Cette semaine se tiennent à Montréal les audiences publiques de l’Office national de l’énergie (ONÉ) consacrées à un projet d’oléoduc de la compagnie Enbridge.
En deux mots, cette compagnie souhaite partir d’un pipeline existant (appelé 9B), qui va de l’Ontario au Québec et qui a une capacité de 240 000 barils par jour, et de l’inverser, afin de transporter 300 000 barils par jour, essentiellement de pétrole des sables bitumineux de l’Alberta.
Il s’agit là d’un troisième gros projet de pipeline lié aux sables bitumineux albertains. Un autre, lui aussi proposé par Enbridge, est le Northern Gateway Pipeline, qui propose de construire deux pipelines allant de l’Alberta à la Colombie-Britannique. Le troisième est le fameux pipeline Keystone, qui irait de l’Alberta jusqu’au golfe du Mexique.
Ces projets sont au cœur de ce qu’on peut appeler la guerre du pétrole, dans laquelle deux armées s’affrontent.
D’un côté, en s’appuyant sur des données scientifiques très hautement crédibles, certaines personnes et divers groupes soutiennent que ces projets auront des effets absolument désastreux pour le réchauffement climatique, en plus de faire courir des graves risques à l’environnement et aux populations.
Une part de leur argumentaire rappelle que ce qu’on l’on transporte et qui s’appelle du dilbit (pour: diluted bitumen, ou bitume dilué) est une matière très épaisse, ce qui cause dans le pipeline de la friction et donc de la chaleur, augmentant considérablement les risques de bris, de corrosion et de déversements durant le transport. L’expérience passée leur donne raison: les risques sont immenses et les déversements ont été nombreux, et parfois graves, par exemple ce terrible déversement de près de 900 000 galons de dilbit survenu en juillet 2010 à la Kalamazoo River, au Michigan.
D’un autre côté, on retrouve des gens et des groupes qui insistent sur l’importance économique de ces projets, sur la création d’emplois qu’ils permettront, sur le fait que les activités humaines comprennent toujours une part de risque et qui pestent donc contre la frilosité des premiers.
Ce sont ces optimistes qui gagnent pour le moment la guerre du pétrole. Et cela pose une manière de petite énigme, si, comme moi, on est persuadé que leurs argumentaires sont bien faibles sur les plans scientifique, écologique et philosophique — et je soutiendrais sans hésiter que l’immense majorité des scientifiques, des écologistes, des philosophes et plus généralement des êtres humains informés pense comme moi.
Pourquoi donc gagnent-ils s’ils ont à ce point tort et si leurs erreurs nous amènent à poser des gestes pouvant avoir des conséquences aussi dramatiques pour tant de gens, et même pour l’humanité toute entière?
Une part de la réponse est connue et elle est solidement documentée.
On a d’un côté un gouvernement qui est largement au service des entreprises impliquées dans ces projets et qui, avec elles, semble ne plus avoir de vision sociale, politique et économique autre que des projets comme exploiter ces sables bitumineux. Ce gouvernement a ainsi servi de porte-voix à la propagande des entreprises, amplifiée par le muselage des scientifiques auquel il s’est livré, en même temps qu’à la fermeture, totale ou partielle, de nombreuses instances pouvant donner l’heure juste sur les questions environnementales.
À tout cela s’ajoutent diverses autres mesures, au nombre desquelles il faut désormais compter l’orientation des organismes de consultation publique, puisque l’Office national de l’énergie qui se réunira cette semaine, par sa composition, par les entités qui pourront y prendre la parole, signe un indéniable traitement préférentiel accordé au point de vue des entreprises. Ce n’est pas la première fois que les dés sont ainsi pipés: on peut craindre que ce ne sera pas la dernière.
À cette propagande étatique et corporative, les militantes et militants, depuis toujours, opposent des efforts d’éducation populaire: il s’agit d’informer le public, ceci étant, pense-t-on avec raison, un premier pas vers le militantisme et l’implication citoyenne, qui peut alors prendre de nombreuses formes, mais qui, toutes, supposent que l’on comprenne les enjeux.
Il me semble de plus en plus certain que cela ne suffira pas pour gagner la guerre du pétrole, tant l’ennemi est puissant, organisé et omniprésent sur tous les fronts. À leur projet de société, il faudra pouvoir opposer un autre projet de société, et pour cela il ne suffit pas de se dire contre ce qui est mis de l’avant: il faut dire en faveur de quoi on est, et convaincre que cela est souhaitable et possible. Bref, il ne suffit pas de dire non: il nous faut aussi avoir un programme positif à mettre de l’avant.
Il faudrait par exemple montrer, concrètement, solidement, que les emplois créés par ces pipelines sont, en nombre et en qualité, bien moindres que ce que créerait un investissement, à préciser, dans d’autres formes d’énergie. Montrer, chiffres à l’appui, que les retombées humaines, écologiques, économiques de cette autre manière de faire bénéficieraient à tous et toutes, et sans doute plus massivement encore à des gens et à des groupes qui ne reçoivent que peu de retombées d’un tel projet de pipeline, lequel ne bénéficiera surtout, en bout de piste, qu’à quelques entreprises et à une poignée de milliardaires.
En un mot: pour gagner cette guerre, au-delà des batailles qu’il faut continuer à mener, je pense qu’il nous faudra, sans verser dans l’angélisme utopique ou le dirigisme, articuler d’inspirantes visions économiques et politiques pouvant être réalisées dès maintenant et par quoi on pourra opposer, à un projet de société dément, un autre projet de société.
Le troll de service jipebe29 va venir nier les effets néfastes de l’exploitation des sables bitumineux sur les changements climatiques.
Dans 5..4..3..
Jean Émard
le rapport qui existe entre citoyen, corporation et le monde politique tel qu’il est présenté ici est juste. de plus en plus de citoyen sont averti de cet état de fait et pourtant…aucune transformation de la société ne semble s’organiser pour remettre en cause un ordre social et économique inique, violent et destructeur dont l’exploitation des sables bitumineux est un des nombreux avatars. je voudrais revenir sur relation entre le citoyen, le politique et les sphéres d’influence, le lobying en gros. les grandes entreprises ont des interets relativements simples, établis et interiorisés depuis longtemps par le corp social tout entier. les membres de la caste dominante ont établis des ponts, des liens entre eux et avec le monde politique via les écoles, les universités, les leiuex de socialisation exclusif et la pratique de l’entresoi. il n’y a donc plus de difference tangible entre le monde économique, entreprenarial et le monde politique. il s’agit de la meme caste et ses membres passent aisement d’un coté à l’autre. de plus, la caution scientifique est soit muselé comme mentionnée dans la chronique, soit orientée…il y a tjrs un scientifique a louer quelque part..une pauvre âme en mal de reconnaissance…et puis surtout cette caste dominante a su verrouiller ses besoins via des institutions meta-nationale comme l’ OCDE, la banque Mondiale, l’union européenne, les accords de libres echanges…ces bricolages institutionnels ont pour effet d’avoir un effet cliquet ne permettant pas de retour vers de spolitiques de gauche…donc opposer un projet alternatif à celui imposé ne pourrais surement pas suffir (même si c’est un très bon et necessaire début) s’il n’est pas « imposé » démocratiquement…ou du moins de manière a pouvoir contrebalancer de manière efficace l’influence systémique institutionnelle de la caste dominante…comment y parvenir?
Merci de suggérer une façon de s’opposer à cette folie bitumineuse. Cette voie de résistance me semble s’inscrire dans le même registre que les idées de Michael Albert, entre autres dans son très inspirant ouvrage « L’élan du changement : stratégies nouvelles pour transformer la société » (Michael Albert, éditions écosociété 2003)
Avec le PQ qui propose que le Québec devienne un chef de file dans l’électrification des transports, c’est déjà un pas dans la bonne direction…
Ah oui, vraiment? L’électrification des transport fait sûrement parti de la solution. Mais ce n’est pas le PQ qui fera changer les choses : dès janvier 2013, Pétrolia disait préférer le gouvernement Marois au précédent.
http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/368367/petrolia-prefere-marois-a-charest
Et leur fameux plan économique, c’est du pétrole mur à mur.
http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/389382/politique-economique-quebec-reve-de-petrole-quebecois-et-canadien
C’est un véritable projet de société qui nous sortira de ce marasme, pas quelques projets verts qui serviront à cautionner le développement pétrolier.
Cette annonce du PQ concernant l’électrification des transports est inspirante. Les voitures, les bus, les trains, tous électriques… Les autres parties politiques auront intérêt à voter en faveur de ce projet et non jouer de partisanerie à défaut de quoi ils peuvent s’aliéner une partie de la population qui favorise un tel projet.
Il faut comprendre que ces entreprises tentent de diversifier leurs marchés d’exportations. Auparavant, il était simple d’exporter vers les États-Unis tout le pétrole qui ne nous était pas nécessaire. Avec la récession économique et leur production accrue de pétrole de schistes, il résulte une surproduction chez nos voisins du sud. Nos producteurs canadiens tentent donc d’expédier vers l’est et vers l’ouest du Canada, au lieu de vers le sud comme auparavant. Je vois cela comme de l’achat chez nous : le pétrole du Canada pour les Canadiens, coast to coast. Ces pipelines nous ouvrent aussi la possibilité d’utiliser nos zones côtières pour expédier vers le Pacifique et l’Atlantique. Notre style de vie ne changera pas de sitôt.
« Je vois cela comme de l’achat chez nous : le pétrole du Canada pour les Canadiens, coast to coast. »
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N’importe quoi.
Le pétrole « canadien » est exploité à 75% par des entreprises étrangères.
Jean Émard
Aucun rapport ! Votre véhicule est probablement de fabrication américaine, européenne ou japonaise. Lorsque vous le conduisez, il est enregistré à votre nom. Ce pétrole est situé en territoire canadien, les raffineries le sont aussi et rien ne vous empêche d’acheter des titres boursiers de ces compagnies qui sont soumises aux lois canadiennes. Ce pétrole ne serait pas plus canadien s’il n’y avait que des Pétro-Canada à la grandeur du pays.
Vous soulevez une question intéressante, tout en passant côté d’une question encore plus fondamentale, M. Baillargeon. Ces dernières années, l’exploitation du pétrole dit « sale » (bitumineux, de schiste ou provenant de la roche-mère) a littéralement explosé. Pourquoi? Parce que le pic du pétrole conventionnel s’est produit en 2006 (selon l’AIE). Très peu de gens comprennent les implications majeures de ce tournant historique, c’est-à-dire la fin du pétrole abondant et à bon marché. Pour l’instant, il y a une ruée vers les pétroles lourds, donc plus chers et polluants. Mais déjà leur déclin est annoncé autour de 2020 (http://petrole.blog.lemonde.fr/).
La croissance exponentielle a un besoin vital et croissant d’énergie abondante et à bon marché pour perdurer. Or, même des investissements colossaux dans les énergies vertes ne suffiront pas à compenser le déclin du pétrole, et bientôt du gaz et du charbon, bref à perpétuer la croissance exponentielle. C’est justement là où vous passer à côté de la question, M. Baillargeon. Il n’y a pas d’alternative vers une croissance exponentielle verte, c’est une fausse bonne idée. Relisez « Les limites de la croissance », de Dennis Meadows. Même dans ses scénarios les plus optimistes, l’effondrement survient vers 2100. La question à poser est donc, selon moi, comment se préparer à vivre dans une économie en décroissance avec moins d’énergie? Les réponses sont multiples et dépendent de chaque culture, région, climat, etc. On peut lire là-dessus ici http://www.resilience.org/ ou lire, par exemple, le Manuel de Transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale (écosocioété).
Réchauffement de la planète???
Come on…ça fait plus de 20 ans qu’il n’y a AUCUN réchauffement de la planète! Dixit le président du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) Rajendra Kumar Pachauri.
Le fait est confirmé par le centre de données Hadley qui, lui, parle de 18 ans sans réchauffement. Enfin, les résultats provenant des satellites indiquent qu’il n’y a aucune élévation de température depuis… 23 ans.
Sacram… ça vous prend quoi pour que vous vous sortiez la tête de dans la vase et que vous cessiez cette stupide propagande?
La voiture électrique? Le projet péquiste est une autre utopie électoraliste et vous êtes tombés dans le piège à con.
Plusieurs fabricants dans le domaine sont déjà, et ce depuis plusieurs années, dans la course en R & D et de leur propre aveu, ça prendra encore de 20 à 30 ans avant qu’une voiture digne de ce nom (Qui puisse être utilisée par tous en toutes circonstances) soit commercialisée et c’est sans compter sur les avancées technologiques de la voiture à essence qui devient de plus en plus « verte ».
Inutile de vous faire savoir que je suis entièrement d’accord avec les pipelines car nous aurons besoin de fuel pour les prochaines 100 années et je préfère savoir que celui-ci vient de chez nous plutôt qu’il soit transporté par bateau et par train (2 modes de transport particulièrement dangereux!) de l’Algérie…
@Francois 1
Vous devriez lire ce que Rajendra Kumar Pachauri dit vraiment et non la version tronquée et retouchée que certains climato-sceptiques rapportent de lui!
@ Benton:
Et quoi?
Refaire moi-même les études de Hadley et lancer mon propre satellite pour confirmer les données de ceux déjà en place et qui attestent sans l’ombre d’un doute les affirmations de Rajendra Kumar Pachauri à l’effet qu’il n’y a PAS eu d’augmentation des températures depuis près de 20 ans?
Les allégations des réchauffistes sont une arnaque basée sur des programmes informatiques bidons (hockey stick!!!) dont les conclusions sont contredites par les FAITS à chaque année et qui ne servent en fait que pour épauler les activistes anticapitalistes.
Le soucis avec ce genre de sujet c’est qu’on trouvera toujours autant de bonne critiques pleinement fondée pour dire que telles installations nuisent à l’environnement, que de très bons propos tout aussi plausibles pour dire l’inverse.
C’est le cas François1 aussi avec le réchauffement climatique. Tu trouveras autant de tests, de statistiques, de relevés et autres prouvant par A+B que le réchauffement n’est pas là…. Que biologistes, grands géologues, de tests et longues études parfaitement fiables pour te démontrer que oui sur ces 20 dernières années le climat s’est réchauffé.
Après la grande question et de savoir qui a raison. En physique quantique on pourrait dire que … tous ont raison, donc chacun à tord.
L’environnement c’est un débat sans fin hélas…
» il s’agit d’informer le public, ceci étant, pense-t-on avec raison, un premier pas vers le militantisme et l’implication citoyenne, qui peut alors prendre de nombreuses formes, mais qui, toutes, supposent que l’on comprenne les enjeux »
L’amélioration de l’information n’amène pas le millitantisme, mais bien le cynisme et le désinterrinssement…