Il vous est peut-être déjà arrivé de déplorer l’immensité de la bêtise humaine et de souhaiter que vos contemporains soient moins stupides ou moins méchants.
Eh bien, il se trouve en ce moment, en science et en philosophie, des gens qui pensent que l’amélioration intellectuelle et l’amélioration morale de l’espèce, non seulement sont souhaitables, mais seront bientôt possibles. Certains avancent même l’idée qu’elles seront nécessaires.
Plus précisément, ces personnes pensent que des formes nouvelles et radicales d’amélioration biotechnologique des êtres humains seront sous peu de véritables et révolutionnaires possibilités et qu’il nous faut les saisir, la survie de l’espèce pouvant bien passer par là. Je m’attarderai ici au cas de l’amélioration morale de l’espèce.
L’argument commence en rappelant que l’évolution nous a fait moralement adaptés à un monde qui n’existe plus. Nous avons en effet longtemps vécu en petites bandes (de quelque 150 personnes, dit-on) sur des territoires restreints; et c’est dans ce contexte que nos dispositions morales ont été façonnées.
Nous sommes pour cette raison altruiste, mais notre altruisme décroît avec l’éloignement: nous coopérons, mais plus volontiers avec des proches, nous nous sentons personnellement responsables d’effets visibles que nous causons, mais très peu d’effets produits en groupe ou d’effets lointains. Et ainsi de suite.
Pour notre plus grand bien, mais aussi pour notre plus grand malheur, nous avons acquis, grâce à nos capacités intellectuelles, un extraordinaire pouvoir sur le monde, au point où nous pouvons désormais le détruire un nombre incalculable de fois. Nos nombreuses technologies deviennent toutes de plus en plus puissantes et ce phénomène, qui s’est accentué dramatiquement depuis un demi-siècle, nous permet de nous déplacer, de nous nourrir, de nous soigner, de nous renseigner et ainsi de suite, de plus en plus efficacement.
Hélas, nos capacités morales n’ont pas suivi et cela a des conséquences catastrophiques. Nous sommes en quelque sorte des chasseurs-cueilleurs des savanes plongés dans un monde de haute technologie qui produit des effets inédits, globaux, et qui ne concernent plus seulement le petit territoire où vivaient 150 personnes qui se connaissaient et se croisaient; et notre cerveau n’est pas adapté à cette nouvelle réalité.
Un exemple aidera à mieux comprendre.
Imaginez nos 150 personnes devant partager les produits de leurs chasses. La ressource est limitée et ils doivent donc coopérer. Pour cela, ils se surveillent mutuellement et s’assurent, ce qui est immédiatement visible, que personne ne prend plus que sa part ou ne prend de part sans partager ensuite à son tour, quand c’est lui qui tue une proie. Ils apprennent aussi à coopérer pour qu’une ressource commune rare (un pâturage, par exemple) soit utilisée de manière rationnelle, au bénéfice de tous et sans être épuisée — ce que les économistes appellent la tragédie des biens communs est ainsi résolue — et cet ensemble de dispositions et de normes morales est encore aujourd’hui inscrit en nous.
Pensons à présent à des phénomènes contemporains comme la pollution, la pauvreté à l’échelle planétaire ou le réchauffement climatique. Les mêmes problèmes, dont celui des biens communs, s’y posent. Mais les effets, cette fois, ne sont pas immédiats ou immédiatement observables; ils ne sont pas assignables à un individu, mais résultent d’innombrables actions qui ont pour la plupart des effets négligeables; ils sont globaux et affectent des milliards de personnes, inconnues les unes des autres.
Vous l’avez compris: certains concluent que nos normes et nos dispositions morales ne conviennent plus pour faire face à ce type de problème. Or, ajoutent-ils ensuite, on peut espérer que des biotechnologies pouvant procéder à une amélioration morale de l’espèce seront bientôt disponibles, et nous devrions y avoir recours. Certains ajoutent: à défaut de quoi, nous disparaîtrons.
Bien des questions se posent alors. Ces technologies sont-elles réellement possibles et prochaines? Le cas échéant, est-il judicieux d’y avoir recours?
On dit que ces technologies sont à portée de main. Je n’ai pas de compétence pour en dire plus, sinon qu’on a récemment fait grand cas de la découverte d’une hormone qu’on retrouve chez les mammifères et qui agit comme «neuromodulateur» dans le cerveau, un peptide (c.-à-d. un polymère d’acides aminés reliés entre eux par des liaisons covalentes) appelé ocytocine et qu’on a parfois présenté comme la «molécule de la morale», ce qui ressemble à de l’hyperbole.
Quoi qu’il en soit, advenant que soient trouvés ou développés des produits permettant de rendre les gens altruistes, capables de se préoccuper des effets à long terme de leurs actions, de penser à leurs effets sur des gens très éloignés d’eux dans l’espace et dans le temps (les générations futures), devrions-nous y avoir recours? Peut-on dire que nous le faisons déjà, quoiqu’à une échelle bien plus petite — avec le Ritalin ou des substances semblables, peut-être? Ces questions ont commencé à être discutées dans des ouvrages et des articles savants suscitent de vives controverses.
Qu’en dites-vous?
Question supplémentaire, juste pour jaser: et si jamais cette drogue d’amélioration morale était en quantité limitée, qui devrait la prendre en priorité?
Intéressé(e) par ce sujet? Vous aimerez sans doute: SAVULESCU, J. et PERSSON, I., Unfit for the Future: The Need for Moral Enhancement, Oxford University Press, Oxford, 2012.
Une éventuelle drogue d’amélioration morale?
Et qui devrait en prendre en premier ou en priorité?
Tâchons d’aborder la question de manière pratico-pratique. Rationnellement et surtout en faisant le maximum pour éviter d’empirer la situation en cherchant à l’améliorer. Procédons donc par le biais de tests supervisés par des professionnels. Ceux-là même qui auraient mis au point cette nouvelle drogue d’amélioration morale.
Des tests sur qui?
J’opterais pour des sujets indiscutablement immoraux et à répétition condamnés par des tribunaux pour des offenses ayant démontrées que ces sujets sont en grave manque de moralité. Mais sans obliger aucun de ces sujets à participer à ces tests. D’abord obtenir leur assentiment, après leur avoir clairement présenté tant les risques que les bénéfices possibles pour eux. Après tout, il serait hautement immoral – et très paradoxal dans le cas présent – de forcer qui que ce soit à devenir un cobaye pour la science…
Reste encore de très graves considérations. Comme de savoir qui devrait établir les critères de ce à quoi pourrait correspondre une morale améliorée. Ou comment pourra-t-on apprécier ladite amélioration si amélioration il appert y avoir suite aux tests. Et si le sujet moralement amélioré cesse de prendre sa dose de cette drogue nouvelle, combien de temps durera l’effet d’amélioration? Faudra-t-il alors une supervision perpétuelle, notamment pour les cas lourds? Comment cela pourra-t-il être géré efficacement et à quel coût collectif?
À mon avis, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Et même si la potion magique existait déjà, cela ne signifie aucunement que la suite des choses ne serait qu’une sinécure.
Bon billet, Monsieur Baillargeon.
Qu’on me permette un petit ajout – que j’estime pertinent – à cette «délicate» question de possible amélioration morale applicable à tout le monde.
Puisque de viser à «améliorer» tous azimuts suppose des efforts colossaux, sans négliger un parcours encombré d’embûches pour la plupart quasi-insurmontables, une alternative pourrait alors être préférablement envisagée. (Pour le cas hypothétique, bien sûr, où la potion magique existerait vraiment, qu’elle serait parfaitement à point, et surtout que celle-ci serait véritablement en mesure de produire les effets recherchés chez les sujets qui en prendraient une bonne rasade.)
L’idée m’est venue d’un proverbe chinois: «Il est plus facile de déplacer un fleuve que de changer son caractère».
Un proverbe que l’on pourra interpréter de diverses manières.
Ainsi, en prenant pour postulat une analogie voulant que chacun et chacune serait un fleuve, tenter de changer la nature-même de tous ces cours d’eau sans en oublier aucun relèverait de l’utopie. Mission impossible de ce côté.
Par contre, comme nous l’avons nous-mêmes déjà fait ici au Québec (pour nos grands barrages hydro-électriques), le déplacement de quelques fleuves seulement simplifierait grandement l’opération «amélioration morale». Concentrons-nous alors plutôt sur les fleuves nuisibles, ceux qui inondent continuellement le décor et rendent du coup la vie misérable à toute la population dans leur voisinage.
En rendant les nuisances contre-productives (pour ce qui du bien-être collectif) moins nuisibles, ce serait déjà un petit pas bienvenu de fait vers une certaine «amélioration morale» globale. Enfin peut-être…
(N’empêche que toute cette question est de loin beaucoup plus chimérique que le moindrement teintée de réalisme. Demain n’est pas la veille où ce monde changera pour le mieux. Hélas.)
Excellent texte. Devrions nous utiliser la technologie pour nous rendre meilleur? Je ne sais pas. D’après moi ce serait croire encore une fois que la technologie peut nous sauver des ravages causés par la technologie. C’est peut-être confondre la cure du mal avec sa cause.
Je commencerais par donner cette drogue à ceux qui croient que la technologie peut nous toujours sauver…
Ho! Ho! Comme vous vous lancer, améliorer l’espèce, un rêve vieux comme le monde. plusieurs s’y sont attelés avec plus on moins de succès, les juifs et les arabes avec les pratiques de piété, les anglais et les protestants avec un certains sens de l’autonomie, les catholique en essayant de définir très clairement le bien et le mal, les chinois la conformité, les indoues la diversité ,les russes une certaine vision de l’honneur, nos indiens le respect de la vie et de la nature, les québécois l’engagement, les américains le peuple nouveau, les français l’histoire et la tradition, les allemands et les hollandais la persévérance et un brin d’entêtement et on pourrait continuer comme ca longtemps, j’étais en train d’oublier les algériens au centre des hommes, des nomades et des sédentaires.
Les Allemands aussi ont essayé d’améliorer l’espèce avec les camps de la mort et la stérilisation.
Ça me rappelle étrangement le livre d’Aldous Huxley…
En effet, lorsque nous combinons neurosciences et biotechnologies, de nouvelles perspectives nous apparaissent désormais possibles.
Toutefois, rappelons d’abord que cet « élixir » de morale, de fait, que d’en parler suppose la prémisse selon laquelle l’homme ne saurait ou alors difficilement, apprendre de lui même à être moralement bon, ce qui nous ramène alors directement et encore une fois, à cette notion de nature humaine.
Je ne suis pas partisan de ces moyens externes, actuels ou hypothétiques, d’influencer le comportement disons le ainsi « naturel » de l’homme. Puisque nous savons bien que l’homme est un être par nature social, de culture, la première étape se situe, comme plusieurs le mentionnent, au niveau de l’éducation. Une éducation qui tiendrait compte des multiples facettes de la complexité de cette nature humaine, de ses niveaux d’organisation nombreux et de la capacité méconnue qu’a l’être humain de plonger en lui même afin de trouver la force nécessaire aux changements qui s’imposent.
En cela, sont utiles tous les savoirs « humains », des sciences actuelles, fondamentales, naturelles et humaines aux anciennes traditions, mythologies et spiritualités, qui toutes nous en apprennent sur ce que nous sommes et comment à travers l’histoire (qui est non linéaire), l’homme a tenté de comprendre sa propre destinée.
Pourraient être citées en exemple les théorie du développement de la personnalité mis en accord avec les principes de Maslows. Un simple regard permet facilement de constater à quel point nous agissons collectivement à l’envers de ce que nous savons.
Ne nous leurrons pas, ceux qui sont en position de pouvoir, pour le meilleur et pour le pire, ne font pas partie de la minorité pour qui l’état et la marche de l’humanité revêt une importance capitale et si tel est le cas, c’est uniquement dans le but de maintenir une échelle de dominance qui les as placé là où ils sont. Dans ce monde matérialiste athée de l’avoir et de la superficialité, où le pouvoir et la dominance sont intrinsèquement appris, vu et compris comme ce qui compte vraiment afin d’être remarqué…où les individus sont mis en compétition les uns avec les autres pour survivre, manger et avoir un toît, pas étonnant que nous assistions aux dérives que l’on connaît. Nous sommes surpris de l’intimidation et de la violence qui n’en finit plus alors qu’il n’y a là rien de surprenant, les individus, telles les sociétés, récoltent ce qu’ils sèment.
Tant que les ressources naturelles de cette planète ne seront pas établies comme patrimoine universel de l’humanité, qu’on abolira pas l’obligation de lutter pour survivre, nous encouragerons le maintien des classes sociales et des conséquences qu’elles impliquent.
Et si je devais répondre à la question deuxio, je répondrais que ceux en position de prendre des décisions qui font ce qu’est et devient la vie du plus grand nombre devraient être les premiers sur la liste d’un tel élixir.
Si un tel produit était mis au point, il faudrait en confier la garde et l’administration aux philosophes. Et encore: pas n’importe lesquels. On a des noms, ici! Autrement, elle deviendrait l’enjeu d’une formidable compétition à l’échelle planétaire. Pour la première fois dans l’histoire (!?), une guerre serait enfin conduite en vue du bien commun, chacun voulant faire bénéficier les autres des bienfaits d’une médecine dont il n’éprouverait pas le besoin, ayant déjà quant à soi atteint un niveau de moralité supérieur… comme les missionnaires catholiques, tiens, rompus aux subtilités d’une conception morale autrement plus évoluée que celles des bons sauvages dans leurs petites tribus de chasseurs cueilleurs. C’est l’été: je blague. Enfin presque.
Salut Chantal,
http://voir.ca/chroniques/prise-de-tete/2013/08/07/devoir-de-vacances-ameliorer-lespece/
Ma réponse à l’article de monsieur Baillargeon :
« Hormone de l’humeur : le libre arbitre, la conscience, la morale, le libre consentement éclairé, la politique et la démocratie! Ouf! Quelques idées en vrac!
La morale implique que nous ayons une conscience précise de ce qui est bien ou mal. Mais, la conscience des uns n’est pas nécessairement celle des autres. Chacun n’évolue pas dans un environnement uniforme et contrôlé. Les conditions de vie varient beaucoup à l’intérieur de différents groupes, différentes classes sociales, et ce, à l’intérieur d’un territoire ou d’un pays à l’autre. Les conditions vie modulent l’état de conscience chez chacun. Certains n’ont même pas l’éducation et le vocabulaire nécessaire pour considérer des notions de bien commun politiquement parlant. Lorsque le ventre fait mal à certaines personnes parce qu’on a de la difficulté à trouver un repas par jour, l’état de conscience s’inscrit dans l’immédiateté de la nécessité de trouver des moyens de survivre au quotidien, chaque heure, repoussant les idéaux et projections politiques dans une autre sphère, dans un autre monde.
Si on considère l’état du monde dans son ensemble, dans le cadre d’une vie donnée, la vaste majorité des gens sur notre Terre n’aura pas beaucoup de temps pour développer ou mettre à profit de manière soutenue une conscience politique large du bien commun. De la naissance à l’adolescence, on est assez près de nous même. Un peu plus tard, pour ceux ayant la chance de faire des études avancées, l’implication personnelle évacuera bien d’autres dimensions. Ensuite, pour plusieurs, viendra l’expérience du travail, la création d’une famille, d’autres dimensions demandant beaucoup de temps. On comprend rapidement dans le cadre d’une vie, pour plusieurs d’entre nous, que nous n’avons que quelques mois, quelques années tout au plus pour développer de manière plus précise cette conscience politique. Certains feront de la politique un métier, ceux-là seront confrontés à la très dure réalité de ce travail étant le nœud de toutes les visions, tensions endogènes et exogènes du monde, là où souvent des choix très difficiles sont à faire.
Pour construire un monde meilleur pour tous, il faudrait que la conscience de chacun soit imprégnée des notions de justice et d’équité sociale, il faudrait que chacun puisse voir un avantage à la coopération, il faudrait une grille commune d’analyse, une conscience globale uniformisée, qui reconnaîtrait ce système comme étant fondamentalement bon. Au niveau politique, pour que ça fonctionne de manière démocratique, il faudrait que chacun puisse y consentir librement, un consentement éclairé. Mais, l’état de conscience variant d’une personne à l’autre ne donnera pas le même éclairage nécessairement chez chacun. Dans tous les cas, un accès libre et large à une éducation historique et critique sera toujours essentiel à la poursuite de l’objectif d’un monde meilleur.
Dans un quelconque monde idéal, dans une démocratie participative au niveau politique, on retrouvera toujours des tensions à l’intérieur des différents groupes. Dans l’étude de la dynamique des petits groupes, on fait ressortir que le pouvoir s’exprime sur la base de deux variables : l’influence et le contrôle. À l’intérieur des groupes il se créer toujours des sous-groupes influents rattachés à différents leaders. Je pense qu’on n’y échappe pas. Le pouvoir de changer certaines choses s’organise à la fois au niveau individuel, au niveau des petits groupes et au niveau politique plus large. Plus la base est large, plus il me semble évident, voir impossible d’obtenir un consensus pouvant satisfaire et rallier chacun, étant donnée des états de conscience et des besoins pouvant être assez différents d’une personne à l’autre. — En l’absence d’une bonne volonté socialement éclairée (le libre consentement éclairé), le domaine politique légifère, développe des lois encadrant et régissant les rapports sociaux. La législation s’entoure d’organes de pouvoir dans le but d’assurer le respect des lois.
J’ai déjà lu quelque part au niveau du paradoxe des systèmes que tout système poussé à son extrême limite tend à produire l’effet contraire de ce à quoi il était destiné au départ. Suivant cette logique, si quelqu’un prétendait pouvoir assurer la liberté totale à tous, il se rendrait rapidement compte que ça ne fonctionne pas en contexte politique ; et on cèderait probablement tôt ou tard à la tentation de mettre en place des procédés coercitifs et répressifs forcés par des organes de pouvoir (les lois), pour assurer ladite liberté. La coercition poussée à son extrême limite mène tout droit au néo-fascisme autoritaire, tout le contraire de la liberté.
En fin, un médicament ou une hormone pour réguler l’humeur, pouvant agir sur l’état de conscience, qui nous rendrait fondamentalement bons, moins agressifs, plus altruistes, plus obéissants, là, si on désire un produit de consommation de masse, cela me semble relever du rêve chez certains de créer une race supérieure. Ici, je ne peux m’empêcher de penser à la race arienne qu’Hitler souhaitait, mais une telle démarche mène à l’ostracisme par définition ; à l’extrême limite, selon le paradoxe des systèmes, on aboutira à l’eugénisme ! On revient à une grande question souvent posée : qu’est-ce que la normalité? D’autres questions peuvent être aussi posées : qui fait la promotion de ces hormones et dans quel but véritablement?
Par ailleurs, on sait que l’armée américaine travaille à créer un petit comprimé de l’oubli, dans le but d’aider plusieurs miliaires à mieux se remettre des chocs psychologiques associés à la guerre. Certes, ce qu’on oubli sort de la conscience immédiate, ne nourrit pas la dissonance cognitive ni le remord…et surtout diminue les chances qu’une conscience aigüe et meurtrie ne questionne pas le régime en place, les ordres et les actions posées au champ de bataille ; tant qu’à y être, autant avoir un parfait petit robot.
La psychiatrie utilise déjà depuis longtemps des anti anxiolytiques. Les bons psychiatres traitent à la fois la chimie du cerveau et les émotions, ils sont à la fois psychologues et psychiatres. Un psychologue aide une personne à rétablir ses émotions et un dialogue intérieur, il aide la personne à trouver ses propres réponses.
À mon sens, un monde meilleur passe par la capacité de chacun à mieux décoder ses propres émotions et les exprimer, cela inclut la possibilité de gérer et accepter le doute, l’agressivité, la colère, les pleurs et les rires. Nous sommes tous des êtres anxieux à divers degrés, et chacun essaie de diverses manières plus ou moins conscientes à canaliser cette anxiété. L’anxiété lorsqu’elle devient trop grande peut pousser aux pires excès et mener à des déséquilibres pouvant ruiner certaines vies. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et les maladies bipolaires (maniaco-dépression) peuvent se rattacher à l’anxiété existentielle. À ma connaissance, aucune potion magique ne pourra réguler et uniformiser l’activité cérébrale chez tous les gens, au point de créer un monde meilleur.
En fin, cette histoire d’hormone, vous l’aurez compris, me semble être un territoire très dangereux, particulièrement s’il se retrouve dans les mains de gens manipulateurs occupant des postes clés en politique et au niveau militaire. Précisément ici, on doit rester très prudent.
Et…on n’a pas encore parlé des spécialistes du marketing dans le domaine pharmaceutique inventant parfois des néologismes dans le but de vendre des médicaments ne correspondant à aucune maladie connue…et on trouve des gens pour acheter ces produits. L’anxiété, ça fait vendre, ils les savent très bien, les spécialistes du marketing sont particulièrement habiles dans ces domaines à créer la dissonance cognitive chez les gens fragiles : on déstabilise et ensuite on propose un modèle ; l’industrie de la mode, du cosmétique et des programmes amincissants sait parfaitement exploiter ce processus en deux temps. Les campagnes de marketing basées sur 11 à 13 semaines sont moulées sur les techniques de lessivage de cerveau utilisées par les Russes dans les années 1940. On épuise les processus intellectuels et ensuite on remodèle par la force de la répétition du message. C’est un procédé bien connu de saturation.
———
Et, avez vous déjà entendu parler du livre, dont il me faudrait retrouver la source, où on mentionnait qu’un village de 3000 personnes était paisible et en santé, jusqu’au jour où un médecin s’y est installé. Quelque temps après l’arrivée du médecin, le village était malade. C’est un peu une situation de l’absurde, mais qui permet de comprendre que personne n’est vraiment imperméable aux influences extérieures. Qu’est-ce qu’une santé normale? :):):)
La morale apriori, je ne pense pas que ça existe à un niveau large de conscience, l’éducation soutenue peut grandement aider dans ce sens, et c’est constamment à refaire ; chaque nouveau-né créer en soi un monde intérieur à reconstruire, lequel ne peut pas être une copie conforme de son voisin, jamais, car les variables sont trop nombreuses en ce qui a trait aux diverses influences qui forgeront l’esprit et le caractère.
Faire la paix avec la morale n’est pas une question simple!
———
En tout cas, monsieur Baillargeon, vous avez le don de faire travailler nos neurones et nous faire réfléchir. Merci beaucoup pour votre livre : “Petit cours d’autodéfense intellectuelle”. »
A+
Pierre
Oup! Message précédent valide, mais j’avais oublié d’enlever le nom du destinataire, car j’avais fait quelques ajouts à un courriel que j’ai recopié intégralement ici. Désolé! :)
En passant, dans les petits groupes de 150 personnes, les petites tribus, les rapports d’interdépendance pour la survie du groupe étaient probablement si essentiels qu’on n’avait pas le choix de se rallier rapidement aux valeurs ou codes moraux du groupe, car la survie n’était jamais assurée sur le long terme. Le groupe devait donc fonctionner rapidement et assez harmonieusement.
Difficile de savoir, nous n’y étions pas!? Il faudrait aller faire des études dans les contrées reculées de petits groupes aborigènes isolés, pour observer plus finement comment les rapports sont régis. Je suis convaincu que c’est déjà assez bien documenté par certains anthropologues.
Voilà! C’est tout!
Ocytocine, abréviation OC, c’est une hormone naturelle chez la femme, naturellement utile aux contractions quand elle accouche.
Vous parlez d’amélioration morale de l’espèce, ça n’a pas grand chose à voir là-dedans.
D’un point de vue anthropologique, nous vivons une crise très importante.
Le politique, l’économique voudraient bien que tout continue comme avant, à l’avantage de ceux qui profitent déjà de ce système, mais je ne pense pas que cette crise va dans le même sens que ceux qui voudraient que ça reste comme avant.
Nous ne sommes pas des êtres essentiellement fait de raison. S’il y aune chose qui prime chez l’être humain, ce sont les émotions qui nous empêchent de voir quand ça ne fait pas notre affaire.
Attention à ces formules trop faciles, certains pourraient s’en servir pour continuer que la tourne encore dans le même sens qu’avant, au détriment de tous.
Dans une certaine mesure, nos élites voient les choses, notamment pour la question de la productivité, comme si nous étions encore au stade de la colonisation des continents.
JM
« Attention à ces formules trop faciles, certains pourraient s’en servir pour continuer que la tourne encore dans le même sens qu’avant, au détriment de tous. »
On aura compris: que la terre tourne…
Et ça me fait penser au prolifique Marc Favreau Alias Sol qui disait:
«C’est pour dire par exemple, que… la Terre, c’est comme une pomme: elle est ronde, la Terre. Sauf qu’elle, elle a pas de queue; c’est pas grave, ça, sauf qu’on peut jamais savoir quand elle est contente. Donc elle tourne, mais le monde lui, il tourne pas, il tourne pas rond. Le monde, ils restent à la même place, donc il y en a qui ont le dessus, c’est les États munis. Les autres, ils ont la tête en bas; mais ils restent là quand même parce qu’ils sont fiers, ça c’est le fier-monde».
Tout à fait Simon. J’espère que je me suis bien exprimé? C’est un peu ce que je voulais dire. Les solutions trop faciles, c’est bon pour ceux qui veulent que la terre ne tourne pas rond, au détriment des autres.
Je suis allé trop vite. Lire Petite poucette, de Michel Serres. Il parle de ces périodes de crise. C’est un livre qui se voudrait une «collaboration entre générations».
Vous vous exprimez très bien M. Morissette, vous êtes parmi rares individus, ici, et ailleurs, que j’aprécie toujours lire.
Mon but n’était bien entendu pas de vous reprendre sur une faute de frappe mais bien d’indiquer que ce sont vos mots qui m’ont fait penser à ceux de Favreau…
Et si, cette fois, je reprends vos mots, je dirais que « ceux », ne veulent pas tant que le monde ne tourne pas rond que tout faire pour garder leurs « positions » de dominance…
Car ce qu’on remarque, c’est que, comme le disait Oscar Wilde: chacun fait le bien, tel qu’il le comprend. Nous nageons dans une mer en constante agitation, remplie d’incompréhensions et de conditionnements qui se renforcent les unes et les autres et causent la plupart de nos maux. Et c’est bien là le « malheur » pour ceux qui « voient », que de vivre avec cette vision…parce qu’en dehors de cercles restreints, à prêcher aux convertis, vous êtes un arroguant qui se prend pour un autre, et on a tôt fait de vous éliminer du portrait, d’une façon ou d’une autre…
L’arrogant dont vous parlez M. Ouellet est flatté et se demandait quoi répondre à des gens censés être des adultes. Ces gens qui qualifient l’autre d’arrogant, un signe de paresse intellectuelle, une manière de couper les ponts entre l’arrogant et eux et s’empêcher de réfléchir à ce qui se dit. Je comprends quand même que réfléchir n’est pas un besoin universel.
Mille excuses M. Baillargeon de prendre l’espace à titre personnel.
Oups, il y a imbroglio…pourtant, mes bons mots à votre égard me semblent clairs…
J’ai dû mal m’exprimer. Celui qui se fait traiter d’arroguant, de trop sérieux, d’intellectuel, c’est celui qui se questionne, qui réfléchit, qui va au delà du superficiel, le philosophe, qui tente d’aborder les questions d’importance mais qui n’intéressent qu’une minorité.
Désolé
Je n’ai pas d’études à citer (je sais qu’il y en a au moins une que j’ai croisée il y a un bout de temps) mais je peux vous assurer que le sens « moral » se définit et s’applique de bien différentes façons chez les hommes et les femmes. Peut-être qu’en tentant d’établir un équilibre entre les deux pourrait-on parvenir à une amélioration de l’espèce. Ou sommes-nous tous à la merci d’un « pouvoir » quand on y accède, et que c’est lui qui mène et qui détermine les règles, qu’on soit homme ou femme? Un pouvoir déterminé souvent par des caractéristiques extérieurs à l’individu, argent, position sociale, possession matérielle, etc….À ce chapitre ne vivons-nous pas dans une société ou certains ont trop de pouvoir et d’autres pas assez? Comment peut-on améliorer l’espèce quand il y a tant d’injustice entre les individus, et même entre les sexes? Actuellement et concrètement, à mon avis, et comme pour toutes les autres espèces il n’y a que par les gènes qu’on peut améliorer quoi que ce soit mais ça ça fait peur parce que bien souvent ce ne seront pas des préoccupations altruistes mais bien plutôt égocentriques de ceux qui détiendront le pouvoir qui motiveront les « bons » choix.
Surtout Mme Blaquière, question pouvoir, ce n’est pas comme dans la nature. Ce ne sont pas nécessairement les plus forts qui ont le pouvoir. Ce sont souvent des héritiers qui en disposent et, surtout, ils n’ont pas obligatoirement l’étoffe pour s’en servir à bon escient.
Ce qui est intéressant dans la « nature » c’est qu’on ne parle pas de pouvoir mais de dominance. L’amélioration et/ou l’adaptation de l’espèce se fait « naturellement ». Chez l’Homme, ne procréent que ceux qui en ont bien souvent les moyens et les bons gènes ne sont pas nécessairement au rendez-vous…. mais avec la manipulation génétique on va peut-être pouvoir reproduire l’esprit des « génies » de cette rubrique ;). On y est presque. Peut-être qu’en attendant on pourrait s’intéresser à l’effet de certains produits sur nos gènes comme l’ocytocine par exemple ou essayer de découvrir chez certains individus particulièrement bien adaptés à leur milieu, les caractéristiques biochimiques qui les différencient des autres et essayer de recouper les similitudes provenant de différents milieux pour découvrir l’être le plus évolué et s’en servir comme modèle. Je me demande si on va pouvoir encore s’appeler « humain » dans ce temps là et si on va encore avoir besoin des « philosophes »! Je crois qu’il n’y a que la Nature qui peut améliorer l’espèce parce qu’elle peut voir à l’équilibre de tous les êtres vivants en même temps, c’est quand l’Homme essaie de faire pareil que les déséquilibres s’installent. Et malgré les mouvements écologiques tant qu’il y aura la destruction massive de la vie humaine à des fins économiques, l’espèce humaine ne va pas beaucoup s’améliorer.
… à des fins économiques et pour tenir compte de certains autres points de vue, à des fins idéologiques (génocides)…..
(reprise de ma réponse sur facebook)
C’est une vraie partie de pêche, ce devoir-là, Normand Baillargeon, mais ça fait tellement causer que tout ce brouhaha va faire peur aux gros poissons qu’on aimerait bien attraper en supplémentaire :)) Quoique la réponse d’Olivier Dupuis*** offre un bel appât en forme d’Ourobouros qui nous la boucle tout de bon. :)
Ah! l’ocytocine… J’ai fantasmé déjà à la voir aspergée en Israël/Palestine. Ben, j’suis pas sûre que ça ferait l’affaire des fabricants d’armes et consorts, han? Et puis, il y en aurait sûrement à se battre afin que seul l’un des deux le soit. Mais je pense qu’il faudrait du même coup asperger les US, pis notre StephenQueen. Bon, moi je suis trop insignifiante, je laisse le G-20 décider de tout. #ArfArf
Sinon, euh… Faudrait plus que des observations pour savoir ce qui fait que quelqu’un est altruiste ou pas. Ce qui n’apparaît vraisemblablement pas jusqu’ici en science et en philosophie, selon ce que vous avez évoqué?
Perso, je suis plutôt avec Antonin Artaud : « La vie elle-même n’est pas une solution, la vie n’a aucune espèce d’existence choisie, consentie, déterminée. Elle n’est qu’une série d’appétits et de forces adverses, de petites contradictions qui aboutissent ou avortent suivant les circonstances d’un hasard odieux. Le mal est disposé inégalement dans chaque homme, comme le génie, comme la folie.
Le bien comme le mal sont le produit des circonstances et d’un levain plus ou moins agissant. »
En fait de levain agissant, pour une bonne fournée, pratiquer la justice et avoir le respect de l’intégrité de chacunE me paraîtraient parmi les meilleurs ingrédients.
Pis là, du coup, j’ai grosse faim. Mais pas pour n’importe quel poisson ni pain. Ciao! ;-)
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***La réponse d’Olivier: Pour répondre d’abord à votre question supplémentaire, je dirais que ce sont les développeurs de la dite drogue qui devraient d’abord y avoir recours. Avec leur sagesse nouvellement acquise, ils pourraient répondre à votre première question, à savoir s’il est moralement acceptable de la commercialiser.
Je ne vois pas l’ocytocine peut être appelé une drogue. C’est plutôt un médicament. Ensuite, si je ne suis pas disposé à en prendre chaque matin, ou à toute autre fréquence, ce qui est le cas, c’est que je ne crois pas au médicament miracle. Le chasseur-cueilleur qui a développé des instincts moraux, est aussi un pollueur-destructeur de son environnement. Quand nous sommes cent-cinquante à vivre dans un petit village, on ne voit pas apparaître un nuage de smog au dessus de nos têtes. Quand nous somme un million, il y en a un. Quelle formule est la meilleure? Aucune. Les deux agglomérations ont, à bien des égards, un effet identique sur leur environnement, toute proportion gardée.
Je pense que c’est le nombre d’individus qui est en cause, pas leur regroupement dans des structures urbaines plus ou moins complexes. Et puisque je ne suis pas disposé à avaler le bonbon miracle (il en va de même de beaucoup de gens), puisqu’on ne peut pas me forcer à en prendre (qui aurait l’autorité morale de le faire?), puisque les individus continuent de se multiplier (ils auront beau de se repartir différemment sur la planète, l’effet sera le même), je me résigne à croire que la solution est différente.
Technologiquement, il est plus facile d’accroître la nourriture que d’accroître la conscience!
Déjà que l’on joue à l’apprenti sorcier…
Reçu ce matin dans mes courriels. Anonymous frappe encore mais plus rien ne m’étonne. D’autres avaient déjà réfléchi sur le sujet. http://youtu.be/ZmOuV-6NRWQ
Je me demande cependant à « quoi » pouvait bien penser Antonin Artaud tel que cité dans le commentaire précédent. Sur la forme je suis assez d’accord avec ces propos sauf que le bien et le mal ne peuvent pas être le produit de circonstances puisqu’à priori on leur donne une définition qui créent les circonstances dans lesquelles ils sont produits. J’ai donné de mes cellules « musculaires » pour améliorer la condition d’un autre et à la blague j’ai dit au chercheur qu’il serait peut-être mieux de prendre celle d’un athlète accompli!!! L’amélioration de l’espèce est toujours possible, ce sont les objectifs visés par ceux qui la soutiennent qui devrait faire sérieusement l’objet d’une réflexion collective. D’autres ne se donneront pas autant de peine. Désolée, je ne savais pas qu’il s’agissait d’une partie de pêche, moi c’est un sujet que je trouve très intéressant.
Julie, je pense mal saisir ce qui vous pose problème à propos d’Artaud.Ou peut-être croyez-vous les circonstances produisant le bien/mal chez [en] l’homme les mêmes que celles où il agirait bien/mal ? Parlant ensuite de produit des circonstances et de levain me semble confirmer la distinction.
Quant à l’analogie avec une partie de pêche, elle ne comportait rien de dénigrant, bien au contraire! C’est la question supplémentaire qui transformait cette, somme toute, sinistre perspective en sujet d’amusement.
« Comme de savoir qui devrait établir les critères de ce à quoi pourrait correspondre une morale améliorée. ».
-Déjà la notion de critères établit notre type de morale. La morale étant un mot pour désigner comment nous allons sacrifier notre agneau ou bien la différence entre la porno et l’érotisme dépend seulement du montant qu’on y a investit.
L’idée m’est venue d’un proverbe chinois: «Il est plus facile de déplacer un fleuve que de changer son caractère».
-l’inconscient (le fleuve) triomphe toujours.
denis paquette devrait écrire plus souvent. Intéressant.
Voir les fims Equilibrium et Orange Mécanique.
Orange mécanique.
Intéressant mais je trouve à redire.
Il me semble qu’il faut poser la question sous l’angle de la chimie interne de l’être humain, et celle, externe, de l’univers, et de l’action ou des possibilités d’action de celle-ci sur celle-là. Comme notre chimie s’est formée à partir de la chimie de la nature, il faut bien reconnaître que la distinction peut apparaître spécieuse mais elle ne l’est pas simplement parce que l’être humain se perçoit distinct. Je pense donc je suis…distinct.
Au début l’interaction entre les deux chimies était fort limitée : on ingurgitait des produits de la nature, pour constituer et maintenir le système humain et lui fournir de l’énergie, et on rejetait des produits que la nature réintégrait parfaitement.
Mais présentement on maîtrise grandement les leviers de la chimie externe, et on n’hésite pas à les manipuler : on fabrique des produits qui guérissent, modifient le fonctionnement du cerveau, multiplient la puissance physique, intellectuelle etc. Même l’action sur le moral est possible : valium, vin amoureux ou fraternel etc.
Ce que je veux établir c’est qu’il n’y a rien de nouveau dans ce que M. Baillargeon soulève. Il y longtemps que l’action de la chimie externe est admise en nous, sur les plans physique, intellectuel et moral. Il existe bien quelques règles (ordonnances etc.) et interdits (EPO, LSD etc.) mais le phénomène est fort courant, et nul doute qu’il ira en s’accentuant. Dans une perspective de siècles et de millénaires peut-on stopper le développement des connaissances sur la chimie de l’univers ? La réponse est bien évidemment non, pour le meilleur et pour le pire.
Comment régler alors l’action de la chimie externe sur l’interne, au vu de la multiplication des possibilités ? Il me semble que présentement le principe selon lequel on règle cette action est fondé sur le concept de normalité. L’état normal. On veut des athlètes dans l’état chimique plus ou moins normal. Par contre on créera chez un patient un état chimique très anormal pour restaure un état physique normal.
Je sais pas si c’est ce concept de normalité tiendrait après une réflexion plus profonde mais il semble s’imposer d’emblée.
L’arrivée d’autres produits chimiques qui modifient le comportement pose-t-il problème ? Je ne le pense pas. Les gens ne prennent pas de produits pour se transformer mais pour atteindre une jouissance ou un plaisir, ou éliminer un mal, de vivre ou autre. Il y a plein de tels produits disponibles actuellement et la société possède les moyens de régulariser les flux.
Les seuls cas d’administration obligatoire de produits que je peux imaginer seraient dans l’appareil de justice, si même il y en a, je ne sais pas. En tout cas, le système judiciaire est bien équipé et possède la prudence nécessaire pour incorporer ces nouvelles possibilités.
Au fait, est-il mieux de lobotomiser un condamné par la chimie
et d’en faire un doux et souriant consommateur, que de le mettre en prison ?
On s’informera de ça chez Loblaw’s ou auprès des gardiens de prison. Entre temps on dort sur nos deux oreilles.
Ma question est, ne serait-il pas plus simple et éthique de réorganiser l’urbanisation en petites communautés afin d’encourager le sens de la responsabilité et l’altruisme?
Un »médicament » accentuant l’altruisme, serait fabriqué par qui? Quelle compagnie aurait assez d’éthique pour que la population soit certaine de ses effets, de la qualité et surtout l’assurance que ce soit bel et bien seulement l’ocytocine? Qui aurait la charge et la compétence pour décider qui doit le prendre? Comment passer au peigne fin la population pour savoir qui doit le prendre? Qui serait franc dans ses réponses et qui mentirait? Je ne vois pas tellement l’oligarchie d’aujourd’hui prendre ce type de »médicament » volontairement malgré ma vision que ce serait eux qui devraient en prendre les premiers.
Je crois qu’un encouragement à la vie communautaire serait plus simple, même si présentement, j’ai de la difficulté à en voir l’avènement prochain…
J’ai remarqué qu’avec les technologies nouvelles, plusieurs ont réussit a former des petites communautés de partage, partage d’informations, partage de semences, partage de connaissances, etc.
Les peuples sortent présentement de leurs mutismes individuels, ensemble, dans la rue, contre ceux qui manquent d’esprit communautaire et d’altruisme. N’est-ce pas un signe que l’humanité n’est pas si individualiste et égoïste que l’on veut bien nous le faire croire?
D’une éternelle optimiste.
Mélanie
M. Baillargeon. Il existe déjà une drogue extrêmement puissante censée développer l’altruisme chez ceux qui la consomment, et cela depuis des milliers d’années. Ça s’appelle la religion. Le moins que l’on puisse dire est que les résultats, jusqu’à présent, n’ont pas été des plus convaincants.
Je plaisante, bien sûr. Admettons maintenant qu’il soit possible, comme vous le supposez, de rendre les gens altruistes et capables de se préoccuper des effets à long terme de leurs actions sur les générations futures. Personnellement, cette supposition me paraît relever non de la science mais plutôt du scientisme, voire d’un certain technoprophétisme à saveur eschatologique. Mais enfin, admettons pour un instant que cela soit vrai. Quels effets pourrions-nous en attendre? Ne serait-ce pas merveilleux? Oui, sans doute, à condition de ne pas tenir compte des possibles effets pervers. Or ces derniers peuvent s’avérer redoutables si l’on en croit Jean-Paul Azam, professeur à l’Université de Toulouse. En effet, selon lui, les attentats suicides peuvent s’interpréter comme un investissement intergénérationnel à motivation altruiste. En termes économiques, le terroriste se livrerait à une forme extrême d’épargne en espérant que le sacrifice intégral de sa propre consommation présente débouchera sur un avenir meilleur pour les siens. En acceptant cette hypothèse, il devient possible de comprendre pourquoi la propension à commettre ce type d’attentat augmente avec le revenu – et avec l’éducation, qui accroît la conscience d’autrui et donc l’altruisme. Pour citer plus précisément l’auteur :
«(…) educated people have a stronger concern for the welfare of the future generations. This stronger altruistic feeling leads them to engage more decisively in terrorist activities, described as a means for increasing the probability of the next generation benefiting from some public good like freedom or national independence. Then, an equilibrium may prevail where the most educated people, i.e. those who care the most for the next generation, will systematically engage in suicide bombing in the hope that this will enhance the chances of the next generation getting the public good.» (Jean-Paul Azam, «How to Curb ‘High Quality’ Terrorism?», IDEI Working Paper, n°418, oct. 2006, http://idei.fr/doc/wp/2006/terrorism.pdf).
Vous trouverez plus de détails sur cette interprétation et sur ses bases empiriques dans un autre article d’Azam, «Suicide-bombing as inter-generational investment», Public Choice 122, 1/2 (Jan. 2005), 177-198 : «(…) potential bombers who are more altruistic towards the future generation will invest more in bombing than the others, and are more likely to become suicide bombers. (…) the most altruistic agents towards their descendants are supplying more bombing effort than the others. In many cases, they choose suicide bombing while the others are either supplying a lower level of bombing, or not performing any bombing at all. (…) The model shows that more altruistic people spend more of their resources for performing terrorist attacks, and are in particular more involved in suicide bombing.» (http://neeo.univ-tlse1.fr/1629/1/suicide_bombing.pdf).
Dans son petit livre de synthèse Suicide Bombings (London & New York : Routledge, 2001), Riaz Hassan abonde dans le même sens en s’appuyant notamment sur les travaux du politologue Robert A. Pape (Dying to Win: The Strategic Logic of Suicide Terrorism) : «Pape concludes: ‘Overall, egoistic and anomic motives are insufficient to account for the individual logic of suicide terrorism. Altruistic motives, either alone or in conjunction with others, likely play an important role.’ (…) Martyrs’ videos and other last testaments often claim that the suicide attack was motivated by altruism. (…) Under conditions of massive disruption in society, altruism and altruistic motives can be cultivated to garner support for suicide bombing. (…) In short, altruistic motives are significant in explaining the moral logic of suicide missions. (…) Through their political and social activities, these [terrorist] organizations create altruistic conditions and opportunities for their members to volunteer to sacrifice for the community if they wish to do so.» (p. 57-58, 62). Et l’auteur de poursuivre : «A recent study of Hezbollah suicide bombers shows that incidents of suicide attacks increase with current income and with the degree of altruism towards the next generation. The data also demonstrate that Hezbollah suicide bombers come from above-averagely wealthy families, and have an above-average level of education. (…) Education affects deeply one’s view of the world, enhancing one’s sensitivity to the future, thus making educated people more sensitive to the fate of future generations. Altruism is also not antithetical to aggression. In war, soldiers perform altruistic actions by risking their lives for their comrades and country, also killing the enemy.» (p. 93-94 – http://fr.scribd.com/doc/128483343/Suicide-Bombing-Riaz-Hassan).).
Eli Berman, de l’Université de Californie, confirme l’hypothèse dans son livre Radical, Religious, and Violent: The New Economics of Terrorism : «Professor Berman says that some of the most effective and resilient groups with terrorist links are in some ways economic clubs, run by ‘radical altruists.’ He puts Hamas, Hezbollah and the Taliban in this category. Some of these militant soldiers of Islam may sometimes commit atrocities. But Professor Berman contends that they genuinely want to help their members. They raise money from foreign governments – or, in the case of the Taliban, by selling opium – and provide social services and jobs to adherents. The author notes that in South Lebanon, Hezbollah operates two private hospitals and a number of schools. It collects garbage, provides water and even manages an electricity grid. He says the Taliban operate 13 ‘guerilla law courts’ in Afghanistan where locals can have disputes resolved.» (http://www.nytimes.com/2010/02/07/business/07shelf.html?_r=0).
Par conséquent, si l’on tient vraiment à rendre les gens altruistes, la combinaison gagnante pourrait bien être celle-ci : 1) un revenu enviable; 2) un niveau élevé de scolarisation; 3) une certaine lecture orientée du Coran. Bingo! Ce qui nous laisse avec cette question : donneriez-vous de l’ocytocine aux militants du Hezbollah ou d’Al-Qaïda, ou encore aux Talibans? Moi pas.
Je vous propose en conclusion cette réflexion d’Éric-Emmanuel Schmitt dans son beau roman La Part de l’autre : «Je crois qu’il existe deux sortes de monstres sur cette terre : ceux qui ne pensent qu’à eux, ceux qui ne pensent qu’aux autres. Autrement dit, les salauds égoïstes et les salauds altruistes. Les salauds altruistes provoquent des ravages supérieurs car rien ne les arrête, ni le plaisir, ni la satiété, ni l’argent ni la gloire. Pourquoi? Parce que les salauds altruistes ne pensent qu’aux autres, ils dépassent le cadre de la malfaisance privée, ils font de grandes carrières publiques. Mussolini, Franco ou Staline se sentent investis d’une mission, ils n’agissent à leurs yeux que pour le bien commun, ils sont persuadés de bien faire en supprimant les libertés, en emprisonnant les opposants, voire en les fusillant. Ils ne voient plus la part de l’autre. Ils essuient leurs mains pleines de sang dans le chiffon de leur idéal, ils maintiennent leur regard fixé sur l’horizon de l’avenir, incapables de voir les hommes à hauteur d’homme, ils annoncent à leurs sujets des temps meilleurs en leur faisant vivre le pire. Et rien, rien jamais ne les contredira. Car ils ont raison à l’avance. Ils savent. Ce ne sont pas leurs idées qui tuent, mais le rapport qu’ils entretiennent avec leurs idées : la certitude. (…) Les salauds altruistes qui se dotent d’une doctrine, d’un système d’explication ou d’une foi en eux-mêmes peuvent emporter l’humanité très loin dans leur fureur de pureté. Qui veut faire l’ange fait la bête.» (p. 459-461).
Une question pour finir. Bernard Madoff était un salaud égoïste, Pol Pot un salaud altruiste. D’après vous, lequel des deux a causé le plus de dégâts?
C’est du commentaire, ça. Riche et exigeant. Je trouve dommage qu,il apparaisse alors que ce fil est plus ou moins mort — durée de vie d’une entrée de blogue: 2 ou 3 jours…
Ceci dit, je me demande si on ne peut pas éviter votre conclusion de deux manières:
1. en arguant qu’il y a un monde entre prétendre agir de manière altruiste et agir réellement de manière altruiste;
2. qu’on peut réellement agir de manière altruiste (pas juste en être convaincu) même quand on pose des gestes qui sont manifestement anti-altruiste (si j’os dire) par certains aspects . (Notez que je ne dis PAS que c,est le cas des gens que vous citez). Des partisans faisant dérailler un train et causant par là la mort de compatriotes, pourraient être un exemple. C’est pour relancer la discussion.
Qu’en dites-vous?
Merci pour cette réplique bienveillante, un peu trop même : si ce commentaire possède quelque mérite, c’est aux nombreux auteurs cités qu’il le doit avant tout. Je prends note de vos objections qui méritent considération. Malheureusement le temps me manque en ce moment pour y répondre. Je réfléchis à la question et je vous reviens, si toutefois je trouve quelque chose d’intelligent à dire!
En attendant, connaissez-vous cette entrevue réalisée par le rapper et animateur Ali G (alias Sacha Baron Cohen)? C’est merveille que d’observer Chomsky répondre à cette suite de questions délibérément stupides avec une courtoisie, un fair play et une patience infinis : http://www.youtube.com/watch?v=lfDG6JWq5W4. Presque aussi bon que de voir le journaliste conservateur William F. Buckley, Jr., tout charme et tout sourire, qui parvient à dérider Chomsky en menaçant de lui fracasser le crâne : http://www.youtube.com/watch?v=PEIrZO069Kg. Ça, monsieur, c’est du débat civilisé!
Bonjour,
Oui, je connais les deux. Chomsky reste toujours courtois, je trouve. Et parle sur un ton très posé.