Ondes de choc

Les voisins

Deux voisins – Matthieu et Robert – vivent côte à côte dans une jolie banlieue.

Un jour, un malade qui veut tuer la famille de Robert squatte la chambre des enfants de Matthieu. Bien caché sous leur lit, il fabrique des cocktails Molotov qu’il lance sur la maison de Robert.

Un cocktail. Deux cocktails. Trois cocktails.

Excédé, Robert appelle Matthieu et lui dit: "Coudon, Matthieu, peux-tu sortir ce fou de ta maison? Il met la sécurité de ma famille en danger."

"Oui, oui, répond Matthieu. Ne crains rien, je vais le sortir de chez moi manu militari."

Le lendemain, le malade n’est toujours pas parti. Toujours caché sous le lit des enfants de Matthieu, il continue de fabriquer des cocktails Molotov et de les lancer sur la maison de Robert.

Deuxième appel de Robert: "Coudon, Matthieu, qu’est-ce que t’attends? Vas-tu le sortir, oui ou non?"

"Oui, oui, répond Matthieu. Je vais agir cet après-midi! C’est comme si c’était fait…"

Le lendemain, la situation n’a toujours pas bougé. Le malade est toujours là, et lance toujours ses maudites bombes.

Voyant que rien ne bouge, Robert s’achète un bulldozer et rase la maison de son voisin, écrasant par le fait même les enfants de Matthieu.

Fin de cette triste histoire.

Le jeu de la métaphore est toujours dangereux. Mais ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient ressemble un peu à cette histoire.

Matthieu, c’est le Liban. Robert, c’est Israël. Et le malade qui veut détruire Robert, c’est le Hezbollah.

La communauté internationale blâme Israël. O.K., d’accord, parfait. Pour reprendre ma petite métaphore, le coup du bulldozer est beaucoup trop fort, et la mort d’enfants innocents est impardonnable.

Mais pourquoi ne blâme-t-on pas aussi le Liban et le Hezbollah?

Après tout, si le Hezbollah n’avait pas attaqué Israël, et si le Liban avait fait le ménage dans sa cour, on n’en serait pas là aujourd’hui.

Pourquoi Israël prend-il tout le blâme?

Oui, bombarder le Liban comme l’a fait Israël est hautement condamnable.

Mais utiliser des civils comme boucliers aussi.

Vous pensez que ça ne fait pas leur affaire, aux militants du Hezbollah, que les raids de l’armée israélienne aient tué des enfants?

Ça leur fait quelques martyrs de plus. Ils vont pouvoir agrandir les photos des cadavres et les brandir devant les caméras d’Al-Jazira en disant: "Regardez ce que les Israéliens ont fait! Regardez comme ils sont immoraux!"

Désolé d’être si cynique, mais si les enfants leur tiennent tant à coeur, voulez-vous bien me dire pourquoi les militants du Hezbollah se cachent au coeur de la population civile pour lancer leurs roquettes sur Israël?

Me semble que si tu aimes les enfants, tu ne te caches pas derrière eux pour lancer des bombes… Tu t’arranges pour ne pas les mettre en danger en cas d’une riposte de tes ennemis. Tu lances tes missiles à partir d’un terrain vague, loin des maisons, des garderies, des écoles…

Je ne dis pas qu’on ne doit pas blâmer Israël. Je ne dis pas qu’Israël a les mains blanches. Je dis qu’Israël ne devrait pas être seul à être pointé du doigt.

Il y a quelques jours, j’ai animé une ligne ouverte à la radio sur la crise au Liban. Avant d’ouvrir les lignes, j’ai dit que toutes les parties étaient à blâmer dans cette histoire: Israël, qui a sorti ses gros canons; le gouvernement libanais, qui n’a pas fait le ménage dans sa cour; et le Hezbollah, qui utilise les civils comme boucliers humains.

J’ai mangé un char de marde. Les auditeurs pro-israéliens m’ont dit que j’appuyais des terroristes et que j’étais antisémite, et les auditeurs pro-arabes m’ont dit que j’étais à la solde d’Israël et des États-Unis.

Personne ne voulait partager les blâmes. Le camp d’en face avait 100 % tort, et leur camp, 100 % raison. Aucun compromis. On était POUR eux ou CONTRE eux, pas d’entre-deux. J’avais l’impression d’entendre George W. Bush.

Un vrai dialogue de sourds.

Comment voulez-vous régler une situation si complexe quand personne n’accepte de reconnaître ses torts?