Ondes de choc

Lettre ouverte aux masculinistes

Salut les boys.

Depuis quelque temps, vous m’écrivez régulièrement – chaque jour, en fait. Je reçois plus de courriels de votre part que de la part de la maudite compagnie américaine spécialisée dans l’allongement du pénis, c’est dire.

(D’ailleurs, lorsqu’on y pense, vous proposez des services similaires. Eux encouragent les gars à grossir leur pénis physiquement, alors que vous, vous les encouragez à grossir leur pénis symboliquement. Deux organismes, une seule obsession. L’an 2006 serait-il celui de la queue? Je vais mettre une femme là-dessus…)

Certaines de vos préoccupations me touchent. Comme vous, le taux de suicide anormalement élevé chez les hommes au Québec m’inquiète. Comme vous, j’en ai ras le bol d’entendre dire que les femmes ont le monopole de la compassion. Et comme vous, je trouve que le système de justice manque parfois d’équité.

Mais malgré cela, vous me tombez royalement sur les nerfs.

Vous savez pourquoi? Parce que votre jupon dépasse.

Votre jupon antiféministe, s’entend.

D’accord avec vous qu’il faut relever l’ego amoché des hommes. Mais faut-il pour autant descendre les femmes pour y arriver?

Quand je lis vos courriels, j’ai l’impression de feuilleter de vieux bouquins de féministes extrémistes.

J’y retrouve la même hargne, le même fiel, la même haine aveugle de l’autre sexe.

À vous entendre, le féminisme est responsable de tous les maux de la Terre.

Les hommes se suicident? C’est à cause des maudites féministes.

Il pleut? C’est à cause des maudites féministes.

Vous avez un ongle incarné? C’est à cause des maudites féministes.

Plus monomaniaque, tu meurs.

La seule différence entre vous et les féministes extrémistes des années 70 (genre Andrea Dworkin, qui affirmait que TOUTE pénétration est un viol), c’est la longueur de votre barbe.

Je suis désolé de vous annoncer ça, les boys, mais bien que nous partagions certaines préoccupations, je ne suis pas des vôtres.

Pour vous, le féminisme est une calamité. Pour moi, c’est l’un des plus beaux cadeaux que la vie m’ait faits.

Grâce aux combats acharnés menés par Françoise David, Hélène Pedneault, Francine Pelletier, Lise Payette et toute la joyeuse bande originale de La Vie en rose (qui vient de nous donner un numéro spécial qui passera à l’Histoire pour sa pertinence, son audace et son sens de l’humour), ma vie est meilleure.

Plus belle, plus riche, plus épanouie.

Je suis marié à une fille tripante qui – comme la plupart des filles de sa génération – a fait de longues études, mène une carrière enrichissante, gagne bien sa vie, n’a pas peur de ses opinions, ne se laisse pas marcher sur les pieds et assume pleinement et entièrement sa sexualité.

Que demander de mieux? Rien. (Bon, d’accord, si elle savait aussi préparer de bons dry martinis, ce serait bienvenu, mais c’est un détail…)

Vous pensez que c’est arrivé comme ça, vous? Absolument pas. Si nous, les gars, on peut maintenant côtoyer des filles aussi stimulantes, c’est parce que leurs aînées se sont défoncées pour leur paver le chemin.

Y a-t-il des excès dans le féminisme? Bien sûr que oui. Comme dans tout mouvement social, que ce soit l’antiracisme, l’écologisme ou le masculinisme.

Et après?

Faudrait-il rejeter le mouvement masculiniste du revers de la main sous prétexte que certains zigotos ont la rage?

Je n’ai pas de problème avec le fait que vous remettiez en question certains dogmes du féminisme. Après tout, aucun mouvement n’est intouchable.

Ce qui m’énerve, ce qui me tue, c’est votre haine profonde des femmes qui transpire de chacun de vos courriels. Je m’excuse, mais ça, ça ne passe tout simplement pas.

Je comprends qu’un gars soit fâché contre son ex. Mais de là à canaliser cette colère contre TOUTES les femmes, il y a une marge! Ne généralisez pas ce qui tient du particulier!

En agissant ainsi, en crachant à la figure de toutes les femmes, vous faites comme l’ineffable Raymond Villeneuve, qui s’amuse à souiller le drapeau canadien tous les 1er juillet.

Vous n’aidez pas votre cause. Vous la desservez, vous la faites reculer.

J’aimerais, quand je lis vos courriels, avoir le goût de vous écrire, pour vous transmettre mon appui. Malheureusement, tout ce que j’ai le goût de vous dire, ces temps-ci, c’est: "Get a life…"