Ondes de choc

Un débat qu’il faudra mener à terme

La semaine dernière, la Cour supérieure du Québec a ordonné au gouvernement provincial de rembourser toutes les Québécoises qui s’étaient fait avorter dans des cliniques privées depuis 1999. Montant de la facture: 13 millions de dollars.

Au Québec, voyez-vous, l’avortement est remboursé à 100 %.

Vous vous faites avorter? L’État paie l’intervention. C’est la loi.

Tenez, l’autre jour, j’animais une tribune téléphonique. Une fille m’a appelé pour me dire qu’une de ses amies s’était fait avorter six fois.

Oui, oui: six fois.

L’État a payé la première fois. La deuxième fois. La troisième fois. La quatrième fois. La cinquième fois. Et la sixième fois.

Mais si vous êtes stérile et que vous voulez avoir recours aux services d’une clinique de fertilité pour avoir un bébé, le gouvernement vous donne… un crédit d’impôt.

That’s it, that’s all. La Régie de l’assurance maladie ne paie même pas les médicaments que vous devez prendre dans le cadre de votre traitement.

Savez-vous combien coûte un traitement de fertilité? Des milliers de dollars. Entre cinq et douze mille. Et le résultat est loin d’être garanti. Si ça ne fonctionne pas (ce qui arrive malheureusement souvent), vous devez recommencer. Et payer de nouveau.

De vos poches.

Cette semaine, une lectrice m’a écrit. Appelons-la Stéphanie.

"J’ai 30 ans et mon conjoint 32. Notre problème de fertilité est du côté masculin. Depuis décembre 2005, nous avons investi plus de 11 000 $ dans un traitement de fertilité et je ne suis toujours pas enceinte.

Évidemment, le tout est payé avec de l’argent que nous n’avons pas. Nous sommes très endettés et il est difficile de faire passer la raison avant le coeur… Faudrait-il arrêter le traitement par manque d’argent ou nous endetter encore plus pour avoir notre enfant?

Nous ne roulons pas sur l’or. Mon conjoint fait environ 54 000 $ par année. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne nous aide pas davantage…"

Dommage pour Stéphanie. Si elle était enceinte et qu’elle voulait se faire avorter, elle n’aurait pas ce problème: l’État paierait 100 % de la facture. Malheureusement, elle ne veut pas mettre un terme à une grossesse. Elle veut avoir un enfant.

C’est donc à elle et à son conjoint de se débrouiller tout seuls, et de sortir leurs cartes de crédit (ou de réhypothéquer leur maison).

Drôle de logique, non, pour un pays qui se plaint d’être dépeuplé et de ne pas faire assez d’enfants?

Comprenez-moi bien: je ne suis pas contre l’avortement, je ne voudrais pas retourner en arrière, à l’époque où les femmes s’avortaient avec des cintres. Mais vous ne trouvez pas cette politique complètement absurde?

Marie-Josée Joly, présidente de l’Association des couples infertiles du Québec, m’a dit que la France, la Belgique, l’Angleterre, l’Australie, le Maroc et les pays scandinaves remboursaient les traitements de fertilité à 100 %.

Mais au Québec, non.

Quand c’est le temps de rembourser les frais d’avortement, par contre, l’État n’hésite pas une seconde à délier les cordons de sa bourse. On rembourse même les femmes enceintes de plus de 24 semaines qui vont se faire avorter au Kansas!

Expliquez-moi, quelqu’un, je ne comprends pas.

Au Québec, on ne cesse de se plaindre qu’on ne fait pas assez d’enfants. Mais l’aide à la famille est ridicule. Comparativement à ce qui se fait en France, c’est carrément pathétique.

L’année dernière, le magazine L’Actualité publiait un reportage de Martine Turenne sur l’avortement. On y apprenait qu’en 2002, près d’une grossesse sur trois avait été volontairement interrompue au Québec. Une statistique digne de la Moldavie ou du Kazakhstan! En 2003, on comptait 30 900 avortements pour 73 600 naissances – soit 42 avortements pour 100 naissances!

Vous me direz que c’est parce qu’il n’y a presque plus de cours d’éducation sexuelle à l’école, et que les jeunes filles (et les jeunes garçons) ne sont pas renseignées…

Or, savez-vous quel est l’âge moyen des filles qui se font avorter, au Québec? Vingt-six ans. Je m’excuse, mais on est loin de l’ado mal informée…

L’avortement est super accessible au Québec. Mais les traitements de fertilité ne sont réservés qu’aux riches.

Comme le chantait Boris Vian: il y a quelque chose qui cloche là-dedans…