Comme vous le savez, le tueur du collège Dawson a utilisé une Beretta CX4 semi-automatique pour faire ses basses oeuvres – une arme hyper-dangereuse qu’il possédait en toute légalité.
J’ai réussi à mettre la main sur le manuel d’instructions de cette arme.
Voici ce qu’on peut y lire.
"La carabine semi-automatique Beretta CX4 est une arme de tir à l’aspect particulièrement captivant et extrêmement simple à utiliser.
La fermeture "blowback" garantit une fiabilité à toute épreuve et une grande précision lors du tir à cadence rapide.
Le canon en acier à haute résistance assure une précision élevée.
Sa ligne ultramoderne, extrêmement séduisante et ergonomique, assure une mise en joue rapide.
Les balles tirées par cette arme peuvent parcourir plus d’un kilomètre de distance.
La Beretta CX4 est dotée d’un chargeur de grande capacité, que l’on remplace rapidement, ce qui permet un usage intensif de l’arme dans les situations d’urgence.
De nombreux accessoires originaux permettent de personnaliser votre arme. Pour découvrir la riche gamme d’accessoires Beretta, contactez votre armurier.
Note: le fabricant décline toute responsabilité pour lésions physiques ou dommages causés par une manipulation impropre."
Pouvez-vous me dire pourquoi cette arme est légale au Canada?
Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié: pour le sport.
Rien de mieux pour passer le temps que de tirer sur une cible avec une grosse carabine semi-automatique à cadence rapide.
Bon, c’est sûr, on pourrait faire la même chose avec un fusil à plombs, mais entre vous et moi, ce n’est pas la même chose.
Ce n’est pas aussi "thrillant".
"Ce n’est pas l’arme qui tue, ce sont les gens", disent les amateurs d’armes à feu.
Si c’est vrai, pourquoi ne pas ouvrir des clubs de tir où l’on pourrait faire sauter des cibles avec de la dynamite, des bazookas ou des grenades? Ça, ce serait tripant!
Après tout, les gens sont responsables, non? Il suffit de leur donner un cours de maniement de bazooka, et l’affaire est ketchup. On peut dormir tranquilles sur nos deux oreilles…
"Notre fils était une personne douce, ont dit les parents de Kimveer Gill. On n’aurait jamais imaginé qu’il fasse un truc pareil…"
Je les comprends.
Quoi de plus normal qu’un ado attardé de 25 ans qui ne fout rien de ses journées, qui passe ses nuits devant son ordi et qui collectionne les armes à feu, hein?
Voyons, tous les jeunes font ça, aujourd’hui! En fait, c’est le contraire qui est inquiétant.
Imaginez: un jeune qui étudie, qui a des amis et qui ne tripe pas sur les armes semi-automatiques…
Brrr, juste à y penser, j’en ai des frissons.
Ce week-end, j’ai discuté avec Yvon Dionne, économiste à la retraite et membre de l’Association canadienne des propriétaires d’armes à feu non enregistrées.
(Oui, oui, vous avez bien lu, ils ont même leur site Internet, www.cufoa.ca. Vous imaginez, vous, l’Association des automobilistes qui n’arrêtent pas au feu rouge?)
"La première chose que font les dictatures est d’empêcher les citoyens de posséder une arme", m’a-t-il dit.
Tiens, c’est drôle, moi, je pensais que la première chose que les dictatures faisaient était d’empêcher les gens qui narguent publiquement les lois d’avoir leur propre site Internet. Enfin…
"Regardez ce qui s’est passé pendant la révolution américaine, a continué Yvon Dionne. Les citoyens ont eu besoin d’armes à feu pour se rebeller contre les tyrans britanniques…"
Ah, là, je l’avoue, le monsieur a un point. Si Québec Solidaire gagnait les prochaines élections provinciales, par exemple, et que le nouveau gouvernement nommait Julien Poulin ministre des Relations internationales, que ferait-on?
Non, à bien y penser, on fait bien de se protéger. Après tout, une dictature est si vite arrivée. Tenez, quand on était jeunes, nos oncles conduisaient leur Oldsmobile avec un 40 onces de gin entre les jambes et pelotaient leurs petites nièces quand ils le voulaient. Or, aujourd’hui, plus moyen de laisser libre cours à nos vices en paix.
Moi, demain, c’est décidé, j’achète une Beretta CX4 à ma fille de dix ans. Je commence à en avoir ras le cul de la voir jouer avec ses poupées.
Et ne vous inquiétez pas. C’est écrit en toutes lettres dans le manuel d’instructions: "Ne pointez jamais votre arme vers le corps d’une personne."