La légende court
Après sept ans d'existence, le Festival des contes et légendes de Saint-Élie élargit ses horizons. Il sort du village adoré de Fred Pellerin pour frapper à d'autres portes. Ainsi, il présente des artistes dans plusieurs villes et municipalités de la région: Trois-Rivières, Saint-Justin, Cap-de-la-Madeleine, Champlain, Saint-Alexis-des-Monts et Saint-Rock-de-Mékinac. "Le but, c'est d'aller rejoindre les gens là où ils sont, d'aller les rejoindre… chez eux!" souligne Sébastien Langevin, à la tête de l'événement. Une question d'espace est aussi à l'origine de cette intéressante transformation. Constatant que la Pierre angulaire commençait à être trop petite pour accueillir un tel rendez-vous, les responsables ont décidé de créer des liens avec différents lieux de diffusion du territoire. Ils ont donc approché les responsables d'établissements jouissant d'une ambiance intime, appropriée au conte. C'était ça ou agrandir le café-spectacle, sourit Langevin. Ainsi, le Festival a même poussé l'audace jusqu'à présenter des spectacles dans une maison privée à Saint-Justin. C'est d'ailleurs à cet endroit, en compagnie du Martiniquais Frank Sylvestre, que sera donné le coup d'envoi du mois d'activités, le 14 octobre. Puis, des artistes comme Sol, Michel Faubert, Jean-Marc Châtel et Brian Perro, et des conteurs des quatre coins du monde coloreront les diverses soirées. "On a le désir de démontrer aux gens que nos angoisses sont toutes similaires, et ce, qu'on habite à Tombouctou ou à La Tuque", conclut-il. Renseignements: (819) 268-2293.
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Et la culture fut!
À la recherche de nouveaux lieux de diffusion? La Corporation culturelle de Shawinigan et la Ville de Shawinigan viennent de procéder à l'inauguration officielle de la Maison de la culture Francis-Brisson dans le secteur Grand-Mère – Francis Brisson, très actif dans la vie culturelle de la région, a dirigé pendant 25 ans l'Union musicale de Grand-Mère. Située dans le joyau patrimonial qui avoisine l'Auberge Grand-Mère, cette salle de spectacle servira de complément au Centre des arts de Shawinigan. Elle aura comme mandat de faire rayonner le talent d'ici. Elle présentera sur sa scène des artistes originaires du territoire en plus d'accueillir sous son toit des expositions en arts visuels et des ateliers de toutes sortes. Si elle mise beaucoup sur le potentiel régional, elle ne se limite pas à une seule manière de faire. La salle de spectacle profite de son caractère intime pour attirer des artistes de renom, tel Richard Séguin, chanteur qui a "baptisé" la salle en septembre dernier. Par ailleurs, elle recevra Les Zapartistes, formation réputée pour son humour grinçant et engagé, le 22 octobre. Les membres du groupe, ouvertement gauchistes et indépendantistes, viendront alors partager leur vision de l'actualité. Renseignements: (819) 539-6444.
Je crois que l’on a tous gardé de notre enfance un petit côté curieux qui voudrait croire à ces contes et légendes. Une chose est sure, c’est que même si l’on n’y croit pas, on éprouve toujours du plaisir à les écouter. Et lorsque ceux-ci sont racontés par des pros, c’est encore mieux. Alors, comme le festival a décidé d’innover en se déplaçant, encore plus de personnes pourront en profiter au maximum et peut-être même que certains se découvriront un talent de conteur…
« Le conte est l’art difficile de venir de loin, de mentir et de dire la vérité à la fois », écrivait l’auteur Jean Marcel au sujet de l’univers littéraire de Jacques Ferron, un formidable conteur. Et bien avant Ferron, bien avant que le Québec se mette à engendrer des personnes « lettrées », déjà le conte faisait les délices des soirées de nos ancêtres. On y explorait les passions éternelles déclenchées par l’amour, le mysticisme religieux ou évoquant notre fragilité face aux caprices de la nature. On retrouvait également dans ce style narratif les premières ébauches des romans de science-fiction, où l’étrange se mariait à l’inexpliquable.
Plus tard, le genre s’est retrouvé dans les rayons des bibliothèques des maisons. Pensons seulement à Adagio, le recueil de contes de Félix Leclerc, et les fables d’Allegro. Retour à la tradition orale, avec ces histoires racontées par un Jocelyn Bérubé, parfois terrifiant, dont le rythme de narration, savamment dosé, nous obligeait à nous asseoir sur le bout de notre chaise. Et que dire de Sol, cet infatigable forgeron du langage. Et déjà une belle relève de conteurs, fin prête à nous faire rire, nous émouvoir et, avouons-le, nous faire peur, pour ensuite nous rassurer. Oui le conte a encore de belles années devant lui. Il nous survivra et nourrira l’imaginaire de notre peuple pour des siècles et des siècles!
Les contes et légendes sont pour moi un art, celui qui permet de faconner et faire naître les rêves. Ces paroles qui coulent à flots et qui nous emportent vers ce pays lointain qu’on appele l’imagination. Ces conteurs, colorant le rêve naissant en nous à l’écoute, accouchants de personnages tendres qui l’instant d’une soirée meublent notre intérieur. Belle initiative que celle de parcourir les routes à la recherche de ces oreilles qui ne demandent qu’à écoutées vos beaux mensonges.
Comment oublier nos yeux d’enfants qui sans jamais se déplacés écoutaient ces contes et légendes autours du feu qui crépittait. Comment ne pas sourire au souvenir du coucher qui suivait la soirée, les yeux fermés voyageant encore au rythme des paroles entendues.
Un grand merci à ceux qui encore et toujours continuent à pérpétuer cet art qui demeure magique et qui s’addresse non pas aux adultes mais bien aux enfants que nous avons un jour étés mais qui someillent en nous pour toujours.
Se faire conter un rêve, ça n’a pas de prix.
«Si tous les poètes voulaient se donner la main,
ils toucheraient enfin des doigts d’auteurs !»
– Marc Favreau alias Sol –
C’est un peu dans cette optique, je crois, qu’est né le Festival des contes et légendes de Sainte-Élie, c’est-à-dire dans celle de rassembler les gens autour de cet art discret qu’est le conte. De rassembler les conteurs d’abord et avant tout, ceux d’ici et d’ailleurs pour un avenir meilleur, et leur offrir la merveilleuse opportunité de côtoyer leurs collègues qu’ils n’ont sûrement jamais vus. Puis, de rassembler le public, celui qui s’ouvre de plus en plus à la tradition orale. Je dis «celui qui s’ouvre», mais je devrais plutôt dire celui qui se rouvre, puisque le conte est une forme d’expression qui a déjà été très courante par le passé, mais qu’on a malheureusement négligée. Et tant mieux si la population se réveille et assiste en grand nombre à cet événement lumineux, cela ne peut que la guider à savoir quel peuple nous devrions être souvent à travers l’illustration du peuple que l’on a été. Longue vie au Festival et qu’il poursuive cette lancée de s’étendre à la grandeur de la région, jusque dans ses coins les plus reculés. Il doit maintenant «conter» sur son public.
Le milieu culturel de Shawinigan peut lui aussi être fier par les temps qui courent. La construction de cette Maison de la culture Francis-Brisson en est une superbe preuve. Le lieu de diffusion de la culture, qui mettra en valeur la relève régionale, se veut une occasion en or de se mesurer à un public et à une scène de qualité. La visite d’artistes de renom, engagés et militants de surcroît, ne peut qu’augmenter la crédibilité du projet naissant. Le fidèle Richard Séguin qui «baptise» une salle, cela ne se refuse pas vraiment, non plus que ces joyeux drilles que sont les «Zapartistes», mordants à souhait. Une relève qui s’éveille ? Beaux moments en perspective.
En terminant, n’oubliez pas que les bons contes font les bons amis.
En est-il de même aujourd’hui ?
Alors que la tendance est de se produire dans des salles toujours plus grosses, l’idée des conteurs de la Mauricie d’aller dans beaucoup de petits espaces pour préserver l’intimité de ce moment privilégié entre le conteur et ses spectateurs est tout simplement génial! C’est presque comparable aux produits du terroir. On y va à moins de quantité mais en privilégiant la relation! Il est ainsi possible de mieux cerner la réaction du public. À l’inverse, celui-ci est plus à même de bien saisir chaque mot du conteur et je suis convaincu qu’il perçoit beaucoup plus facilement les sentiments du narrateur. J’espère que cette initiative fera des petits!
Qu’il s’agisse du conte oral ou du conte écrit, ce genre littéraire a la particularité de nous introduire tout de go au coeur de l’action, de faire en sorte qu’on a tout de suite l’impression d’y être présent et petit à petit, de nous faire passer des rangs des spectateurs à celui des acteurs. En ce sens, le conte se situe pour moi quelque part entre le théâtre et le roman, se tenant plus près du théâtre d’ailleurs que de son cousin le roman. Dans le conte oral, la présence du narrateur étant incarnée dans la personne du conteur, celui-ci nous place devant une petite scène où les comédiens, bien qu’absents au départ, finissent par apparaître sur la scène que dresse pour eux le conteur au fur et à mesure qu’il évoque leur présence. C’est le même genre de raports qu’il y a entre celui qui racconte une histoire à des enfants pour qu’ils fassent de beaux rêves et c’est la même candeur qu’il demande aux adultes qui écoutent, sinon le charme est rompu. Ces contes oraux ont joué un grand rôle dans la vie culturelle des villages, car c’était la seule façon de faire éclater les bornes rigides de la culture qui était toute refermée sur les espaces restreints des villages. Avec les contes, les gens pouvaient respirer un air venu d’ailleurs, et parfois de très loin. C’est un peu ce même rituel de la quête d’espaces nouveaux que ce Festival réalise en allant rendre visite aux gens là où ils habitent, en faisant comme ces conteurs d’autrefois qui allaient de place en place à la manière des troupes de comédiens forains. Ce conteur était à lui seul toute une troupe de forains. Quant au conte écrit, il participe de la même magie puisqu’il se tient lui aussi à distance de la forme romanesque, qui elle est contemporaine de la naissance d’un autre type de société, celle qui allait naître par la suite avec les révolutions industrielles et le marché, mais pas celui des forains dans ce cas.