Ondes de choc

Le monde à l’envers

Plus d’un Canadien sur cinq croit que les événements du 11 septembre 2001 n’ont pas été orchestrés par Al-Qaida, mais qu’ils étaient plutôt le fruit d’une conspiration américaine.

Un sur cinq.

Vous voulez savoir quelle est la victime numéro un des attaques contre le World Trade Center?

Eh bien, c’est ça: la confiance.

La confiance que les Occidentaux avaient dans leurs médias, leurs élus et leurs institutions. Comme les deux tours, ce lien de confiance a été pulvérisé.

À la place, on retrouve un grand trou béant, où fourmillent toutes sortes de théories plus ou moins farfelues.

Il faut dire que l’administration américaine ne s’est pas aidée. En mentant effrontément sur la présence d’armes de destruction massive en Irak et sur l’existence de liens entre Saddam Hussein et Ben Laden, George W. Bush et ses amis ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis et ouvert la porte toute grande aux théories du complot.

Depuis, c’est le free for all. Toutes les théories se valent, toutes les opinions s’équivalent. La parole du fou a autant de poids que la parole du sage.

Avant, on disait: "C’est écrit dans le New York Times, donc c’est vrai." Aujourd’hui, on dit: "C’est écrit dans le New York Times, donc c’est faux."

Je suis sûr que si on effectuait un sondage sur les professions les plus respectées, les journalistes traîneraient de la patte derrière les vendeurs d’autos usagées, les "aubergines" (qui distribuent des contraventions) et les huissiers.

Pourtant, les grands médias ont tous dénoncé les mensonges de Bush et de ses amis. C’est dans les journaux que nous avons appris que le président mentait, c’est grâce au travail formidable des journalistes de Vanity Fair et du New Yorker – entre autres – que nous avons appris ce qui se passait dans les prisons spéciales de l’administration américaine et ce qui se tramait dans les coulisses de la Maison-Blanche.

Mais qu’importe: malgré ces longues enquêtes, les médias ont tout de même mauvaise presse.

On préfère croire un obscur webmestre de Saint-Glin-Glin qu’un reporter réputé du Washington Post.

Le 11 septembre 2001, nous avons traversé le miroir. Comme Alice au pays des merveilles, nous sommes passés de l’autre côté.

Les terroristes sont devenus des résistants. La démocratie est devenue une dictature. Les médias sont vus comme des colporteurs de mensonges. Les fondamentalistes musulmans sont des victimes.

Et la laïcité est perçue comme une menace à la liberté d’expression.

Les personnes qui demandent aux extrémistes religieux de laisser leur dieu à la porte des institutions publiques sont considérées comme des gens intolérants, des fachos, des racistes!

Celle-là, vraiment, je ne la comprends pas.

Si un catho pur et dur voulait organiser une séance de prière à l’université, il serait reçu – à juste titre – avec une brique et un fanal. On dirait qu’il n’y a pas de place dans les institutions du savoir pour une religion qui milite contre le libre choix en matière d’avortement, contre les droits des femmes et contre le mariage entre conjoints de même sexe, et qui affirme que le monde a été créé en sept jours par un vieux barbu.

Mais si c’est un musulman qui effectue cette même demande, alors là, pas de problème!

Le monde n’est pas devenu complexe, le 11 septembre 2001. Il est devenu mélangé.

On mélange tout. Sous prétexte d’être ouvert aux autres cultures (et de "mieux les comprendre"), on est devenu complaisant, bonasse, on permet à de jeunes adolescents d’avoir une éducation strictement religieuse, on renie nos propres valeurs, nos propres lois…

On se met à quatre pattes et on fournit le lubrifiant.

On se fait donner une claque en pleine face et on s’excuse.

Comme l’écrivait récemment Salman Rushdie: "Nous n’assistons pas à un choc des civilisations ou à un antagonisme Occident-Orient, mais à une lutte globale qui oppose les démocrates aux théocrates."

S’opposer aux théocraties, défendre la laïcité et lutter contre un groupe armé qui met un verset du Coran sur son drapeau, ce n’est pas de l’intolérance, ce n’est pas du fascisme, ce n’est pas de l’ethnocentrisme, c’est un combat pour la liberté.

Et la liberté, comme disait l’autre, c’est plus qu’une marque de yogourt…