Pensées hybrides
Dans une ère où l'on désire tout faire soi-même, le marché de l'art en prend parfois pour son rhume. Si les collectionneurs continuent d'acheter, les néophytes préfèrent souvent mettre leurs propres talents à l'essai plutôt que de débourser quelques sous pour une œuvre originale. Ainsi, les jeunes artistes doivent user d'imagination afin d'amener le grand public à s'intéresser à leurs réalisations. Eh bien, Marie-Ève Proteau, bachelière en arts visuels, et Nicolas St-Pierre, diplômé du Centre de formation professionnelle en ébénisterie de Louiseville, ont peut-être trouvé la formule gagnante! Ils ont combiné leurs talents respectifs et ont donné vie à Sarbacane, un projet qui a officiellement démarré en 2002 avec l'aide du programme Jeunes Volontaires. Ils ont développé une magnifique collection d'objets à mi-chemin entre l'ameublement et l'art. Les passionnés montrent ainsi que ce dernier peut servir à autre chose qu'à être simplement regardé, qu'il peut être fonctionnel. Leurs premières créations, toutes travaillées à partir de bois exotiques, sont présentées jusqu'au 3 juin au 1260, rue Notre-Dame, à Trois-Rivières: des tableaux accompagnant joliment les meubles, une commode au look étrange, une chaise orangée à laquelle est intégrée une œuvre d'art, une série de sourires en boîte… Une délicieuse découverte!
ooo
En affaires
Avec l'arrivée prochaine de l'exposition L'Arche de Noé à la Cité de l'énergie, un engouement pour l'art et pour la mythologie semble se développer. Désirant exploiter un créneau régional et amener la population à réfléchir davantage sur une idée commune, Stéphane Chiarello, directeur général du Conseil des arts et de la culture de Shawinigan-Sud (CACSS), vient de choisir Les Douze Travaux d'Hercule comme thématique du premier concours annuel de peinture de l'Association des gens d'affaires de Shawinigan-Sud. Si les peintres doivent respecter le sujet imposé et les dimensions de la toile (12 X 14 pouces), ils ont cependant la liberté de choisir leur médium de travail. Un prix variant entre 100 $ et 200 $, déterminé par un encan chinois, sera offert aux quatre gagnants lors de la Foire de Shawinigan-Sud, les 5 et 6 juin. Toutes les toiles reçues seront d'ailleurs présentées sur le parvis de l'église Saint-Viateur. Une belle occasion pour les créateurs de vendre leurs œuvres et de se faire connaître par les gens d'affaires! Les artistes intéressés à participer au concours doivent résider en Mauricie et sont invités à s'inscrire au bureau du CACSS avant le 28 mai 2004. Renseignements: (819) 537-4222.
Les travaux de Marie-Ève Proteau et Nicolas St-Pierre appartiennent-ils à l’art ou à l’artisanat? Il existe chez les artistes une répugnance à voir leur art considéré comme utile. Robbe-Grillet, dans « Pour un nouveau roman », décrit la littérature comme quelque chose qui se doit d’être gratuit et d’être inutile. D’un autre côté, les artisans, depuis des millénaires, se servent de leur créativité pour meubler la vie de leur entourage d’un peu d’esthétisme. Il suffit de penser aux cultures amérindiennes qui nous ont laissé, pour seul témoignage de leur génie créatif, des paniers et des tissus aux motifs élaborés. Je suis fermement convaincu que l’initiative de ces deux artistes, dictée par des considérations à la fois artistiques et économiques, prouvent qu’une cohabitation de l’art et de l’artisanat est bénéfique à la fois pour les créateurs et la population à laquelle ils s’adressent. La scission entre l’art et le grand public existe, on ne peut le nier, mais la volonté de mettre un peu de beauté dans la vie de tous les jours est une contribution à un rapprochement longuement souhaité. Les gens en auront assez de manger mal, de se vêtir mal et de s’entourer d’objets laids et sans âme; le mouvement est déjà amorcé et les artisans ont de beaux jours devant eux.
Comme vous le soulignez ici, le fait que les gens pratiquent de plus en plus la peinture comme loisir à la maison diminue les ventes des artistes en arts visuels… Mais justement, cette situation oblige les artistes à sentir des sentiers battus… Une de mes amies, artiste en arts visuels, a eu la brillante idée de s’associer à une ébéniste, tout comme Marie-Ève Proteau et Nicolas St-Pierre… Laissez-moi vous dire que ça donne de très beaux résultats… Au lieu de se contenter d’une « simple » toile, une superbe peinture orne un berceau, une table, une armoire, une bibliothèque… Ça rajoute de la couleur dans une maison, c’est « pratico-pratique » et ça encourage tout de même des artistes… Belles initiatives que celles-là !
Intriguant aussi ce concours de peinture ayant pour cadre « Les douze travaux d’Hercule »… Que donneront les coups de pinceaux sous une influence mythique, aux effluves d’autrefois… ? Espérons que, telle l’arche de Noé, ce ne sont pas seulement deux membres de chaque espèce qui puissent en profiter…
C’est une bonne idée qu’a eu le Conseil des arts et de la culture de Shawinigan-Sud de lancer ce concours. Ne serait-ce que pour aider les artistes de la région, qui travaillent à l’intérieur d’un marché plutôt petit. Ce qui serait intéressant aussi, toutefois, c’est qu’une fois les gagnants connus, plutôt que de se contenter d’un prix d’une centaine de dollars à quelques uns, on pourrait leur organiser une virée dans un endroit comme Montréal, où il y a de nombreuses galeries d’art. Dépendant de la qualité des résultats, certaines galeries seraient peut-être prêtes à donner une chance à quelques uns des artistes et ainsi contribuer à lancer leur carrière, en exposant certaines de leurs oeuvres. Cela rejaillirait encore plus sur la région et permettrait peut-être aussi de lancer la carrière professionnelle de quelques uns, qui sait!
L’art se doit d’être bousculé afin de ne pas sombrer dans le déjà-vu. Difficile d’innover dans ce domaine où on à un peu l’impression que tout à été fait. Quoi de mieux que de sortir des sentiers battus et de brasser la cage de notre création afin d’en faire jaillir l’essence même d’une démarche artistique nouvelle et enrichissante. Je crois bien que c’est le défi qui attend les générations de demain. Et attention: faire de la peinture dans son salon peut se révéler être un excellent remède contre notre vie trop rapide et stressante, mais relève bien plus du hobby que de l’art. Et à mon avis, il y aura toujours une place pour les créatrices et créateurs de la trempe de Marie-Ève et Nicolas. Chapeau aux nouvelles idées et merci de continuer à faire de l’art, un plus pour l’être humain si petit que l’on est.
C’est une excellente idée de promouvoir l’art dans la région. Ça pourrait générer d’incroyables rentrées économiques pour les gens de chez-nous. C’est en présentant une ville attirante sur le plan culturel que l’on incitera les touristes à s’arrêter dans la région et d’y dépenser un peu. Une ville qui n’a pas de culture n’a rien pour attirer les visiteurs.
Vouloir à tout prix sortir des sentiers battus, mais par qui, pour faire simplement nouveau n’est pas la forcément la marque du talent. Il se peut qu’un artiste de grand talent puisse marcher dans des sentiers relativement peu fréquentés, mais qui furent balisés par d’autres artistes tout aussi talentueux, produise des oeuvres plus remarquables que ce qu’il aurait fait en se fiant à je ne sais quelle inspiration pour faire nouveau à tout prix. Paradoxalement, l’inédit est parfois là simplement pour masquer le manque d’inspiration authentique et lui servir d’alibi. Des oeuvres qui savent approfondir des manières de faire qui ont fait leurs preuves peuvent plus facilement trouver preneurs que celles qui se veulent toutes seules sur leur Olympe. Celà étant dit, il est vrai que les grands talents sont souvents innovateurs, mais alors ils ne cherchent pas d’abord à choquer ou à interloquer par leur manière de faire. Ils font tout simplement ce qu’ils sont comme artistes, des gens qui ont une autre vision du monde qu’ils veulent partager.