Avez-vous remarqué?
Dès que quelqu’un quelque part ose dire qu’on devrait revenir à un peu plus de rigueur (que ce soit dans le domaine de l’éducation ou dans celui de l’économie), on le traite de réactionnaire.
C’est l’insulte à la mode.
"Facho, de droite, nostalgique…"
Prenez Le Grand Mensonge de l’éducation, par exemple.
Luc Germain, Benoit Séguin et Luc Papineau, les auteurs de cet essai passionnant publié chez Lanctôt Éditeur (des professeurs qui enseignent eux-mêmes aux niveaux primaire, secondaire et collégial), affirment que le français se porte très mal à l’école.
Non seulement se porte-t-il mal, mais il est carrément massacré.
"Les connaissances grammaticales de base ne sont pas là, a lancé Luc Papineau à une journaliste du Soleil. Aujourd’hui, des élèves de cinquième secondaire ont de la difficulté à reconnaître un verbe, un sujet et un adjectif. Certains écrivent carrément au son. Pourtant, ils obtiennent quand même leur diplôme. Au nom de la réussite à tout prix, on fait passer des jeunes qui n’ont pas une bonne maîtrise de la langue. Pour que ça paraisse bien, tous les élèves réussissent… Mais ils réussissent quoi au juste?"
La question vaut la peine d’être posée.
Après tout, n’importe quel prof vous le confirmera: la plupart des jeunes écrivent comme des pieds. C’est plate à dire, mais c’est la réalité.
Mais pour avoir osé dire cela, les auteurs du Grand Mensonge de l’éducation ont été traités de réactionnaires nostalgiques par certains commentateurs.
Ils seraient, paraît-il, nostalgiques du "bon vieux temps" où l’école était réservée à l’élite…
Pardon, mais depuis quand l’amour du français et le respect de sa langue sont des valeurs de droite?
Depuis quand la rigueur est-elle une valeur réactionnaire?
J’aimerais qu’on me dise à quelle date précise la politesse, la courtoisie et le sens de l’effort sont devenus officiellement des valeurs fachos.
Vouloir que les jeunes écrivent bien, c’est de droite, c’est ça? Faire couler les étudiants qui ne savent pas écrire, c’est élitiste? Demander aux élèves de travailler fort et de cesser de chier des torchons à la dernière minute, c’est facho?
Super. On va aller loin, avec une mentalité pareille…
Idem en ce qui concerne l’économie. Vous dites: "Désolé, mais la capacité de payer de l’État n’est pas illimitée, l’argent ne pousse pas dans les arbres, il va falloir faire des choix, établir des priorités, remettre certains acquis en question", et tout de suite, on vous traite de facho.
Comme si le sens des responsabilités était une valeur de droite!
Et puis, entre vous et moi, lancer ce genre d’insultes à tout vent n’est pas très gentil pour les tenants de l’autre camp…
Car si la responsabilité, le réalisme et la rigueur sont des valeurs de droite, ça veut dire que l’immaturité, l’irresponsabilité et la paresse sont des valeurs de gauche…
Ce qui n’est pas le cas, bien sûr.
Mais que voulez-vous, l’heure est aux étiquettes, à l’insulte, aux gros mots. Pourquoi perdre son temps à réfléchir, à se questionner et à débattre quand il suffit d’insulter son adversaire?
C’est beaucoup plus facile, et l’impact est beaucoup plus fort.
"Charest? Un twit!", "Harper? Un facho!", "Bush? Un nazi!"
Pourquoi? "Euh…"
Avez-vous déjà fait un vox-pop dans la rue? Avez-vous déjà demandé aux passants de se prononcer sur la politique provinciale ou fédérale?
C’est probablement l’exercice le plus navrant auquel je me suis livré au cours des dix dernières années. Chaque fois, ça me décourage. Ça me prend une heure pour me préparer et deux heures pour m’en remettre.
La plupart des gens sont incapables d’articuler la moindre réflexion, d’émettre le moindre propos un tant soit peu cohérent. On reste toujours au niveau de l’insulte personnelle.
Charest le patapouf, Boisclair le narcissique…
Et ne demandez pas aux gens d’aller plus loin, c’est au-dessus de leurs forces.
Mais n’allez pas dire que le peuple est incapable de s’exprimer, on va vous clouer au pilori et vous traiter de snob!
Non, monsieur, le peuple est grand, le peuple est allumé.
Le peuple a raison d’écouter La Poule aux oeufs d’or et Occupation Double.
C’est vous qui ne comprenez pas.
C’est vous qui êtes déconnecté.
C’est vous qui vivez dans une tour d’ivoire.