Pourquoi tant de haine?

Pendant ce temps, aux États-Unis

Il a beau y avoir des élections fédérales qui s’en viennent tout bientôt en octobre, je n’arrive pas à me passionner pour la joute politique au Canada. Il y a pourtant un réel enjeu: contrairement à ce que l’on croyait il n’y a pas si longtemps, il est loin d’être garanti que le beau Justin fera deux mandats. Et plusieurs résultats sont dans la fourchette des possibles, y compris la renaissance du Bloc mené avec aplomb par Yves-François Blanchet qui peut aspirer à une éventuelle balance du pouvoir. Sauf que rappelez-vous la dernière campagne québécoise. Au début, ça avait l’air d’aller pas si pire pour le PQ et on a vu ce qu’on a vu. Faque toutte se peut, y compris le contraire, ce qui devrait créer au moins un certain suspense.

C’est que, ça a beau être les nôtres, ces élections font figure de petit concours de popularité paroissial bien anodin en comparaison avec LE match politique crucial pour l’humanité qui se joue chez nos voisins du Sud. Avec l’élection présidentielle qui se profile en 2020, la course à la chefferie démocrate bat présentement son plein, et là non plus, rien n’est joué d’avance.

L’élection de Donald Trump, en 2016, a été un coup de tonnerre. Ce ressac anti-Obama n’a peut-être été possible qu’à cause de la réduction du taux de participation dans plusieurs États-clés, où de nombreux électeurs qui avaient voté pour Obama ont préféré rester chez eux plutôt que de voter pour Hillary Clinton, permettant à la base trumpienne hyper-motivée de prendre le dessus. On peut donc espérer qu’à la prochaine présidentielle, l’électorat «réveillé» à tout le mal que peut faire Donald Trump sorte voter en masse, et pas pour lui. Mais on n’est pas sûr non plus que c’est ce qui va arriver, ne serait-ce qu’à cause de ce foutu collège électoral qui se moque du vote populaire de l’ensemble des citoyens américains.

Dans ces circonstances, le choix du leadership démocrate doit être le bon. Et deux écoles de pensée s’affrontent actuellement. Il y a ceux qui croient qu’il ne faut surtout pas rebuter les électeurs républicains modérés en proposant des politiques trop à gauche (surtout les partisans de Joe Biden), et ceux qui croient au contraire qu’il ne faut surtout pas être timoré, parce que l’enthousiasme fait sortir le vote bien plus que la prudence. C’est le pari que font notamment les Bernie Sanders et Elizabeth Warren, au coude-à-coude, tout juste derrière le favori Biden selon les derniers sondages.

Les deux théories ont leurs mérites. Mais tout ça donne un parti qui est un peu comme si le PQ et QS avaient été forcés d’être ensemble. Vous imaginez un peu le bordel et les féroces jeux de coulisses? Si un clan sort de l’exercice trop frustré par les stratégies de l’autre, ça ne peut que faire le jeu de Trump…

Cette semaine, la longue liste des aspirants démocrates vient d’être réduite de moitié pour les prochains débats. Se sont qualifiés en vertu de leur pourcentage d’appui dans les sondages et de leur niveau de financement Joe Biden, Elizabeth Warren, Bernie Sanders, Kamala Harris, Cory Booker, Pete Buttigieg, Julián Castro, Amy Klobuchar, Beto O’Rourke et Andrew Yang. Je prendrais n’importe qui de cette brochette-là à la place de Donald Trump, mais je vais me mouiller: la candidature qui me semble la plus solide est celle de Warren. J’aime aussi personnellement beaucoup le ton et les idées de Yang et Buttigieg, mais je reconnais qu’il s’agit sans doute plutôt là de deux excellents candidats au poste de VP.

Mais quand on analyse la politique américaine, il y a un risque, celui de la forêt qui cache l’arbre. Oui, j’ai bien écrit le contraire de la formulation habituelle. C’est que pour plusieurs gros États du pays (Californie, Texas, New York), on sait déjà pas mal pour quel parti ils vont voter, et à quel point leur choix ne changera rien dans le grand jeu du collège électoral.

Restent donc quelques États-clés jouables que les démocrates doivent absolument gagner s’ils veulent espérer battre Trump. Je ne vous en nommerai qu’un, celui qui m’a fait réaliser que Trump était en train de gagner en 2016: la Pennsylvanie, avec ses 20 électeurs au collège électoral. Les démocrates doivent peut-être surtout se demander avec quel candidat ils ont le plus de chance de gagner la Pennsylvanie. Et j’avoue que je ne suis pas sûr que ce soit Elizabeth Warren.

Nous sommes donc dans cette période de flottement, qui m’en rappelle étrangement une autre, encore plus morbide. Lors des attentats du 11 septembre 2001, rappelez-vous. Il y a d’abord eu un avion qui s’est encastré dans une des tours du World Trade Center. On se disait que c’était possiblement un attentat, mais on pouvait encore envisager que c’était un accident. Puis, il y a eu le deuxième avion dans l’autre tour. Et là, il n’y avait plus de doute possible.

Une réélection de Trump, ce serait comme le deuxième avion. On saurait que la démocratie américaine est attaquée (de l’intérieur, même s’il y a indéniablement eu une influence russe), et que l’attaque est beaucoup plus sérieuse qu’on ne le croyait au début. Sans niaiser, c’est jusqu’à l’unité américaine qui serait dès lors en jeu, et le concept de démocratie lui-même serait sérieusement plombé par ce résultat.

Alors je souhaite aux démocrates américains beaucoup d’harmonie et d’unité… Et même une petite récession avant 2020 si ça peut aider…