Ondes de choc

Une image sucrée d’Al Gore

Avez-vous vu An Inconvenient Truth (Une vérité qui dérange), de Davis Guggenheim?

Après Fahrenheit 9/11, Super Size Me, Wal-Mart: The High Cost of Low Price et Le Cauchemar de Darwin, c’est le nouveau documentaire gauchiste à la mode.

Il s’agit en fait de la captation d’une présentation PowerPoint d’Al Gore sur la dégradation de l’environnement et le piteux état de santé de notre planète.

Le film est divisé en deux. Une partie nous montre les effets désastreux du réchauffement de la planète: fonte des glaciers, disparition d’espèces animales, augmentation catastrophique du niveau de la mer, pollution, tornades, ouragans, etc.

Et une autre partie est une sorte de monument élevé à la gloire de l’ex-vice-président des États-Unis.

Autant la première partie est fascinante, informative et – avouons-le – inquiétante, autant la seconde partie est insupportable. On voit Al Gore pitonner sur son ordi, Al Gore discuter avec ses fans aux quatre coins du monde, Al Gore réfléchir sur l’avenir de l’humanité en regardant par le hublot d’un avion, Al Gore marcher dans le bois avec ses enfants, Al Gore faire des gags sur George W. Bush et Al Gore dire que la planète entière se porterait mieux si Al Gore avait été élu président à la place de l’autre twit avec de grandes oreilles…

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais payer dix dollars pour voir l’info-pub d’un politicien en campagne préélectorale, je ne trouve pas ça très, très écolo… C’est, disons, du recyclage douteux.

Est-ce Al Gore qui va sauver la planète, ou la planète qui va sauver Al Gore? Poser la question, c’est un peu y répondre…

Cet hommage à Gore est d’autant plus dérangeant que l’homme n’est pas aussi vert qu’on le dit. Il suffit de faire une petite recherche en sortant du cinéma (chose que peu de spectateurs font, préférant gober tout rond les infos biaisées qu’on leur offre) pour s’en rendre compte…

Al Gore, on le sait, était le colistier de Bill Clinton lors de la campagne présidentielle de 1992. Or, qui étaient les plus grands bailleurs de fonds de cette campagne?

Les frères Fanjul, Jose et Alfonso Jr.

Ces expatriés cubains sont les plus gros cultivateurs de sucre aux États-Unis. On les appelle les "barons" du sucre.

Non seulement les frères Fanjul ont-ils été condamnés à payer une amende de 375 000 $ pour avoir maltraité des travailleurs dominicains, mais ils sont passés à l’histoire pour être les pires pollueurs de l’État de Floride.

En effet, afin de cultiver leur "or blanc", les frères Fanjul ont déversé une quantité record de phosphore dans le parc national des Everglades, créant une mini-catastrophe écologique.

Les frères Fanjul étaient très près du duo Clinton-Gore. Pendant l’enquête publique sur les "actes indécents" commis par Bill Clinton lors de son passage à la Maison-Blanche, on a appris que le président avait même interrompu une séance de touche-pipi avec Monica Lewinsky afin de prendre un appel d’Alfonso Fanjul! L’appel devait être urgent pas à peu près…

En fait, vous savez pourquoi Fanjul appelait le président des États-Unis? Pour lui demander de tirer la plogue sur son projet de taxer les cultivateurs de sucre afin de financer la dépollution des Everglades. Un blow-job et un cigare plus tard, Clinton et son pote Gore reléguaient effectivement ce projet aux oubliettes…

Méchant environnementaliste, non?

Vous me direz que Gore ne tenait pas les brides du gouvernement, qu’en tant que vice-président, il devait accepter silencieusement les décisions de son patron. Vrai.

Reste qu’il n’a rien dit, et qu’il s’est fermé la gueule pour ne pas froisser l’un des plus grands bailleurs de fonds de sa campagne…

Alors, quand je le vois critiquer l’inactivité des politiciens dans An Inconvenient Truth, mon taux de sucre fait un bond.

C’est fou comme les politiciens lavent plus blanc une fois qu’ils quittent le pouvoir, non? Quand ils pouvaient faire des choses, ils ne faisaient rien, et maintenant qu’ils n’ont plus le pouvoir, ils veulent tout faire et donnent des leçons à tout le monde…

La semaine dernière, mon confrère François Parenteau disait qu’il fallait douter. Entièrement d’accord. Douter des discours de la droite, mais aussi des pamphlets de la gauche.