Avec le maire Tremblay qui peut prier à l’hôtel de ville et ces jeunes sikhs qui sont privés de soccer, le débat québécois sur la laïcité est relancé et on peut craindre que cette charte des valeurs québécoises que nous promet le PQ ne fasse pas beaucoup pour l’apaiser.
Et si, pour un bref moment, nous revenions à l’essentiel et aux fondements de ce débat?
La laïcité est une invention du XIXe siècle, qui prolonge et approfondit la demande de tolérance religieuse qui est apparue dans le libéralisme naissant des XVIIe et XVIIIe siècles. La laïcité, d’une part, exprime une exigence de neutralité de l’État devant la grande variété des croyances, des religions et des métaphysiques que peuvent adopter les membres d’une société libérale, et d’autre part, affirme la séparation de l’Église, et plus généralement de la religion, et de l’État. En ne reconnaissant ni ne favorisant aucune de ces croyances, religions ou métaphysiques, l’État manifeste l’égal respect qu’il a pour toutes.
Mais cette laïcité a sa sphère d’application bien précise: la sphère du politique, ou si vous préférez, celle du civique. La laïcité ne prétend aucunement vous dicter quoi que ce soit de votre conduite ni dans votre sphère privée (chez vous, dans votre église, votre club de Scrabble, etc.) ni dans la sphère publique (au cinéma, dans la rue, au restaurant, etc.): cela, au besoin, la loi s’en charge. Par contre, oui, la laïcité prétend, au nom du respect de toutes les croyances, rendre neutre l’espace civique. Et c’est pourquoi on ne devrait pas plus prier dans un hôtel de ville qu’y chanter les mérites de l’athéisme. Et c’est aussi pourquoi ce que portent les gens au centre commercial – t-shirt «Ni Dieu ni maître» ou tchador – ne la concerne pas.
Les choses sont certes plus complexes et des points d’ombre surgissent parfois. Quid du sapin de Noël à l’hôtel de ville, par exemple? Ou de la crèche? Nos sociétés, parce qu’elles sont pluralistes, voient se multiplier de tels points d’ombre, d’autant que l’émergence d’une nouvelle sensibilité au respect de la liberté de conscience est apparue: théorisée par des penseurs importants comme Charles Taylor ou Gérard Bouchard, elle alimente ces politiques de la reconnaissance qui inspirent la pratique des accommodements raisonnables dans le cadre d’une laïcité dite ouverte.
Mais cette réflexion et ces pratiques ont leurs limites, limites que la récente décision juridique sur la prière à Saguenay a mises en évidence puisque c’est en partie en invoquant des arguments déployés dans le rapport de la commission Bouchard-Taylor que l’on a permis au maire Tremblay de prier là où la laïcité correctement entendue, qui ne peut pas plus être ouverte que la justice ou la démocratie ne sauraient l’être, l’interdirait.
Mais même quand la laïcité tout court sera la norme, on verra encore apparaître de tels points d’ombre, comme autant de cas singuliers, imprévus, inattendus, tant dans la sphère civique que dans la sphère publique. Ils nous demanderont d’adapter à des circonstances jusque-là inédites ce que signifie la laïcité. Comment trancher en ces cas est une grande question. Je suggère, modestement, que deux principes devraient nous guider collectivement pour y répondre.
Le premier est que la religion, en ces matières, ne devrait jouir d’aucun traitement préférentiel. Certes, avec la religion, des croyances fondamentales, profondes et hautement significatives sont en jeu: mais elles ne doivent pas être traitées différemment d’autres croyances non religieuses qui sont, elles aussi, pour qui les adopte, des croyances fondamentales, profondes et significatives. Un très laïque principe d’équivalence doit donc prévaloir au nom duquel une demande d’accommodement pour motif de conscience a la même importance si elle est faite au nom d’une foi religieuse que si elle est faite au nom d’une conviction d’une autre nature, disons, par exemple, humaniste ou philosophique. Si on est disposé à satisfaire cette demande pour un motif, nous devons aussi la satisfaire pour un autre.
Je vous invite à tester cette idée sur les cas suivants. Peut-on porter un couteau à l’école primaire en invoquant non sa religion, mais sa conscience et ses convictions? Peut-on demander des écoles séparées pour athées? Peut-on jouer au football avec une tuque?
Le deuxième principe est un peu plus subtil et je le dois à ma lecture du philosophe Brian Leiter. Le point de départ est ici que des lois et règlements qui sont neutres, en ce sens qu’ils ne visent aucune personne ni aucun groupe en particulier en poursuivant l’objectif qu’ils poursuivent, ont parfois des effets différenciés selon les personnes ou les groupes qu’ils affectent. La neutralité, en ce sens, n’est pas neutre: et c’est souvent sur cette base que des demandes d’accommodement sont présentées. Un exemple? En interdisant les couteaux à l’école, on ne vise qu’à assurer la sécurité des personnes qui s’y trouvent et ce règlement est en ce sens neutre, même si on découvre ensuite qu’il a des effets différenciés – en ce cas sur les sikhs. Mon deuxième principe veut que si une demande d’accommodement est accordée dans un tel cas de figure, c’est la personne ou le groupe concerné qui devra en assumer les éventuels coûts et nuisances, de tous ordres.
Je me résume. J’ai plaidé pour l’affirmation des principes de la laïcité (ce qui suppose de mettre enfin de côté cette confusionnelle laïcité ouverte) et du rappel de la seule sphère, civique, où elle s’applique; pour le renoncement à un traitement préférentiel des religions dans les éventuels cas de demandes d’accommodements, tant dans la sphère publique que civique; enfin, pour l’affirmation du principe selon lequel le fardeau de l’éventuel accommodement, accordé en cas de non-neutralité de la neutralité, doit prioritairement sinon totalement revenir à qui bénéficie de cet accommodement.
Des évidences, dites-vous? Peut-être. Laïcité 101? Sans doute.
Mais il me semble qu’on avancerait collectivement si on prenait sérieusement en compte ces principes.
« ces jeunes sikhs qui sont privés de soccer, »
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Personne n’est privé de « soccer ». Tout le monde peut jouer s’il participe en respectant les règles.
En passant le port du turban procure un avantage à celui qui le porte. Voir cet article :
“Soccer players who hit the ball with their head a lot don’t score as well on a memory test as players who head the ball less often, a new study finds. Frequent headers are also associated with abnormalities in the white matter of the brain, researchers report June 11 in Radiology.
Players who headed balls the most showed more abnormalities than those who headed fewer. For one brain region, 850 headers represented a threshold:”
http://www.sciencenews.org/view/generic/id/350943/description/Headers_linked_to_memory_deficit_in_soccer_players
Jean Émard
« Le premier est que la religion, en ces matières, ne devrait jouir d’aucun traitement préférentiel. Certes, avec la religion, des croyances fondamentales, profondes et hautement significatives sont en jeu: mais elles ne doivent pas être traitées différemment d’autres croyances non religieuses qui sont, elles aussi, pour qui les adopte, des croyances fondamentales, profondes et significatives. »
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Tout à fait d’accord.
La religion est une superstition comme une autre. Elle ne mérite pas plus de respect que l’astrologie ou la lecture des lignes de la main.
Jean Émard
« En passant le port du turban procure un avantage à celui qui le porte. »
Si tel est le cas, tous devraient porter le turban…
« Si tel est le cas, tous devraient porter le turban… »
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Je dirais plutôt que les enfants devraient porter un protecteur pour la tête. Le turban aide mais n’est certainement pas le meilleur protecteur de tête, on peut faire mieux.
Jean Émard
Ce point se tient…
« Un très laïque principe d’équivalence doit donc prévaloir au nom duquel une demande d’accommodement pour motif de conscience a la même importance si elle est faite au nom d’une foi religieuse que si elle est faite au nom d’une conviction d’une autre nature, disons, par exemple, humaniste ou philosophique. Si on est disposé à satisfaire cette demande pour un motif, nous devons aussi la satisfaire pour un autre. »
Je dois avouer être bien d’accord avec ce principe, mais trouver son application beaucoup plus difficile dans les cas où le motif de la demande d’accommodement est de nature « de conscience » plutôt que religieuse. Je ne connais pas la procédure légale (peut-être que tout ce que je raconterai ici est un faux problème) mais il me semble que pour déterminer si une demande d’accommodement de ce genre (religieuse ou de conscience) peut être faite, il faut minimalement que la personne ait authentiquement un problème de nature religieuse ou de conscience : il serait par exemple absurde que je demande de porter un kirpan alors que je n’ai pas de authentiquement de motifs religieux ou de conscience m’obligeant à le porter.
Dans les cas d’accommodement religieux, il est plus facile de déterminer si la personne a authentiquement un tel motif : on doit vérifier (1) si le groupe religieux duquel se réclame la personne existe vraiment, (2) si les pratiques de ce groupe incluent effectivement quelque chose justifiant la demande d’accommodement et (3) si la personne faisant la demande d’accommodement fait effectivement partie de ce groupe comme pratiquant. Dans le cas d’une objection de conscience, il n’existe pas nécessairement un tel référent (1) pour vérifier si la personne demandant l’accommodement a authentiquement un problème avec une règle justifiant une demande d’accommodement (bien sûr, je ne nie pas que dans plusieurs cas, il existe), ce qui rend la vérification de (2) beaucoup plus difficile, voire impossible. Sans cela, la vérification de (3) repose essentiellement sur la parole de la personne faisant la demande d’accommodement, plus possiblement la corroboration de proches. Si on veut préserver la nature exceptionnelle des accommodements, la démonstration de l’authenticité de la demande, dans ce cas, me semble devoir être beaucoup plus exigeante.
Je ne dis pas qu’il est impossible d’appliquer le principe; je dis simplement que son application dans des cas où la demande ne s’inscrit pas dans le cadre d’une pratique socialement établie dans un groupe (comme le sont la plupart des pratiques religieuses) me semble beaucoup plus fragile et ambigüe.
En prime : une vidéo (en anglais) de Brian Leiter : http://www.youtube.com/watch?v=wmy04mXQ6sU. Je viens tout juste de la commencer, mais à 1 min 09, il compare la demande d’accommodement permettant le port du kirpan à l’école par un jeune sikh avec celle, hypothétique, pouvant être faite par un jeune homme recevant le couteau transmis de père en fils depuis plusieurs générations dans le cadre d’un rituel de passage à l’âge adulte (l’exemple est tiré de son livre « Why Tolerate Religion »). Ça me semble être un bel exemple du problème dont je parle, non?
« jeunes sikhs qui sont privés de soccer »
Ce n’est pas tout à fait ça. Ce sont des parents qui forcent leurs enfants à porter un turban pour jouer au soccer. De plus, la CSA veut priver les joeurs de soccer québécois de leur droit de participer à des tournois pan-canadiens.
Mais dans l’ensemble, ce texte est très bien, comme d’habitude.
Il me semble que mes critiques ont raison: l’expression «privés de soccer» n’est pas des plus heureuses car elle ne décrit pas de manière, disons, neutre la situation. Mea culpa.
Tout de même, ce n’était qu’un constat et non pas un avis. Ce n’est donc pas un point majeur.
Cette situation ne concerne qu’une centaine de gamins à travers le Québec. Il me semble qu’on s’est enfargé dans les fleurs du tapis dans ce cas-ci. Il aurait pourtant été simple d’exiger qu’à partir d’un certain âge, les joueurs des ligues « élite » jouent nu-tête, et d’accepter le kepta (et non « turban » comme on l’a dit à tort) pour les plus jeunes et les joueurs des ligues récréatives. Ça n’aurait nui à personne et ça nous aurait épargné un énième psychodrame collectif (eh! qu’on aime ça, se gratter le bobo identitaire au Québec!)… D’ailleurs, je trouve qu’on n’applique pas suffisamment ce principe de nuisance dans les affaires d’accommodements raisonnables. La question qu’il faudrait se poser, c’est : est-ce qu’un privilège accordé à telle ou telle minorité, au nom de ses coutumes ou de ses croyances, est de nature à nuire à autrui ou au bon déroulement d’une activité? Dans le cas d’un couteau à l’école, la réponse me semble être évidemment oui et on n’aurait jamais dû accepter une telle chose. Dans le cas d’un kepta sur la tête d’un gamin qui joue au soccer pour s’amuser… où est le mal? Ça ne valait pas un tel cirque médiatique, en tout cas. Much ado about nothing…
Le recul du turban.
« à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, à Pékin, des athlètes sikhs de la délégation canadienne ont défilé avec des turbans… mais il n’y en avait aucun dans la délégation indienne ! »
http://www.lactualite.com/monde/le-turban-quel-turban/
Jean Émard
Bonjour Jean Émard.
Pourriez-vous m’expliquer la pertinence de ce commentaire? Est-ce que parce-que dans l’équipe olympique indienne il n’y a personne qui porte un turban cela est moins important pour ceux qui le portent? Est-ce que parce-que de moins en moins de Sikhs portent le turban, cela est moins important pour ceux qui le portent?
Ou voulez-vous suggérer un motif caché, un genre de complot multiculturaliste pour nous imposer à tous le port du turban?
« Ça n’aurait nui à personne et ça nous aurait épargné un énième psychodrame collectif (eh! qu’on aime ça, se gratter le bobo identitaire au Québec!)… » Pascale A. Cormier
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C’est moins une question identitaire qu’un acquiescement à une autre lubie religieuse.
Aussi bête qu’un autre qui demanderait de remettre une partie qui se joue un vendredi 13. :)
Jean Émard
Rappelons que le principe de la laïcité est un des fondements de la démocratie en cela qu’il assure la séparation de l’État et de l’Église. Rappelons aussi qu’il repose sur l’idée qu’aucune croyance ne devrait l’emporter sur l’autre et qu’à ce titre aucune ne devrait être officielle ou reconnue (neutralité de l’État). La laïcité renvoie la religion à la sphère privée et assure à tous les citoyens un espace commun ou tous sont traités sur le même pied sans considération pour leurs affinités personnelles.
Avez-vous lu l’article, Marie? La laïcité ne renvoit justement PAS la religion à la sphère privée.
J’ai bien lu le texte, merci à vous, et j’amenais ici un rappel de ce que le concept de laïcité est supposé représenter. Je notais simplement que selon le principe de laïcité, la religion relève de la sphère privée et ne peut de se fait être dictée par l’État. D’où la séparation des pouvoirs et le refus d’accorder à un culte une place plus prépondérante qu’un autre.
Le port d’un turban par quelques jeunes joueurs de soccer fragiliserait notre identité québécoise maintenant?
Eh ben…
Belles questions, M. Raymond-Robidoux. J’espère que l’on aura des raéactions de personnes qui peuvent placer cela juridiquement. L’exemple du couteau est bien dan le livre de Leiter.
Le fait de suspendre un crucifix dans une salle de classe est-il selon vous soumis au principe de la laïcité? Cela ne nuit à personne. Et pourquoi ne pas y ajouter une étoile de David et un croissant musulman?
Je n’ai pas d’avis sur la question, je creuse…
«Ironiquement, le danger de cette multiculturisation sermonneuse c’est qu’elle nous éloigne justement de la diversité qu’elle prêche.»
Non à la souveraineté multiculturaliste et de la laïcité « ouverte »de Québec solidaire, comme le NDP et Trudeau!!!!
La position de Québec solidaire pave ainsi la voie à la consolidation, au Québec, du multiculturalisme déjà bétonné par la constitution canadienne de Trudeau.
Ceci est la doctrine perverse du multiculturalisme et au rapport Bouchard-Taylor du NDP. « Les immigrants doivent rejoindre le tronc culturel commun. Le temps n’est pas à la conciliation, mais à l’intégration fraternelle. »
« À signaler que Charles Taylor et Daniel Weinstock, défenseurs du multiculturalisme et de la laïcité « ouverte » et opposés à une charte de la laïcité, ont appuyé cette demande d’un tribunal fondé sur la charia. »
Comment Québec Solitaire, qui est prêt à brimer le riche pour le bien de la collectivité, peut-il du même souffle refuser obstinément toute mesure courageuse pour défendre notre langue et notre identité ?
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Voyez combien c’est le monde à l’envers !
L’analphabète scientifique et philosophique est la règle…autrement, nous serions civilisés et vivrions dans de toutes autres sociétés. Pourtant, loin de satisfaire des convictions ou des constats scientifiques et philosophiques qui se justifient assez facilement, nous acceptons des demandes basées sur des croyances fondamentales, turban, couteau, hijab etc, qui ne se justifient autrement que par une foi aveugle. Car bien que toute religion englobe des aspects à la fois philosophique, métaphysique et théologique, les situations qui nous concernent n’apportent aucun arguments qui se tiennent en leur faveur, sinon que leur liberté de croyance, en privé alors qu’on empiète largement dans l’espace public.
Nous ne sommes pas sortis du bois à ce sujet…parce qu’il est alors question de nombres. Quand certains font 7 bébés pendant qu’on en fait 1.5, il y a forcément un impact qui se fait sentir…
Il me semble que le Maire Tremblay devrait relire le Nouveau Testament, plus particilèrement Matthieu, chapitre XXII, verset 21:
« Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. »
Je ne crois pas qu’il (Jésus) ne parlait que de l’impôt. (Et si c’était le cas, cela confirme alors la légitimité de l’impôt… mais c’est un autre débat!)
Nous recherchons l’idéal qui est la conscience humaniste et philosophique. La laïcité reviendrait-il à dire que la moralité la plus grande et la plus ouverte serait que chaque individu ait la capacité d’avoir un moi si bien développé qu’il puisse voir « plus grand », gérer la religiosité et les enfantillages des désirs de chacun (moi je veux mon symbole religieux)? Il faudrait alors que le maire Jean Tremblay grandisse et cesse de dépendre de la religion, mais qui sait, peut-être a-t-il plutôt le désir d’une certaine dominance sur une autre culture ou des autres en général ou bien simplement a-t-il peur de l’étranger.
Les anthropologues affirment que la chose la plus inquiétante dans un groupe relativement uniforme de primates est l’étranger, celui venu de l’extérieur. Ce serait dommage de réduire la région du Saguenay et du Lac Saint-Jean à une tribu de primates. On pourrait dire la même chose de celui qui porte un symbole religieux; il a peur et il tient à son groupe.
Le sport est une activité qui sert à défouler l’agressivité et l’administration municipale sert à régler les disparités de chacun par des règlements gérer par des gens qui tentent une sublimation du désir de dominance. Les deux seront-ils réconciliables ? J’en doute fort.
Ce n’est qu’une minorité d’individus qui recherchent cet idéal humaniste et philosophique en toute connaissance de cause.
Quant au besoin identitaire d’appartenance au groupe, personne n’y échappe; le problème n’est comme souvent pas dans le fond mais dans la forme.
La peur de l’étranger se manifeste non seulement au niveau individuel mais au niveau collectif. Ceci explique cela; voyons les relations internationales, il est alors facile de saisir l’ampleur de ce phénomène dans la compétition malsaine entre les états; les frontières, l’espionnage etc…
Comme si nous ne faisions pas tous et toutes partie de cette même grande famille humaine. C’est là l’ultime combat de l’humanité; qu’elle apprenne à vivre en harmonie avec elle même et son environnement…
À Radio-Canada, une enseignante sikhe donnait trois raisons pour le port du turban. La première: pour se reconnaître dans une foule, pour s’identifier. Ouch! Si au moins, elle avait dit que c’est pour couvrir les cheveux qu’un homme sikh ne peut pas couper. Elle y est venue plus tard. Que de superstitions dans toutes les religions, pour lesquelles on est prêt à sacrifier sa vie ou à ne pas jouer au soccer.
Je me suis acheté un fromage au lait de brebis. Je manque de vocabulaire pour traiter de sa saveur. Je sais par contre qu’elle repose en partie sur une prolifération de bactéries qui permet à une, plutôt qu’une autre, d’envahir le fromage et de l’amener à fleurir; un processus qui transforme la couleur, la saveur et la texture du fromage. Je sais que certains craignent ce processus, pour toutes sortes de raisons. Pour eux, des fromages aseptisés, moins savoureux et moins vivants, sont offert.
Cela dit, plus on me parle de laïcité, plus j’ai l’impression qu’on veut me servir du Petit Québec pour remplacer mon brebis, comme si on devait tout aseptiser pour éviter la prolifération bactérienne et s’assurer que la seule transformation possible soit une moisissure verte. Heureusement, l’idée, par vos deux suggestions, de laisser de côté les bactéries pour s’attaquer au milieu ou elles prolifèrent, ou disons de mettre au même niveau les croyances, religieuses ou non, en sachant que le neutralité restera toujours une question d’interprétation et de responsabilité, offre un autre alternative. Mais est-ce possible de mettre en branle cette laïcité dans une société aseptisée où on voit la laïcité comme un moyen pour préserver notre espace, nous qui n’osons pas l’occuper?
Il faut savoir que le fromage aseptisé peut profiter à l’éclosion de bactéries nocives. Encore là, mes connaissances ne me permettent pas de faire une analyse savante de la géopolitique mondiale, mais il me semble que l’actualité récente démontre que les sociétés laïques ne sont pas plus un succès que les autres. Parfois, on peut même goûter aux saveurs de conflits qui font émerger des forces de droite. Devant ces faits, je constate que la laïcité est une expérience sociale vouée à l’échec. Le serait-elle moins si elle reposait sur vos deux principes?
La réponse dépend de notre façon de vivre notre liberté, à savoir si nous voulons l’utiliser pour opérer une floraison de changements ou pour préserver les acquis de l’aseptisation. Que voulons-nous? Pendant que nous nous posons la question, imaginons des boulibalas, membres d’une religion fictive baptisée boulibaliste. Il y a dix ans, ils représentaient 10% de la population québécoise, assez nombreux pour contester l’interdit d’afficher publiquement un triangle rouge symbolisant leur divinité. Ils ont fini par accepter la loi laïque. Aujourd’hui, ils représente 17% de la population, des gens lettrés et éduqués, et affirment, avec des chiffres et des témoignage à l’appui, que la laïcisation a poussé des boulibalas vers la violence, le meurtre et le suicide à cause de cet interdit d’afficher l’image de Dieu (le triangle rouge), un geste nécessaire pour assurer la plénitude des boulibalas. Que faisons-nous?
Non seulement la neutralité n’existe pas, mais tenter de croire le contraire peut avoir des effets indésirables à long terme, car, que nous le voulions on non, la nature veut que le fromage fleurisse. Et comme nous sommes incapables de prendre notre place dans le Canada et qu’on ne réussi pas plus à le faire dans cet espace rétrécit qu’est le Québec, on opte pour l’aseptisation.
Vos deux principes sont assurément les bienvenus pour éviter le pire, sauf qu’ils ne peuvent coexister dans le Canada dont la philosophie est la Charte des droits et libertés. Que faire? Nous devons transformer notre milieu. Pour y arriver, il faut savoir ce que nous sommes et reconnaître que notre force est notre soutien collectif au nom d’une identité commune. Et à mon avis, cela ne peut se faire sans mesurer les acquis et les maux de notre passé catholique, un pas que nous semblons nous refuser, pas pour éviter le religieux, mais pour cacher le même saint réflexe de soumission, cette fois à l’économique et osons le dire, à un mondialiste qui a profité au Vatican. Une fois cette prise de conscience, il faudrait que nous expliquions notre identité aux boulibalas. Citerions-nous en exemple le dernier «Superman 3D» ou «Papa à la chasse aux lagopèdes» de Robert Morin, 50 Cents, Pink Floyd ou Cargo Culte et Jelly Fiche? À mon avis, lorsque nous sommes incapables de fleurir pour soi, il faut accepter de moisir pour l’autre. Devant ce constat, pourrir laïque c’est pourrir confortablement.
Très belle analogie Marc. De tous les commentaires déjà émis il ressort selon moi souvent que la question du nombre soit toujours importante. Une bactérie isolée inquiète rarement bien qu’elle puisse avoir des convictions religieuses ou personnelles très fortes ne pourra pas justifier une demande d’accommodement si raisonnable soit-elle. Il semble qu’une conviction pour être crédible doit jouir d’un appui considérable de personnes. C’est comme si on donnait plus de pois à cent personnes qui croient en une connerie tout à fait discutable qu’à une seule qui dispose d’arguments solides discréditant la dite bêtise.
Un problème ici, c’est que nos lois découlent du christianisme. D’emblée, les chrétiens jouissent d’un traitement préférenciel. L’idée de cette séparation entre l’État et le religieux est inscrite dans la bible. Dès qu’un État opte pour la laïcité en tant que mécanisme de gestion de la religion, il n’est pas neutre.
Vos suggestions sont intéressantes, toutefois voici une question : devrait-on faire assumer les coûts pour l’aménagement des escaliers ou des toilettes par les handicappés?
Vous avez un point fort intéressant au sujet des influences chrétiennes de nos démocraties et de tous ce qui entoure leurs institutions sociales.
Je note aussi que beaucoup des commentaires de l’article de M. Baillargeon font références au nombre en ce sens qu’une demande d’accommodement semble plus justifiable si elle est appuyée par un nombre considérables d’individus (provenant de groupe religieux reconnu).
Par contre votre suggestion de demandeur-payeur d’accommodement ne devrait en aucun cas s’appliquer aux handicapés qui ne sont pas responsables de leur état alors que le groupe revendicateur d’accommodement est lui responsable de ses croyances et/ou convictions religieuses.
J’espère que les principes que j’avance ne peuvent pas être interprétés pour signifier cela. Mais comme on ne parle pas ici d’invoquer la liberté de conscience pour demander un accommodement, je suis rassuré.
Notre drapeau fleurdelisé, symbole national, ne porte pas à la laïcité.
La majorité des Québécois, dans les sondages, sont contre la monarchie, en faveur de la laïcité et pour un Québec inclusif (Chaque personne qui vit au Québec serait un Québécois) mais, ils arborent le drapeau fleurdelisé, à croix blanche catholique et à fleurs de lys royales, Adopté par décret, en 1948, par l’Union nationale de M. Duplessis, il ignore tout ce qui n’est pas de souche française et chrétienne, incluant nos Premières nations.
Les fleurs de lys sont des symboles de la monarchie française déchue en France en 1793, quand les républicains français ont guillotiné leur roi, Louis XVI. Ils ont alors remplacé les 3 fleurs de lys de leur pavillon royal par leur drapeau républicain bleu, blanc et rouge actuel.
Les Québécois devraient bien profiter de sa prochaine fête nationale du 24 juin pour réfléchir à ce qui pourrait être changé sur son drapeau pour mieux refléter son américanité inclusive et laïque, ce qu’à fait le Canada en 1 956 quand il a adopté l’unifolié, une référence au Québec, qui produit 80 % de tout le sirop d’érable…au monde.