Elle s’appelle Pongo. Native de Luanda, capitale tropicale mutilée par la guerre civile, la musicienne aura été bercée à l’ombre des mines antipersonnel, de l’hécatombe qui fera fuir sa famille. Exilée au pays de ceux qui ont jadis colonisé le sien, l’Angolaise grandira à Lisbonne et y fera ses premières armes, prêtant même sa voix à la populaire formation Buraka Som Sistema.
La lusophone étend à présent son offensive de séduction et se propulse sous les lumières de Paris. Tranquillement, le bouche-à-oreille fait son œuvre. On a déjà parlé d’elle à RFI, on fait tourner ses titres à Radio Nova et on l’a même reçue dans les studios de France Inter. Mais l’auteure-compositrice-interprète reste néanmoins inconnue de ce côté-ci de la mare où je me tarde de la voir accoster.
Acoquinée au maître mixeur Florent Livet, un proche collaborateur de Phoenix et de Cassius, et à l’arrangeur Raphaël d’Hervez, elle livre un alliage d’afrobeat et d’électropop avec un soupçon d’influences dancehall. Ses chansons, interprétation sentie aidant, transcendent les barrières des langues. Elle y communique des émotions brutes comme dans Kuzola, une complainte relativement up tempo et modelée sous le poids de l’adultère. Une carte postale acheminée dans la première moitié du présent millésime, accompagnée d’un vidéoclip ultra-léché qui nous transperce et met magnifiquement en valeur le jeu d’une vocaliste aux talents de comédienne. Décidément, Pongo a tout pour elle. Brûlots exaltants en prime, des morceaux aux rythmes irrésistibles comme Tambulaya, offerte en ligne depuis avril, une pièce où elle use habilement de sa voix comme d’une percussion. Habile et ingénieux!
Pressentie comme la diva du néo-kuduro, Pongo lèvera bientôt le voile sur un EP en cinq actes, un maxi fort prometteur qui paraîtra sous le label français Jardin rouge le 21 septembre. Puisse qu’il lui serve de passeport pour l’Amérique, le Festival d’été de Québec ou les Nuits d’Afrique montréalaises de l’an prochain.
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Premier contact
Il y a de ces premières parties que les musiciens portent comme un grade à leur cœur. Milk & Bone qui met la table pour Lorde au FEQ, La Chicane (on tend à l’oublier) précédant les Rolling Stones dans le fatras d’une Ville reine affolée par le SRAS. Toujours est-il que pareil mandat fait office de sceau d’approbation, de petite consécration. Et ce mois-ci, c’est Le Couleur qui vit le rêve.
Son nom c’est Giovanni Giorgio
Mais tout le monde l’appelle Giorgio
Moroder n’est peut-être pas l’inventeur de l’EDM, en fait, ça reste à prouver, mais il en est certainement l’un des pionniers les plus notoires. L’électro et le disco des années 1970 à aujourd’hui ne seraient absolument pas les mêmes sans son apport. Le son de Donna Summer? C’est lui. Call Me de Blondie? Oui, encore lui. Et c’est sans parler de Daft Punk qui lui rend hommage sur Random Access Memories.
Il lui aura fallu traverser le désert avant de se heurter à l’admiration de ses pairs plus jeunes, de se surprendre à ce regain qu’il n’espérait probablement même plus. De retour en 2015, il lançait son premier disque en deux décennies. Les tournées se sont succédé, les articles dans la presse aussi. Dès lors, c’était officiel: Giorgio serait de l’original et du nu disco.
De passage à Montréal pour une seconde fois depuis son retour à l’avant-scène, le compositeur et producteur italien tend la main à Le Couleur, trio mené par une chanteuse et parolière (Laurence Giroux-Do), sise quelque part entre les joues rougies d’une jeune France Gall et le charme frondeur, résolument charnel, d’une Kylie Minogue. Un groupe sous-estimé en ses terres, mais tellement influent dans l’Hexagone francophile, qui s’inscrit dans cette nouvelle vague de French touch décomplexée, ludique et déployée en 120 BPM. L’Impératrice et Corine leur doivent beaucoup, ça crève les tympans, et c’est sans doute pourquoi le gérant du géant les a choisis. Ils se produiront peu avant leur parrain spirituel le 21 septembre à la Société des arts technologiques de Montréal.
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Je t’aime beaucoup cependant
À l’instar de Mike Ward ou de Sir Pathétik, Simon Boulerice trempe sa plume dans le souvenir de Cédrika Provencher. Un fait divers marquant auquel il insuffle une humanité, une poésie nouvelle, posant un regard sensible sur cette si triste affaire que d’autres auront portée en dérision. Un running gag, de l’humour noir, semble-t-il. Or la disparition d’un être cher laisse une plaie béante. C’est une douleur qui s’étale indéfiniment dans le temps parce que le deuil ne peut se faire sous cette fine lueur d’espoir qui persiste. Ça, Boulerice l’a bien compris.
Il s’est inspiré de l’authentique BFF de la petite Trifluvienne, Mégane McKenzie, et a pris soin de relocaliser l’histoire dans les Cantons-de-l’Est, à Magog. Rosalie, le personnage principal, incarne la culpabilité qui taraude ceux qui restent et donne corps à ces vies en suspens, comme rattachées à ce proche introuvable par un fil invisible. C’est elle qui narre ce récit émotif, mais jamais lourd, un monologue intimiste ponctué de métaphores et d’états d’âme incarnés, saupoudré d’un soupçon de remarques candides et allègrement impertinentes. Kim Kardashian et *NSYNC côtoient, par exemple, Dany Laferrière sans rougir. C’est tout sauf prétentieux, c’est tendre, ça fait sourire.
On y suit cette héroïne à la confiance ébranlable, presque une constante dans l’univers de l’auteur, une toute jeune femme transplantée loin du drame, dans un appartement de Montréal. Neuf années se sont écoulées et elle fait son entrée au cégep. Hantée par son amie et les tâches ménagères qu’elle découvre, lovée dans une relation toxique et inscrite au programme de lettres, l’attachante protagoniste se déploie et se révèle à elle-même sur ces 256 pages minutieusement brodées, dans le plus pur style de Boulerice. Un roman inscrit au catalogue jeunesse de Leméac, sans toutefois se heurter aux limites du genre, qui plaira assurément à un plus vaste public. En librairie dès le 12 septembre.