Si le chercheur échevelé et grimaçant disait ignorer comment se livrerait la troisième guerre mondiale (en revanche, déjà savait-il que la quatrième se ferait à coups de bâtons et de pierres), nous commençons maintenant à en avoir une assez bonne idée.
"BLASTER. Welchia. Sobig. La dernière série de cyberagressions révèle la fragilité des réseaux informatiques. Ces cyberattaques engendrent des dégâts économiques qui coûtent de plus en plus cher et surtout elles deviennent de plus en plus virulentes. L’insécurité grandissante découlant de la dépendance à l’Internet et de l’interconnexion des différents réseaux informatiques est de plus en plus sérieuse, voire inquiétante. Les pirates informatiques représentent réellement une menace. Mais jusqu’à quel point? Pourraient-ils menacer la sécurité des États et de leurs populations? En témoigne le black-out qui a récemment frappé plusieurs villes du Canada et des États-Unis. Si, au départ, l’hypothèse d’une cyberagression a été rejetée, les rapports récents démontrent que le virus Blaster a facilité la propagation de la panne électrique et en a prolongé la durée en perturbant le bon fonctionnement des systèmes informatiques relais." Ce constat publié tout récemment vient de Benoît Gagnon, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQÀM
La prochaine guerre mondiale sera, en effet – et tel qu’appréhendé par plusieurs -, bactériologique, virale et virulente. Mais elle sera aussi sans conséquence directe sur la santé des troupes.
Ses soldats portent des noms guerriers, abusent des pseudonymes, utilisent des noms de code. Ses espionnes, des noms séduisants et énigmatiques, comme Anna Kournikova. Dans tous les cas, des noms de roman.
Ainsi courent plusieurs virus informatiques dont certains font trembler les États-Unis, leur Maison-Blanche et leur Pentagone; qui font donc trembler la planète tout entière. Comme une guerre annoncée. Le ver n’est plus solitaire, il est planétaire. Et, pour le révolutionnaire famélique, le ver revêt de plus en plus la couleur de l’espoir.
Les premiers pas de ces nouveaux virus informatiques ne sont d’ailleurs pas sans rappeler le roman Le désert des Tartares, de l’écrivain italien Dino Buzzati, dans lequel des soldats attendent en vain – parfois toute une vie, dans le cas du lieutenant Drogo – un ennemi qui ne vient pas.
La métaphore guerrière sied bien au monde informatique, qui en a nombre des attributs: ses pirates, ses légendes, ses spécialistes, ses artisans, ses initiés, ses précurseurs, ses alertes, ses menaces, ses chantages, ses pilleurs, bientôt ses héritiers et sa troisième génération… Jusqu’à ses principaux acteurs qui sont majoritairement masculins, encore aujourd’hui… À quand ses holocaustes, ses épurations?
La grande "société dans la société" s’est développée dans un certain chaos. Comme une société traditionnelle, elle a ses monarchies et ses anarchies. Et sa civilisation sera lente et devra obligatoirement passer par l’encadrement légal.
La "primauté du droit" y sera, là aussi, garante d’un certain ordre et de droits fondamentaux théoriques.
Quand s’annonce une attaque informatique, plutôt que de déblatérer contre l’omniprésence omnipotente de l’informatique dans nos vies, plutôt que de s’insurger contre notre dépendance aux puces et aux microprocesseurs, posons donc un autre regard sur tout ceci. Et si Internet préfigurait vraiment une société de demain?
Les frontières n’y ont jamais existé (sauf à Cuba!); c’est la ZLÉA absolue.
"Allons z’enfants de l’apatrie"
C’est aussi la démocratisation de la guerre, de la bombe atomique. Les discriminations sont abolies, le paraplégique pouvant causer plus de dégâts qu’un athlète spécialiste du lancer du cocktail Molotov. On s’enrôle, on trahit, on supporte, on suppute, on a les hymnes, les codes, les clins d’oil, les signes de reconnaissance, les amitiés particulières et tentaculaires, les alliés. On attaque les centres névralgiques, on use et on abuse de stratégie. Les snipers font régner la terreur, tirent à vue. Et tout citoyen, en Occident, peut décider de mener sa guerre contre ce qui le fait chier. Tout citoyen peut faire vaciller les économies. Et "Viva la e-revolution!" Et "Ce n’est que le début, demain ils seront des milliers." Et "Allons z’enfants de l’apatrie." Et "Emparez-vous de la fibre optique." Et "Pump Up the Volume."
Washington est à portée de clavier. Pourquoi aller manifester à Prague? Pourquoi les cailloux, les frondes, les risques d’exposition au gaz lacrymogène?
Voyant toute l’attention qu’attirent les alertes au virus informatique ces derniers temps, les manifestants de la ZLÉA doivent se demander ce qu’ils sont allés foutre dans la rue. Lors du prochain Sommet du G-8, se déplaceront-ils encore?