Onze personnes sont mortes de la légionellose à Québec, une maladie qu’on dit causée par un mauvais entretien des systèmes de climatisation des édifices. Leurs propriétaires ont, semble-t-il, été négligents. J’y reviendrai plus loin.
Pour le moment, rappelons-nous que depuis trois décennies environ, un lieu commun de la conversation démocratique consiste à faire une critique souvent acerbe de l’État interventionniste et notamment des services publics qu’il dispense. Il y a trop d’État, dit-on en substance, ses interventions sont typiquement néfastes, nos services publics sont trop coûteux, ils sont inefficaces, de mauvaise qualité, en plus d’être grandement responsables d’une dette catastrophique. Et puis, n’est-ce pas, les fonctionnaires, syndiqués, sont trop payés et surprotégés, et ils sont moins motivés et efficients que les travailleurs œuvrant au privé. Conclusion? Le marché laissé à lui-même saurait mieux accomplir ce que le secteur public accomplit si mal et le recours au privé serait partout préférable.
On croirait, tant tout cela est partout répété comme autant d’inattaquables évidences, qu’il n’y a pas de contre-discours possible à ces propos. Et il est vrai que dans ce qui est de moins en moins une conversation démocratique, dans les grands médias notamment, on n’entend guère de contre-arguments. Il y en a pourtant et il devrait y avoir débat.
Que dirait donc ce contre-discours?
Il dirait d’abord qu’en 2008, nous sommes entrés dans une crise économique exceptionnellement longue et dure dont souffrent d’innombrables personnes et qui est justement, en grande partie, la résultante de la vision du monde promue par les idées que j’ai rappelées. Or cette crise signifie que cette vision du monde, avec à son centre le mythe d’un marché rationnel, s’est, pour reprendre le mot d’Alan Greenspan, l’ex-président de la Fed, «écroulée».
Ce contre-discours dirait aussi que même les plus chauds partisans du marché reconnaissent l’existence de ce qu’on appelle des déficiences du marché: en un mot, ce qui est généré par lui peut n’être pas optimal. Cela se produit, par exemple, si l’information dont disposent les contractants est inégale (asymétrique). Ou encore quand le contrat passé entre eux a, c’est typique, des effets sur des tiers, voire sur la collectivité, mais que ce contrat ne les prend pas en compte. Ces effets sont appelés des externalités et certaines sont néfastes (négatives). Tu m’achètes du pétrole que X transporte: mais ce pétrole pollue et tout le monde en ressent les effets, dont nos ententes ne tiennent pas compte. (Passons pieusement sous silence le fait que c’est la collectivité qui entretient une armée pour maintenir la «stabilité» dans la région où se trouve le pétrole.)
Ce contre-discours dirait encore que le marché encourage la compétition entre humains, plutôt que la coopération; qu’il incite à se comporter en parfait salaud si on peut le faire sans risque d’être pris. Mieux: il contraint à le faire puisque si, ce faisant, les profits augmentent, votre concurrent, lui, le fera et vous mettra en faillite.
De plus, il soulignerait que ces demandes de libéralisation du marché sont bien singulières. L’État, qui ne devrait pas intervenir pour les services publics et pour le bien commun, est constamment sollicité à intervenir dans ce marché supposé libre en faveur des acteurs de l’économie: par des allégements fiscaux, par des subventions, par des ententes entre États et de mille autres manières. Mieux, ou plutôt pire: quand la fameuse vision du monde s’écroule, c’est l’État, et donc le public, qui vient renflouer ceux qui l’ont conduit à la catastrophe, par exemple, récemment encore, les banques.
Si le contre-discours était réellement exprimé, tout le monde dans notre société, en discutant de ces thèmes, devrait savoir toutes ces choses et les faire peser dans la balance de la conversation démocratique avant de prendre position. Est-ce le cas? J’ai de sérieux doutes. Qu’arriverait-il si, autour de vous, vous demandiez, par exemple, d’abord pourquoi il faudrait confier au privé les soins de santé, ensuite ce qu’est une externalité négative?
Revenons à ces cas de légionellose. Je n’en parle que de manière théorique et abstraite, bien entendu. Mais n’y aurait-il pas lieu, ici, de soulever l’hypothèse qu’on est peut-être là devant un cas de déficience du marché? Question injuste? Pourtant, songez à la vitesse avec laquelle on accuse le secteur public et ses carences quand, disons, des cas de C. difficile éclosent dans un hôpital.
Invoquer une carence du marché fournirait un cadre interprétatif possible des événements et cela mérite de figurer dans le débat public. D’autant qu’ici, l’ironie me semble assez marquée: ceux et celles qui réclament toujours moins d’intervention de l’État et moins de réglementation disent cette fois que c’est la faute à l’État qui n’a pas assez réglementé si l’entretien n’a pas été fait ou pas fait correctement.
Mais je crains fort qu’au bout du compte, l’affaire ne soit traitée comme une externalité négative. Au fond, c’est même déjà le cas puisque les malades sont soignés dans des hôpitaux publics. Et c’est probablement encore une fois le public qui ramassera le gros de la facture des dégâts causés par «une vision du monde», laquelle, à mon sens, et du moins par la manière dont elle est mise en œuvre dans le monde réel, est une escroquerie intellectuelle et morale.
Sans oublier les théories de Nash et Arrow qui ont sérieusement remis en cause l’idée que la rencontre des intérêts égoïstes pouvaient mener à la maximisation de l’intérêt commun. Sans oublier non plus la notion de biens publics (éducation, santé,…) auxquels les économistes eux-mêmes confèrent un statut à part, sortant du cadre de la simple marchandisation. Sans parler de ce que Smith avait lui-même énoncé à son époque à savoir qu’il existe des domaines (éducation, infrastructures,…) dont l’État seul devrait se voir confier la charge (on ne parle pas ici des responsabilités régaliennes énoncées par les libéraux qui consistent essentiellement à assurer et protéger la propriété privée d’un petit nombre face à tous les autres). Sans parler de tous les marchés qui échappent totalement aux théories de Walras (à commencer à celui du travail).
Je recommande FORTEMENT l’écoute de cette entrevue de Cornélius Castoriadis. Il y résume à la fois l’absurdité de nos pseudo démocraties (qui maintiennent le citoyen le plus loin possible de la gouvernance) et le non-sens d’un système capitaliste qui se serait déjà effondré sans l’intervention des citoyens pour contrevenir à ses conséquences les plus catastrophiques (lutte pour une amélioration des salaires qui a sauvé l’économie d’une surproduction chronique, lutte pour un temps de travail réduit qui a permis d’absorber le chômage provoqué par les nouvelles technologies…)
http://www.franceinter.fr/emission-la-bas-si-j-y-suis-se-reposer-ou-etre-libre
Aucun des mythes entretenus sur la supériorité des marchés ne s’est jamais réalisé empiriquement. La privatisation de l’électricité, des transports, de la téléphonie (etc.) ont eu comme conséquences une baisse de la qualité des services (le chemin de fer en Angleterre), de leur accessibilité (multiplication des ménages pauvres qui ne peuvent pas se chauffer en hiver en Europe) et une augmentation de leurs prix (privatisation d’EDF suivi d’une augmentation de 30% des tarifs….). Elle a surtout permis la création d’oligopoles comme dans le domaine des communications avec ententes sur les prix et barrière à l’entrée pour les nouveaux arrivants.
Le problème avec ce genre d’énoncées, c’est qu’il ne corresponde pas avec la réalité. Accuser la liberté des individus, à vivre leur vie comme bon il leur semble, comme un problème, c’est diriger la société directement vers une dictature, car c’est juger la liberté comme une source de problème.
1) Bien sûr que les intérêts égoïstes ne peuvent optimiser les intérêts communs, mais la seule manière de maximiser les intérets communs autrement, c’est pas le pouvoir coercitif, par l’obligation. Est-ce votre solution? C’est évident que mettre en état d’esclavage la population pour une maximisation est une proposition, mais qu’elle en sera les conséquences?
De ou vous trouvez ceci: »Sans oublier non plus la notion de biens publics (éducation, santé,…) auxquels les économistes eux-mêmes confèrent un statut à part, sortant du cadre de la simple marchandisation ». De ou trouvez-vous ça? Biens des économistes monétaristes (Hayek, Friedman) et leurs disciples vous diront, au contraire, que toute mesure qui décentralise les pouvoirs, en matière d’éducation et de santé est un bien en soi, laissant place à la compétition, mais surtout, au choix, ce qui veut dire payer si on veut pour ce qu’on veut sans obligation.
»Sans parler de ce que Smith avait lui-même énoncé à son époque à savoir qu’il existe des domaines (éducation, infrastructures,…) dont l’État seul devrait se voir confier la charge ». Du peu de domaines que l’état doit être le seul à prendre charge comme la défense nationale, il ne faut pas s’emporter à l’idée que le contrôle étatique doit être la solution. L’histoire montre que c’est un échec et ce le sera toujours, peu importe la culture, l’époque ou la région géographique.
Ici, vous parles de ceci: » Il y résume à la fois l’absurdité de nos pseudo démocraties (qui maintiennent le citoyen le plus loin possible de la gouvernance) et le non-sens d’un système capitaliste qui se serait déjà effondré sans l’intervention des citoyens pour contrevenir à ses conséquences les plus catastrophiques ». Que l’on parle de nos démocraties qui ont centralisé beaucoup de pouvoir, je vous l’accorde, ce n’est pas juste, mais de dire que le système capitaliste se serait éffrondé si… c’est dire que le système capitaliste est une entitée indépendante des citoyens, ce qui est une incompréhension complète de la situation. Le capitalisme, c’est la liberté d’accumuler des richesses sans contraintes pour tous les citoyens intéressés à travailler. En tant que citoyens, nous sommes responsables du sort d’une société lorsqu’elle est capitaliste puisque nous sommes libres d’en faire ce qu’on veut de cette société. C’est absurde de dire que le capitalisme est responsable d’un mal, car c’est dire que la liberté est responsable d’un mal, c’est une accusation sans fondement.
Vous dites »Aucun des mythes entretenus sur la supériorité des marchés ne s’est jamais réalisé empiriquement. ». Ce qu’on observe, empiriquement, c’est l’accroissement radicale de la qualité de vie grâce au marché. Vous croyez qu’Henry Ford a démarré sa compagnie sous des ordres gouvernementales? Est-ce que Bill Gates, qui a complètement changé la face du monde, a agit sous des obligations étatique? Vous avez un malain plaisir à hair la libre association, mais vous avez l’ingratitutde de reconnaître que tout, mais absolument tout, les biens de consommations qui sont autour de nous sont les résultats des marchés. Si vous pensez que des ordres ou des contraintes gouvernementales pourraient rendre le monde meilleur, vous êtes de ceux qui croient que les polices sont ceux qui doivent nous enseigner la vertu. Votre manque de foi envers la liberté démontre une frustration immature et un manque de vue globale de la société.
»La privatisation de l’électricité, des transports, de la téléphonie (etc.) ont eu comme conséquences une baisse de la qualité des services (le chemin de fer en Angleterre) ». L’histoire montre que les monopoles étatiques ont toujours amené à long terme une baisse de qualité, que l’absence de compétition et un revenue assuré génère une décadence inévitable. La privatisation des chemins de fers en Angleterre a, au contraire, permis le déploiement des échanges commerciales, et non pas une perte de qualité. Si on augmente la demande, tôt au tard, la qualité augmente et les prix baisse.
La prémisse de votre raisonnement repose sur un faux dilemme. Vous présupposez que tout modèle économique qui ne s’apparente pas au capitalisme est nécessairement une dictature opposé à la liberté individuelle. Vous admettrez cependant qu’entre le « laisser-faire, laisser-aller » libertarien et un régime dictatorial il existe une marge d’action non négligeable. Des modèles alternatifs basé sur l’autogestion et l’économie participative existent et apportent d’intéressantes réponses tant aux problèmes du capitalisme (sa très mauvaise répartition des ressources) qu’à ceux de la planification à outrance (sa destruction de l’autogestion). Si vous souhaitez en apprendre plus, faites quelques recherches sur l’écopar.
Par ailleurs, votre définition de la liberté est fallacieuse. La liberté ce n’est pas agir comme un animal obéissant à ses instincts les plus primaires (« je fais ce que je veux ») mais obéir aux principes que l’on s’est collectivement donné par l’entremise d’un mode d’organisation que l’on souhaite le plus juste et le plus représentatif possible (se référer à Rousseau). Le fameux contrat social qui nous permet de vivre harmonieusement tout en permettant l’expression de vie démocratique. La liberté que vous décrivez c’est laisser la force de quelques un s’exercer sur tous les autres car, contrairement à ce que vous semblez croire, le capitalisme ne défend pas la liberté en tant que telle mais le droit à une propriété individuelle illimitée et assurée par la loi (défendu en premier lieu par Locke). Un principe que Rousseau a pourfendu à son époque en raison des inégalités sociales profondes qu’il entraine dans son sillon. De fait, selon les prémisses du libéralisme économique, une société dans laquelle un homme aurait seul la propriété d’une ressource essentielle au reste de la population ne serait pas injuste même si elle présuppose que tous les autres doivent se vendre à lui pour pouvoir vivre. Une conclusion qu’il est difficile d’accepter sur le plan social et moral…
La réponse au dilemme du prisonnier (et autres équilibre de Nash) est d’encourager la coopération notamment (mais pas uniquement) par la législation. Un bon exemple est le code de la route qui oblige les voitures à rouler dans le même sens et à ne pas dépasser une vitesse dangereuse près de nos écoles. Un autre les mesures qui encouragent l’adoption de pratiques moins polluantes. Un troisième, l’impôt sur le revenu qui assure la redistribution des richesses et la lutte contre les inégalités (et ses effets néfastes sur la santé publique, la criminalité, les révoltes…).
Concernant la démocratie, ce que Castoriadis énonce en substance c’est qu’être citoyen présuppose d’être gouverné ET de gouverner. Or, dans nos sociétés actuelles, les citoyens sont de plus en plus tenus à l’écart de la gouvernance dont les différents aspects sont confiées à des « experts » en dehors de tout débat public. Castoriadis récuse une démocratie dans laquelle les citoyens, supposés trop stupides pour être consultés, ne sont appelés à se prononcer qu’une fois tous les quatre ans pour choisir entre différentes options préalablement sélectionnées pour eux. Il rappelle par ailleurs ce que les économistes théoriques eux-mêmes ont reconnu à savoir que le capitalisme souffre de ses propres contradictions et ne permet pas l’atteinte d’une juste répartition des ressources. Une chose que Smith, pour en revenir à lui, décrivait très bien en parlant de « l’infâme maxime de ces Maitres : tout pour nous et rien pour les autres », ceux-là même qu’il affirme « incapable de se réunir sans comploter contre le reste de la société ».
Accroissement de la qualité de vie? Vraiment? Le capitalisme financier nous a apporté 30 ans de crises successives, de creusement des inégalités, de destruction du tissus social et d’effondrement des investissements malgré l’envolée des profits (http://www.nytimes.com/imagepages/2011/09/04/opinion/04reich-graphic.html?ref=sunday). Cette même société de consommation que vous mettez sur un piédestal en faisant fi de ses épouvantables conséquences (environnementales et sociales). Que la qualité de vie de certains, à l’image de Bill Gates, ait pu s’améliorer je veux bien le croire mais que l’Humanité se porte mieux grâce au capitalisme certainement pas (http://www.nonauxhausses.org/wp-content/uploads/quisenrichitquisappauvrit.pdf). Produire plus de richesse pour le seul profit de quelques-uns n’est pas ma définition d’un système juste, équitable et fonctionnel.
En outre, au risque de me répéter, la notion de concurrence et de compétitivité n’a pas le moindre sens lorsqu’il est question de biens publics (éducation, santé,…) puisqu’ils ne sont en rien des biens de consommation et n’obéissent pas à la même logique commerciale (je ne vais tout de même pas avoir besoin de vous expliquer la différence entre l’éducation supérieure et un paquet de couches….). Envisager l’ensemble des facettes la société comme autant de marchés exploitables par des entreprises privées pour des raisons purement pécuniaires est aussi ridicule qu’affirmer que toute critique du capitalisme signifie une critique de la liberté… C’est là réduire la complexité des interactions humaines et de leurs motivations à un unique facteur tout en niant les notions de partage, d’entraide et de solidarité qui nous ont permis de survivre en tant qu’espèce….
Finalement, L’État n’a pas pour vocation de dégager des profits, il n’est donc pas en monopole sur un marché. Il s’emploie au contraire à redistribuer la richesse produite pour que la population dans son ensemble puisse bénéficier des services essentiels dont elle a besoin. La qualité d’un service n’est en rien améliorée par l’introduction d’entreprises privées poursuivant la maximisation de leur profit individuel au détriment des besoins de l’ensemble de la population et ne répondant à leurs « clients » qu’au prorata de leur portefeuille (http://sceco.univ-poitiers.fr/gedes/docs/AES03.pdf). Un exemple concret est la recherche pharmaceutique qui se concentre essentiellement sur les maladies des pays développés au détriment de celles qui font des milliers de morts chaque année dans les pays pauvres au prétexte que les malades de ces contrées n’ont pas suffisamment de moyens pour présenter un intérêt quelconque…. Nous revoilà tout à coup du côté de Nash!
Marie, merci pour ce texte, c’est très intéressant de vous lire, mais ne prêchez-vous pas dans le désert ? Encore trop de gens sont aveuglés par le capitalisme parce qu’ils souffrent du syndrome du larbin « Chez un individu, le syndrome du larbin est un comportement pathologique visant à prendre systématiquement la défense des classes les plus favorisées au détriment de celles dont il est issu. » http://www.legrandsoir.info/Le-syndrome-du-larbin.html. Comment pourrait-on défendre le droit de s’enrichir infiniment (même en exploitant bassement son prochain) si ce n’était de cette croyance que l’on va soi-même devenir immensément riche. Enfin, votre texte est éclairant et il va certainement en instruire plusieurs.
Merci à vous. Je suis de ceux qui pensent important de ne jamais perdre espoir (ni l’occasion de mener un bon débat). La réalité est ce que nous en faisons quoi qu’on puisse vouloir prétendre à ce sujet et l’hégémonie du discours néo-libéral est chose fort récente. Rien ne nous empêche d’envisager une société où la coopération et l’autogestion l’emporteraient sur une économie d’individus « optimisateurs » et vénaux.
Le mythe de la réussite individuelle (nécessairement mesurée à l’aune de la richesse accumulée et forcement à la portée de quiconque travaille fort) et du self made man sont de superbes escroqueries tout comme l’invention du concept de « classe moyenne ». Ils n’ont jamais eu pour autre but que de trouver un motif moral supérieur à l’égoïsme des mieux nantis tout en divisant les individus en singletons sans pouvoir. On est ainsi progressivement parvenu, en les isolant, en les apeurant, en les fragilisant par des mesures antisociales de plus en plus dures, à créer des individus méfiants, égoïstes, utilitaristes et prêt à lécher les doigts de ceux qui les battent par peur de perdre le peu qu’ils possèdent encore, par espoir de sortir un jour de leur condition. La lutte collective pour le bien de tous n’est plus envisagée comme une option possible, seule les petites humiliations individuelles et la violence du « moi contre eux» subsistent. L’économie libérale et son dogme est un nouvel opium (simplement de meilleure qualité dans certaines sphères que dans d’autres), un nouvel ordre morale et religieux qu’on a imposé comme une évidence auprès de ceux qu’elle écrase.
Dans le cas de la légionellose il est remarquable que personne n’aborfe les faits concrets. A ma connaissance seul Pierre Foglia en a parlé. Quel est l’état de santé des personnes atteintes ? A la fin de l’année, la ville de Québec aura-t-elle connu plus de décès ? Cela me fait penser au boycot des étudiants du Printemps. Tous les journalistes parlaient des Universités en conflit…, de (tous) les étudiants en arret de cours…Finalement, nous apprenons apres coup que seuls quelques milliers d’étudiants ont séché leurs cours et 14 cégeps sur 52… Dans les deux cas, on discute beaucoup mais pas à partir des faits.
12 décès depuis le début de la contamination. La question ici n’est pas de savoir si les chiffres de mortalité globale de la ville de Québec seront ou non affectés à la hausse mais plutôt de comprendre comment ces drames auraient pu être évités notamment par des mesures de santé publiques comme le contrôle de la salubrité des immeubles. À moins bien sûr que vous ne sous entendiez par là qu’il existe un quota acceptable de morts en dessous duquel il n’est pas nécessaire de s’interroger…
Par ailleurs, outre le fait qu’il n’existe aucune sorte de rapport entre une épidémie de légionellose à Québec et la grève étudiante du printemps dernier, il serait bon ici de ne pas tomber dans les sophismes et les erreurs de langage. Les étudiants n’ont pas « séché » leur cours, ils ont pris en assemblée la décision majoritaire d’entrer en grève. Que certaines universités n’aient pas fait le choix de suivre cette décision n’implique pas que leurs membres étaient pour la hausse des frais ni les mesures du gouvernement. Et quoi qu’il en soit, le mouvement a de très loin dépasser les seuls revendications des étudiants pour se placer à un niveau de contestation plus large qui s’est reflété dans le mouvement des casseroles et les milliers de personnes dans les rues de Montréal tous les 22 du mois depuis avril…
Évidemment, la mini-épidémie sera un bon prétexte pour une vaccination en règle par les compagnies pharmaceutiques. Ça coûtera combien cette campagne de prévention où tout à coup on a le vaccin en millions d’exemplaires ? À suivre,,,
Mondialisation oblige !
Je rajouterais que nous avons élu, à Québec, un maire qui se dore d’être issu de l’entreprise privée (ce qui sous-entend qu’il ferait une bonne gestion de la ville). Or, après plusieurs cas d’infections et un premier décès, monsieur le maire est parti en vacance et il est revenu à la date prévue à son calendrier pour constater la dizaine de décès. Heureusement que la santé publique avait déjà intervenu.
Il semble que la légionellose avec 12 morts et une centaine de malades soit beaucoup moins dangeureuse que le peu de salmonelle trouvée dans quelques fromages il y a quelques années.
Après tout ceux qui meurent de la légionellose sont surtout des vieux qui seraient morts de toute façon un peu plus tard.
Pour la salmonelle trouvée dans quelques fromages ,il fallait agir vite. Cela affectait la réputation d’une petite industrie au Québec et riquait d’enlever la confiance aux consommateurs. Après tout la majorité des producteurs de fromages au Québec sont surtout de petits producteurs insignifiants.
La réaction de « La santé publique » a réagi en détruisant immédiatement plusieurs tonnes de fromages au cas.
Pour la légionellose , il ne fallait surtout pas faire peur aux touristes!
Vous vous souvenez du film « Jaws ».
La ville de Québec a besoin des touristes ,surtout l’été. Non ce n’était pas le temps.
Il ne fallait surtout pas fermer les tours de refroidissement avec de l’eau contaminée. Les propriétaires et les locataires sont de GROS contribuables!
Je reviens de voir le film : »L’affaire Michel Dumont ». Je crois que ce film a changé ma perception des « Ministères »!
Tout le monde est familier par les déficiences du marché, aussi appelé »market failure » qui sont les résultats des erreurs crées par la liberté, par le manque de réglementations. Cependant, il ne faut pas perdre de vue une situation qui peut être aussi pire, soit des déficiences d’état, aussi nommé »government failure ».
Meilleur exemple: La prohibition. Tout le monde est d’accord: l’alcoolisme est un mal. Mais la question est: quelle est la solution? Est-ce que l’état a la capacité de donner une solution? L’histoire montre que la solution fait beaucoup plus de mal que le problème, et qu’endurer le problème est un moindre mal à un contrôle, à un excès de régulation. L’histoire semble montrer que la liberté, aussi sauvage et imprévisible qu’elle est, a la capacité d’amener des solutions qui amoindrie et dilue les »market failure », tandis que les interventions gouvernementales sembles, à chaque fois, montrer, non pas une dilution des problèmes, mais une concentration des problèmes à long terme.
Il y aura toujours des problèmes émergeant associés à la liberté, c’est normal, mais il faut toujours savoir résister à la tentation de vouloir piéger la liberté au nom de la sécurité. Poser des policiers à tous les coins de rues pourra donner une solution à la possible chance qu’il y ait un crime, mais ça, à quelle prix?
Je m’étonne toujours de voir les gens se lever rapidement contre toutes interventions policières exagérés, mais je ne comprend pas pourquoi nous n’en faisons de même lorsque c’est au niveau des autres formes de libertés, comme des régulations corporatives, comme si la liberté n’était bonne que pour certaines gens.
Oui, il y a des gens qui vont mourir de maladie par suite de négligence, mais quelle serait le prix à payer pour s’assurer que personne meurt? Sur les auto-routes, on le sait, la liberté de rouler tue. Devrions-nous réglementer pour éviter les accidents? Est-ce raisonnable d’éviter les risques à tout prix?
Vous avez parlé que la crise économique était un résultat d’un excès de liberté, qui est celui d’emprunter à une banque sans même que celle-ci se soucie de votre capacité à payer, mais est-ce que cette confiance aveugle était si méprisable? Devrions-nous prêter de l’argent uniquement à ceux qui sont en mesure de payer dans l’immédiat? Les États-Unis ont cru en l’opportunité d’améliorer son sort, mais les moralistes de votre genre semble dire que ce genre de crises ont plus de poids que de donner la chance a des individus de s’en sortir par eux-mêmes.
Malgré la connotation négative, je préfère par dessus tout la compétition à la coopération. Je pourrai discourir des vertus de la compétitions, mais je préfère simplement dire que les cartels sont un mal, tout simplement, que la coopération entres compagnies ne fera toujours qu’une chose unique: nuire au citoyen moyen. Espérer que tout le monde s’aime en coopération serait réaliste si ça se produisait maintenant, mais puisque ce n’est pas le cas, ce genre d’espérance n’est qu’une déraison. Il faut plutôt accepter que les humains ne pensent qu’à eux-mêmes et harmoniser le tout, plutôt que de vouloir tout contrôler en espérant que tout ira bien en donnant des ordres.
Dire qu’un libéral est pour l’intervention étatique, qu’il est pourra le »buy out » des compagnies ou des banques défaillantes, c’est ne pas comprendre du tout le concept du capitalisme, qui se base sur la sélection naturelle.
Si vous avez du mal à penser qu’il faudrait laisser le prix gérer la santé, c’est se résumer à dire qu’il ne faudrait pas laisser la santé aux mains des humains, car, même si c’est dur à concevoir, mais le privé, ce sont des humains qui veulent faire le bien, et qu’imaginer que ceux qui gagnent un salaire perdent toute humanité, c’est vivre dans un monde imaginaire.
Jamais je dirai que la légionellose est un manque d’intervention d’état, c’est davantage un coup du hasard imprévisible, et que l’intervention de l’état ne serait qu’un mal superflu, comme un policier qui vient crier et frapper après deux personnes qui discutent paisiblement d’un sujet qui ne sont pas d’accord. C’est mal réagir, et pourtant, c’est exactement ce qui risque de se produire, soit une intervention, une fois de plus de la maman état qui doit régler tous nos problèmes en échange de nos moyens.
Et finalement, si vous croyez que c’est une escroquerie que de croire que valoriser la liberté est un bien, j’espère que vous êtes conscient que toute escroquerie qui puisse affecter TOUT le monde ne peut se produire qu’au niveau gouvernementale? Que toute agrandissement de l’intervention étatique multiplie les chances d’une arnaque majestueuse, qu’aucune compagnie ne pourrait rêver de faire? Aucune compagnie ne peut faire un mal sans l’autorisation étatique, il ne faut jamais oublié ça.
M. Trudelle, vous y allez de tant d’affirmations non fondées qu’il est vain d’argumenter sur votre texte. Par contre, avec tant de croyances, vous êtes fin prêt pour entrer en religion.
A la lecture de cette chronique de M. Baillargeon, on percoit encore l’éternel faux débat gauche / droite. D’entremêler les dossiers de la légionnelose avec la crise économique de 2008 (dont la complexité est à des lunes de ce que l’on tente de révéler) ou la crise étudiante relève de la pure démagogie, tentant à démontrer que les services publics représentent les forces du bien tandis que les compagnies privées sont celles du grand mal originel. Tant qu’à faire un débat sur la question, ne serait-il pas plus juste d’admettre que des crosseurs et/ou des crossés, il y en a tout autant vers la gauche que vers la droite !? Que les « fameux éléments catalyseurs » de la crise de 2008 relevaient directement d’une collaboration étroite entre le libre marché et le pouvoir politique étasuniens (donc l’état). Et que le conflit étudiant est une toute autre histoire, soit la conscience nouvelle d’une génération émergente envers le politique… Concernant la fameuse bactérie, je ne vois vraiment pas le rapport avec le débat actuel car à ce que l’on sache, nous ne connaissons pas vraiment les grands responsables (s’il y en a)… Avec la quantité hallucinante d’informations dont nous disposons de nos jours avec les mass-médias, il est si facile de faire des liens de causalité entre tout et rien qu’on en arrive parfois des conclusions (à mon sens) fort discutables . Tant qu’à y être, les termes « coopération » et « compétition » sont-ils aussi diamétralement opposés que le sont « patriotisme » et « mondialisme » ?
Jeff, c’est toi qui ramène ça dans un débat gauche / droite. C’est bien certain que des « crosseurs », et des gens qui font mal leur travail, il y en a partout. Mais il demeure une chose fondamentale, les services de l’État, ça nous appartient. C’est un bien collectif. Nous en sommes les propriétaires, les bénéficiaires et les responsables. Par contre, l’entreprise privée vise à générer un max de profits pour une poignée d’individus, en échange de biens ou de services, bien sûr. Alors, il ne faut pas tout mettre les œufs dans le même panier. L’État met constamment en place des dispositifs pour vérifier la qualité de ses services et en contrôler les coûts. Mais je conviens qu’il n’est pas sans faille. Comme l’entreprise privée a aussi ses failles et ses vertus.
Le texte de M. Baillargeon met simplement en lumière le fait que L’État est toujours tenu responsable, même pour ce qu’il ne fait pas, alors qu’on l’accuse d’être trop interventionniste.
Les mécanismes de la responsabilité civile servent aussi à « encourager » les acteurs du marché à minimiser leurs externalités. Concrètement, ça voudrait dire que les victimes de la légionellose devraient pouvoir être dédommagées par les entreprises responsables de la contamination. De la même façon le gouvernement devrait récupérer le coût des soins hospitaliers auprès des propriétaires responsables. Voyant qu’elles font face à des conséquences importantes, les entreprises choisiraient alors d’entretenir leurs tours de refroidissement parce qu’elles calculeraient que cet entretien leur coûte moins cher que de payer pour les conséquences d’un manque d’entretien.