Après Guy Laliberté, qui n’avale toujours pas l’échec de son projet de méga-complexe récréo-touristique (qui aurait, dit-on, été "torpillé" par les méchants groupes de pression), c’est donc au tour de Gilbert Rozon, monsieur Juste pour rire, de déplorer le fait que le gouvernement québécois s’écrase trop rapidement devant les groupes communautaires.
"Je suis un bâtisseur, a-t-il dit au Journal de Montréal, et je suis très déçu de ce qui se passe au Québec et à Montréal en termes d’investissement dans le secteur de la culture."
J’aime beaucoup monsieur Rozon et monsieur Laliberté. J’éprouve un immense respect envers les producteurs, directeurs de festivals et autres "bâtisseurs" de la culture d’ici. C’est grâce à des gens comme eux que le Québec est un endroit où il fait bon vivre.
Mais voilà…
J’en ai un peu ras le bol de me faire donner des leçons d’économie et d’entrepreneurship par des hommes d’affaires qui ont bâti leur fortune et leur empire à coups de subventions.
Pourrait-on rappeler à ces augustes personnages que si ce n’était des millions et des millions de dollars d’argent PUBLIC qui ont été investis dans leurs projets au fil des ans, ils seraient encore en train de présenter des diaporamas dans la cafétéria du cégep de Limoilou?
Le Cirque du Soleil et le Festival Juste pour rire, c’est comme la soupe Habitant: il y a un peu de nous autres, là-dedans.
Un peu, et même beaucoup.
Beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Le Musée de l’humour, monsieur Rozon, ça ne vous rappelle pas quelque chose? Ça devait être l’un des joyaux de Montréal.
Le gouvernement du Québec y a investi 5,5 millions de dollars; Ottawa, 5,5 millions $ et la Ville de Montréal, 2,5 millions $ (sans oublier une dette de 5 millions $ qu’elle a accepté d’éponger). Tout ça pour quoi?
Pas grand-chose.
Vous souvenez-vous du Technodôme, ce Disney World futuriste qui devait être construit dans le Vieux-Port de Montréal par les frères Reichmann, les artisans d’une des plus grosses faillites de l’histoire de l’humanité?
La Société générale de financement du Québec (SGF) a englouti près de 5 millions $ pour promouvoir ce projet débile qui n’a jamais vu le jour: 3,9 millions $ en honoraires et en coûts d’analyse; 737 000 $ pour la préparation et la production de matériel promotionnel; et 163 000 $ en frais de représentation.
Vous souvenez-vous de Métaforia, ce centre de divertissements high-tech qui devait révolutionner notre façon de nous amuser, et qui s’est royalement planté après quelques jours seulement d’activité?
La SGF y a investi plus de 12 millions $ en capital-actions.
Tout ça, sans parler du Festival International de Films de Montréal, lancé par l’Équipe Spectra.
Voilà pourquoi la population québécoise est frileuse, monsieur Rozon.
Parce que chaque fois qu’un "bâtisseur" subventionné à l’os se pète la bine, c’est elle qui ramasse la facture.
Il va falloir le dire une bonne fois pour toutes: la culture, au Québec, n’est pas un business, quoi qu’en pensent les "bâtisseurs" d’empires et autres "constructeurs" de rêves. C’est de la charité.
Du B.S. de luxe.
Les artistes ont beau chanter la liberté, l’indépendance et l’individualisme, ils ne pourraient pas faire deux pas sans l’aide de l’État.
Je ne dis pas qu’il faille leur couper les vivres, non. Je dis seulement qu’il faut faire preuve d’humilité et de réalisme, et appeler un chat un chat.
Des vrais producteurs, au Québec, il n’en existe pas. Ce sont TOUS des gens qui gèrent l’argent des autres.
Si ce n’était du gouvernement du Québec, qui lui a donné un sacré coup de main quand il en avait besoin, Guy Laliberté ne frayerait pas avec le jet-set international. Il jonglerait avec des bananes et des poires sur la rue du Trésor.
Je ne veux pas diminuer son talent. Oui, il est brillant, et oui, il a réussi à "réinventer le cirque" et à tirer son épingle du jeu. Mais rendons au gouvernement ce qui lui appartient.
Il y a quand même un boutte à voir des assistés sociaux de luxe nous donner des leçons de gestion, d’audace et d’administration.
Donnez-moi dix millions, vous verrez que j’en aurais, moi aussi, des projets. Par ici les zoos, les complexes, les musées et les festivals.