plus d’un millier de kilomètres! On dit que le taux de mortalité était de 20 %.

Vous avez déjà vu une série qui traitait de ce fait historique terrible? Moi non plus. J’imagine que c’est trop délicat… Il faut mettre des gants blancs quand on traite du racisme des Noirs, des Asiatiques et des Arabes. Alors que lorsque vient le temps de pointer les Blancs du doigt, pas de problème, prenez un numéro et faites la queue.

C’est bien de dénoncer le racisme des Blancs. C’est urgent, nécessaire, utile.

Mais il n’y aura plus de racisme le jour où l’intolérance sera dénoncée partout, quelles que soient la forme ou la couleur qu’elle prend.