Sous l'oeil de Saint-Denys Garneau
C'est avec un grand étonnement que le poète trifluvien Carl Lacharité et l'artiste Jo Ann Lanneville ont reçu le Prix international Saint-Denys-Garneau 2004 pour le livre d'artiste S'en terrer lors du dernier Salon du livre de Montréal. Jamais le duo ne pensait remporter un prix avec une œuvre imprimée à un très petit tirage, soit 5 exemplaires. La qualité de réalisation de cette dernière et la force de son contenu ont néanmoins retenu l'attention du jury, alors composé de Lucien Chabot, Denis Charland, Jean-Paul Daoust, Denise Desautels et Ginette Trépanier de la Corporation Champs Vallons. S'en terrer, qui réunit trois estampes originales (eaux-fortes et pointes sèches sur chine collé) et trois poèmes inédits, aborde la question de la mort. En fait, Carl Lacharité a profité de l'occasion pour aborder un sujet qui le "tracassait" depuis un certain temps, mais qui demandait un contexte particulier: le 11 septembre. "Le livre d'artiste donne une plus grande liberté, souligne-t-il. Il n'y a pas de contrainte." Ainsi, l'écrivain s'est permis quelques exercices de style autour du verbe "terrer". Satisfaits de cette collaboration, les deux complices ne rejettent pas l'idée d'une nouvelle aventure. L'avenir définira cependant sa forme…
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Fenêtre sur le monde
Ciné-Campus, intéressé à élargir sa clientèle, ajoute une nouvelle corde à son arc. À partir du 2 décembre, parallèlement à sa programmation régulière, il organise à la Salle Léo-Cloutier du Séminaire Saint-Joseph des soirées axées sur le documentaire. L'organisme présentera un film de ce genre par mois jusqu'en avril (sauf en janvier où il n'y en aura aucun). Le film de la première projection de la série s'intitule La Corporation. Ce documentaire-choc, qui a reçu plusieurs prix dont celui du public au Festival international de Vancouver, dresse un portrait peu reluisant des multinationales. S'inspirant du livre de Joel Bakan, il montre que la grande entreprise, considérée comme une personne morale par la loi, se comporte parfois comme un psychopathe. Lyne Larose de Ciné-Campus souligne que ce n'est pas par hasard que ce film figure à l'horaire de décembre. À quelques jours de Noël, l'organisme trifluvien désirait faire réfléchir les spectateurs sur la notion de consommation. Contrairement à la règle habituelle, les non-membres peuvent assister aux représentations de Ciné-Documentaire pour 5 $. Renseignements: (819) 373-4211.
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En la mineur
Jeune formation de Shawinigan, La Menor Idea lancera son premier album ce vendredi 3 décembre à L'Enclume de Grand-Mère. Elle dévoilera le fruit d'un an de travail en compagnie de Kamendja, un quatuor connu de la région montréalaise qui allie la musique actuelle aux rythmes du monde. Jean-François Poirier, qui a composé la majeure partie des textes, raconte que le groupe puise principalement son énergie dans le rock et les rythmes latins. Il mentionne cependant que La Menor Idea ne se limite à aucun style en particulier. Le band se permet de tout explorer. Par exemple, la pièce Le Déserteur propose des sonorités ska et Shawi, une chanson humoristique qui questionne les choix de la ville en matière de revitalisation, emprunte la route du country. Par ailleurs, la formation, qui se fait un devoir de promouvoir la chanson francophone, a produit elle-même son opus. Celui-ci regroupe 13 titres originaux aux propos incisifs, dont une composition de Mario Sigmen (Cul-de-Sac).
Les artistes Carl Lacharité et Jo Ann Lanneville ont de quoi être fiers… Ils viennent de prouver au milieu littéraire qu’on n’a pas besoin de vendre des milliers d’exemplaire pour se faire remarquer, et que le produit présenté n’en est pas moins pertinent et unique. Ce Prix international Saint-Denys-Garneau 2004 leur donnera une belle visibilité et l’immense satisfaction d’avoir été reconnu par des pairs dans le cadre du «prestigieux» (?) Salon du livre de Montréal. Ils ont fait preuve d’audace et d’une originalité peu commune (utilisant plusieurs techniques et procédés singuliers) pour traiter de ce sujet délicat et galvaudé qu’est le 11 septembre. Par leur approche poétique et symbolique, ils ont pris la peine de
«S’en terrer», de s’enfouir sous les décombres de l’horreur d’une part, de la paix et de l’espoir d’autre part, afin de poser un regard profond et réfléchi 3 ans après le drame. Félicitations à ces dignes représentants de la vitalité culturelle d’ici !
Le Ciné-Campus diversifie ses activités cet automne. Après le passage du programme de courts-métrages «Québécois tout court» en collaboration avec «Silence on court» et l’ONF, voilà que l’organisme culturel se lance dans la promotion du documentaire. Longtemps le documentaire a été un genre boudé par le public en salles, l’ONF devant se contenter la plupart du temps de diffuser ses films à la télévision ou dans des salles minuscules de Montréal. Mais depuis quelques années, «le doc a la cote», phénomène explicable en partie par la grande médiatisation de Michael Moore et, au Québec, par la vague de films-chocs qu’ont été, chacun à leur mesure, «L’erreur boréale», «Bacon» et autres «À hauteur d’homme». Tant mieux si le public suit les producteurs et les diffuseurs dans cette veine, ils ne pourront que se positionner sur des grands débats sociaux ou prendre conscience d’incroyables injustices et aberrations telles que démontrées dans la révoltante «Corporation».
Quoi de neuf, doc ?