C’est vers un jardin aux bulbes bleus que le Français Thibaud Vanhooland, alias Voyou, nous tend la main, un univers luxuriant qui nous rappelle un tantinet l’esthétique botanique et candide de Polo & Pan. Justement, il a souvent assuré les premières parties du duo sur les scènes de la Mère Patrie et même de Londres. Et puis, c’est possiblement la seule influence tangible qu’on puisse accorder au musicien lillois, et donc ch’ti de son état, récemment relocalisé sous les lumières de Paris. Le Nord a tellement plus à offrir (Juliette Armanet comprise) qu’une poignée de grimaces de Dany Boon!
Parce que Voyou, voyez-vous, crée une chanson fraîche, modelée par son goût des percussions brésiliennes, des cuivres (il a d’abord été trompettiste) et par l’équipe qu’il forme avec Diogo Strausz pour les arrangements. Une inventivité musicale qui accote aisément la grande qualité de sa prose, cette façon qu’il a de faire rimer ses idées sans chichi ni prétention, des textes fort coquets qu’il livre avec un détachement certain. Il a un peu de Mac DeMarco dans le nez, aussi, c’est vrai.
Si Vanhooland peut se permettre cette nonchalance qui nous charme, c’est forcément parce qu’il a travaillé comme un fou en amont. Orfèvre des mots, le parolier les assemble avec une dextérité fine, créant des images fortes, des lignes qui n’ont d’égal que ses vidéoclips aussi boboches que savamment étudiés. Pince-sans-rire dans ses interprétations, mais foncièrement pur en ses qualités d’auteur, Voyou se fait le porte-voix d’un message exempt d’ironie, de tout cynisme. Une bienveillance jamais doucereuse qui réchauffe nos tympans tandis que l’hiver s’allonge de notre côté de l’Atlantique.
Son premier long-jeu intitulé Les bruits de la ville sortira ce 16 février, sous les Disques Entreprises. Aucune date n’est encore prévue en sol québécois, mais faites que les dieux du spectacle, des Francos et du FEQ ne le laissent pas rouler seul sur son tandem.
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Sous la peau
L’enfance de toute fille se clôt à la va-vite et dans des effusions de sang, un passage obligé dont on vient, en vieillissant, à oublier le caractère réellement traumatisant, presque violent. C’est ce souvenir à la fois universel et profondément ancré qu’exhume Eisha Marjara pour mettre la table, asseoir les bases de son personnage qui souffre du poids du temps qui passe. La narratrice de Fée est de celles qui s’accommodent mal des règles et autres aléas de la puberté, qui vacillent à l’idée de grandir, de devenir femme. Une peur qui s’avérera symptomatique d’un trouble bien plus grave encore.
Lila, le personnage principal, est atteinte d’anorexie.
Et on fait vite de s’attacher à cette adolescente au cœur cent fois trop grand pour son corps, à ce petit bout de dame rongé par un mal insaisissable, mais bien visible. L’auteure signe, volontairement ou non, l’équivalent d’un guide à l’intention des proches de celles et ceux qui souffrent de cette terrible maladie. On se surprend à lire ses phrases comme s’il s’agissait des nôtres, en étant happée par la lucidité de l’héroïne, ses descriptions nettes et précises, ce décor drabe si précisément détaillé qui prend vie au dos de nos pupilles. C’est comme si on était là, à sa place, allongée sur son petit lit d’hôpital, à compter les tuiles du plafond, à les contempler. Ç’aurait pu être nous, ç’aurait pu être une amie. L’équilibre ne tient souvent qu’à peu de choses.
Eisha Marjara signe un roman sensible et empreint d’un intarissable respect. Fée est un témoignage à la fois puissant et tendre d’une vie presque mise à mort, d’un huis clos dans les abysses du mal-être. On s’éprend également d’admiration pour le personnel soignant, tendrement dépeint au fil du livre, ces femmes et ces hommes qui tenteront de reconduire Lila vers la lumière.
À lire dès maintenant aux éditions Marchand de feuilles.
Venez comme vous êtes
MC Marquis transcende les frontières des galeries et des centres d’artistes, du circuit traditionnel. Elle est de celles, les rares, qui rayonnent au-delà des cercles d’initiés.
À l’instar des produits dérivés qu’elle propose, ses pièces uniques attestent de sa passion pour la pop culture poussiéreuse, de son goût pour la nostalgie. On la reconnaît aussi à ses talents d’auteure, à son esthétique inoffensivement kitsch qu’elle juxtapose à des gros mots. Il y a, chez Marie-Claude, un clash entre délicatesse et vulgarité qui fait sourire.
Fanatique d’art religieux, la créatrice pourtant (très) laïque collectionne les artéfacts baroques dénichés dans les sous-sols d’églises. Des trésors qui lui servent de canevas pour l’installation qu’elle étrenne ces jours-ci entre les murs de la Station 16, une expo inspirée par l’éducation catholique qu’elle a reçue, parsemée de slogans païens et autres tabernacles décontextualisés.
Ce n’est pas une critique adressée au clergé, précisons-le d’emblée, pas même une attaque à l’endroit des pratiquants. Bien au contraire! Les œuvres du corpus, presque une centaine au total, visent à interroger notre rapport à la spiritualité. Est-ce que l’impopularité de la religion transforme nos rapports interpersonnels? Avons-nous, de par notre émancipation, évacué toute vertu?
Cette fois encore, MC Marquis encapsule sa colère dans un écrin fragile et cassable. Ses assiettes et ses broderies se parent de phrases assassines, fofolles et brutalement honnêtes. L’artiste signe, à elle seule, ce décor photogénique qui risque fort bien de résonner auprès des millénariaux de l’enfer.
Ouvert à tous/Open to All est présentée du 7 au 25 février à la galerie Station 16, au 3523, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. (Événement Facebook)