Petits velours

Ce ne sont pas tous les artistes intéressants qui passent à TLMEP

Andrés Quijano est encore sur les bancs de l’uni que son nom circule déjà allégrement sur Instagram. Toniques et élégamment décalées, les courbes de ses personnages dissolvent les canons de beauté habituels et actuels, divergeant des corps filiformes ou kardashianesques (on lui pique d’ailleurs la comparaison!) qui se multiplient sur nos fils d’actualité. Les femmes qu’il met en scène sont à la fois athlétiques et voluptueuses, les visages de ses images sont particuliers. C’est dans la différence, voire les petits défauts, qu’Andy vient cueillir la beauté. L’une de ses muses? L’indomptable et intemporelle Grace Jones.

Illustration: Andrés Quijano

Originaire de Santa Tecla au El Salvador, et bien que ça ne s’entende pas aux premiers abords, l’illustrateur a fait son nid à Québec il y a cinq ans. Il s’avoue lui-même inspiré par le travail de Fernando Llort, héros national en son genre, un peintre et céramiste qui aura eu un impact retentissant sur à peu près tous les autres artistes visuels de son pays. Comme lui, Andrés a su développer une palette en tous points personnelle et soigneusement réfléchie. Où qu’il aille, l’illustrateur trimballe ses crayons de plomb et son étui, en proie à des études de couleurs élaborées. Ce après quoi il s’affaire à créer l’œuvre finale en plongeant ses pinceaux dans la gouache. Toute tablette graphique, dans son cas, est strictement proscrite.

C’est lui que nous avons choisi pour les pages création du présent magazine, le jumelant au dramaturge et metteur en scène Alexandre Fecteau. Ensemble, ils rendent hommage à une poignée d’artistes locaux généreusement médiatisés qui contribuent à changer l’image de la ville et à enrayer le sempiternel Québec bashing. Ça fait du bien!

 

Après le Ressac

Je l’ai connu et aimé dans Medora, ce groupe pop-rock aux propensions poétiques qui aura fait sa marque sur la scène dite indé de Saint-Roch. Dans leur cas, d’ailleurs, l’appellation ne sera en rien galvaudée. Ils ne seront jamais recrutés par un quelconque label bien que je me l’explique encore mal.

Toujours est-il que Vincent Dufour revient à la surface avec un projet solo fort prometteur, se rebaptisant Valence par la même occasion. Émancipé de ce Charles Côté qui écrivait tous les textes de la regrettée formation, le vocaliste empoigne la plume tel un seul homme et se livre à un exercice solo empreint de délicatesse. Il n’a encore acheminé qu’une carte postale que, déjà, je m’avoue impatiente d’entendre la suite. Pavée de saxophone non ironique, sa Sophie conjugue les mots d’église avec une improbable finesse, quelque chose comme de la douceur. Les trois strophes qu’il nous sert, ci-bas, sont simplement délicieuses.

Si nos jambes se plaisent à contourner les bombes
Si on se fait prendre à défier les violences
On pourrait toujours décrisser

La fuite, un rien épeurante et libératrice, sera toujours considérée comme une option.

À peine lancé, mais déjà accoutumé aux micros, l’auteur-compositeur-interprète assurera la première partie d’Emilie Kahn ce jeudi 4 avril à la Salle Multi de Méduse.

 

Le club des gens qui restent à la maison

À l’instar d’Olivia Mew, la dessinatrice derrière la marque de vêtements montréalaise Stay Home Club, sa concitoyenne Frankie Barnet loue les bienfaits de la vie recluse. Elle signe Fille d’intérieur, une plaquette publiée depuis peu aux Éditions de Ta Mère. Écrit en anglais à la base, mais débordant de clins d’œil à la culture pop, ce tout petit livre de 64 pages passe le test de la traduction haut la main. Sa personnalité, sa plume si vive ne semblent pas avoir été édulcorées.

La singulière auteure y décortique notamment notre rapport aux autres à l’ère des médias sociaux, des lol qui remplacent les éclats de rire sonores et spontanés, de la dématérialisation des amitiés qui se consomment surtout par l’entremise de Facebook Messenger. Dans quelques décennies, cet ouvrage pourrait faire office de capsule temporelle tant il synthétise bien l’époque dans laquelle on vit présentement.

Avec son humour un rien ironique et détaché, Barnet brode des dialogues intérieurs incarnés bien qu’il ne s’agisse pas là (à notre connaissance) d’une forme d’autofiction. Au fil de ces cinq nouvelles rédigées avec une économie de mot redoutable, la créatrice met en scène des héroïnes habitées d’idéaux féministes, mais qui errent aussi un peu à leur entrée dans l’âge adulte. Leurs mots sont réalistes et crus, d’une tendresse implacable à l’égard des animaux et des êtres humains. Voilà une romancière qui a, possiblement, dû rater sa vocation de vétérinaire.