Pop Culture Mauricie

La conscience tranquille

Si les années se suivent et ne se ressemblent pas, les gens, eux, répètent constamment les mêmes actions, un peu comme s’ils étaient programmés à ne pas réfléchir. C’est quand même curieux de constater que la majorité de la population semble avoir une conscience sociale seulement quatre semaines par année. Combien d’individus, une fois la panse bien remplie de ragoût de boulettes et de tourtières, s’inquiètent des plus démunis et songent à ajouter à leur agenda quelques heures de bénévolat par semaine? Dans le cas où de telles statistiques existeraient, elles ne fracasseraient sûrement pas des records!

Les efforts déployés et les acrobaties réalisées par la population afin que les moins nantis puissent profiter d’un temps des Fêtes merveilleux demeurent malgré tout louables. Ce ne sont pas tous les citoyens qui accepteraient de courir en plein centre-ville avec une tuque de père Noël descendue jusqu’aux oreilles pour amasser des dons! Et comment passer sous silence la ténacité des bénévoles de la Grande Guignolée des médias, qui ont suscité la générosité des passants sous une pluie battante à la mi-décembre? Mais ces gestes de solidarité sont posés dans quel objectif? Les raisons qui motivent l’organisation d’événements dédiés à la charité sont-elles blanches comme neige? Recueille-t-on de l’argent et des denrées uniquement pour se donner bonne conscience? Voire pire, pour faire miroiter aux autres une belle image de soi-même?

Le constat se révèle douloureux. Dans les médias écrits des dernières semaines (et on ne parle pas de ce qui a fait la manchette des médias électroniques), les pages débordent de photos de groupes souriants qui ont remué ciel et terre afin de réveiller l’esprit de Noël. On se bat quasiment pour nous dire: "N’oubliez pas, notre institution a donné aux plus démunis!" Pourtant, tout geste de générosité ne mérite pas d’être souligné en gras. On ne met pas une pièce d’argent dans la main d’un clochard au moment où tous les yeux des voisins sont rivés vers nous, simplement pour s’assurer d’une réputation intéressante. Il s’avère beaucoup plus admirable d’offrir dans l’ombre, d’exprimer sa bonté dans le plus grand anonymat. Selon moi, une telle démarche se colore davantage de pureté et de spontanéité, mais passons. L’acte de donner ou de mettre sur pied des événements axés vers le partage ne devrait pas servir de coup de publicité pour quelque entreprise que ce soit. En affaires, cela semble de plus en plus à la mode d’adopter une cause sociale dans l’unique but de mousser son image, de s’attirer la faveur populaire. Donner est un geste qui se doit de demeurer gratuit. Osons espérer qu’il y a dans l’attitude de ces éternels businessmen une part de sincérité.

D’ici une dizaine de jours, les vraies âmes charitables apparaîtront au grand jour. La conscience sociale propre à la période des Fêtes tombera. On vaquera à nos habituelles occupations sans se soucier des autres, les voyant plutôt comme de simples silhouettes du quotidien. On achètera des "gratteux" au lieu de faire des dons à différents organismes. On condamnera tous les pauvres, les traitant de paresseux ou de BS. On s’occupera de faire le nettoyage complet de notre magnifique nombril. Bref, une longue période de 11 mois de désensibilisation s’annoncera. Puis reviendra décembre… Car dites-moi qui, après Noël, se sentira, par exemple, concerné par la problématique du logement social en Mauricie? Pourtant, un urgent besoin se fait sentir dans le domaine en région. Selon une étude réalisée par les Habitations populaires du Québec, les foyers qui consacrent plus de 30 % de leur revenu familial pour payer leur logement seraient plus nombreux sur notre territoire que dans tout le reste de la province. Dans cette catégorie, la Mauricie se classe bonne dernière avec une moyenne de 39,1 %, comparativement à 35,9 % pour l’ensemble du Québec. Encore un trophée peu reluisant pour la région.

Une fois mis au parfum de ces statistiques, combien de citoyens s’uniront pour faire évoluer la situation? Une chose est certaine, la magie de Noël ne se pointera pas!