Halloween est à nos portes et, comme on sait, les enfants raffolent de cette fête.
Il m’a toujours semblé que les parents et les personnes qui enseignent tenaient là une merveilleuse occasion de développer l’esprit critique des jeunes.
Voici quelques suggestions à ce propos, que vous adapterez en fonction du domaine d’études et de l’âge des enfants ou des adolescents — toutes ces activités ne conviennent pas à tous les âges. Certaines discussions suggérées pourraient fort bien se tenir en classe, par exemple en éthique et culture religieuse ou dans un bloc de philosophie pour enfants.
Il pourra être intéressant de commencer par rappeler les origines païennes de la fête, puis de se demander ce que valent les arguments des personnes qui sont opposées à l’Halloween, en particulier pour des motifs religieux, par opposition au consumérisme ou par souci de santé (les dangers des sucreries…). Que valent ces arguments?
On peut ensuite faire remarquer qu’un phénomène assez étrange se produit à l’Halloween: on prend en effet un certain plaisir à avoir peur. Belle occasion de méditer sur la peur. Il faudrait insister sur le fait que les êtres humains ont dû apprendre à la surmonter (il fallait bien, pour survivre, se déplacer, aller chasser au loin…) et qu’ils ont tiré des avantages à le faire (comme le fait de revenir avec une proie, par exemple). Certains enfants diront sans doute que c’est un peu ce qu’ils font, et que s’ils ont un peu peur, ils apprivoisent cette peur et reviennent, eux aussi, avec une proie: les bonbons.
Halloween invite alors à se demander ce qui distingue la peur bénéfique de la peur néfaste. Puis, avec des enfants qui la regardent, à soulever la question: pourquoi prend-on ce paradoxal plaisir à regarder des films d’horreur?
Pour faire peur, Halloween joue entre autres sur des êtres particuliers, notamment des fantômes, des sorcières, des zombies. La question est de savoir s’ils existent ou non. Comment pourrait-on le savoir? Bien du plaisir en perspective.
Après discussion sur ce thème, je raconterais l’histoire des combats du grand magicien Harry Houdini (1874-1926) contre le spiritisme, ce mouvement paranormal si prisé à son époque. Houdini se flattait de reproduire tout effet par lequel des spirites voulaient démontrer qu’ils communiaient avec des esprits. Vous pouvez en reproduire avec l’assistance d’un enfant. Pour cela, allez sur la Toile et vous trouverez quelques trucs faciles à réaliser pour, par exemple, faire en sorte qu’une table semble frapper des coups lorsqu’un «esprit» répond à vos questions. Effet garanti auprès des amis de l’enfant qui vous assiste…
Houdini et son épouse, Bess, avaient convenu d’un code secret par lequel elle, qui tenterait de communiquer avec lui après sa mort, saurait que c’est vraiment lui qui s’adresse à elle. À chaque Halloween, durant dix ans, elle tenta donc d’entrer en contact avec son défunt mari. Elle finit par y renoncer.
Tout ceci invite bien entendu à réfléchir sur la valeur du témoignage des sens et, sans doute, à revenir sur ce qui permet d’éventuellement conclure à la non-existence des sorcières, des zombies et des fantômes.
Sortez ensuite une table de Ouija, héritage de cette euphorie spirite des années 1920, et expliquez-en le fonctionnement. Puis invitez les enfants à trouver une manière de tester si ce sont bien des esprits qui répondent ou s’il s’agit d’autre chose (il s’agit en effet d’autre chose: un effet idéomoteur). Ils trouveront sans doute et diront des choses comme: bandons les yeux du sujet qui, guidé par un esprit, anime la planchette qui désigne tour à tour chacune des lettres qui composent la réponse à une question; ou encore: demandons-lui d’interroger un esprit qui parle et qui répond… dans une langue qui lui est inconnue!
La distinction entre magie pour divertir et magie pour tromper peut être introduite ici et profitez-en pour apprendre à votre élève un truc de magie ou deux, idéalement de mentalisme et qui peut se faire sans nécessité d’habiletés manuelles.
Pourquoi ne pas finir avec les dangers potentiels des croyances non fondées? L’histoire des sorcières de Salem ou celles des guérisseurs des Philippines se placent bien ici.
Vous pourrez conclure sur ce qui reste sans doute le plus beau des canulars d’Halloween.
Nous sommes le jour d’Halloween, en 1938, et la radio annonce et couvre en direct, en une série de bulletins de nouvelles successifs, l’invasion de la Terre par… des Martiens, censée se dérouler aux États-Unis. L’effet réaliste était tel qu’il s’en est suivi une certaine panique dans le public. Ce beau coup a été réalisé par Orson Welles, qui mettait en ondes La Guerre des Mondes de H.G. Wells.
Bonne Halloween…
Votre activités pourraient s’addresser aussi à plusieurs adultes. ;)
Jean Émard
Votre = Vos
Et une suggestion pour une suite, les plus grands poissons d’avril…
Non, je suis en désaccord avec ce que vous proposez de faire à l’occasion de l’Halloween, Monsieur Baillargeon. Pourquoi vouloir ainsi ramener au plus terre-à-terre possible le côté fascinant et fantastique d’une petite soirée masquée et costumée insouciante?
À ce compte, allez-vous également préconiser de déboulonner le mythe du Père Noël dans quelques semaines?
De faire comprendre aux tout-petits que le gros bonhomme vêtu en rouge, avec une longue barbe blanche, installé dans un imposant fauteuil au centre commercial, n’est en fait qu’un pauvre type qui végète à ne rien faire 95% de l’année, et ne fait que personnifier le Père Noël vers la fin de décembre – s’il a la chance de décrocher l’emploi rémunéré au salaire minimum?
Ce n’est pas toujours le moment d’éduquer. Parfois, vaut mieux laisser expérimenter et laisser le temps agir, et mener tout doucement vers la découverte. Évitons de bêtement rompre le charme car, une fois rompu, celui-ci n’est pas réparable. Laissons les enfants être des enfants aussi longtemps que l’enfance les retiendra.
Trop tôt, ils traverseront à leur tour de l’autre côté du miroir, là où l’on rêve bien peu et où l’on bosse souvent trop…
« je suis en désaccord avec ce que vous proposez de faire à l’occasion de l’Halloween »
alors, si ce n’est pas à l’halloween, quand proposes-tu aux parents d’initier leurs enfants à la magie, au spiritisme, à l’horreur et aux zombies claude? à la st-valentin peut-être?
« allez-vous également préconiser de déboulonner le mythe du Père Noël dans quelques semaines? »
procès d’intention gros comme le bras. je t’ai déjà averti claude; tu en fais souvent des comme ça. dur de résister n’est-ce pas? c’est si facile à patenter.
« Ce n’est pas toujours le moment d’éduquer. Parfois, vaut mieux laisser expérimenter et laisser le temps agir, et mener tout doucement vers la découverte. »
explique-moi en quoi l’expérimentation et le guidage vers la découverte ne sont pas des formes d’éducation claude.
« Évitons de bêtement rompre le charme… »
lesquels des propositions de normand romperont le charme de l’halloween selon toi claude?
merci claude.
Mais qui parle de rompre le charme de l’Halloween???
Moi, je fais référence au charme de l’enfance, à cette naïveté qui ne dure pas, et que j’estime préférable de laisser durer tant que l’enfance demeure.
Et puis, pour ce qui est de faire l’éducation des enfants, à l’exception de quelques occasions au calendrier, il y a toute l’année pour y voir. Il faut éviter de se faire le rabat-joie lors des quelques occasions où l’enfant s’amuse innocemment.
Quelques jours de congé par an, ça ne nuit pas. Bien au contraire, même!
Cher monsieur, il y a bien des façons d’être des enfants sans forcément croire au Père Noël et à toutes les superstitions (ce que vous nommez « charme ») de l’Halloween. Mon expérience personnelle m’a plutôt fait voir le côté tyrannique et manipulateur de la fête de Noël: »Tu auras des cadeaux si tu es sage »… Quand j’ai décroché, j’ai découvert plus de liberté et cette liberté a infiniment plus de « charme » pour moi que toutes les inventions rose bonbon de la société de consommation.
Trop tôt, ils traverseront à leur tour de l’autre côté du miroir, là où l’on rêve bien peu et où l’on bosse souvent trop…
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La cosmologie, la biologie, les avancées scientifiques en général, me font plus rêver aujourd’hui que ne l’ont fait tous les Pères-Noêl et fées de dents de mon enfance.
Jean Émard
À Noël j’ai fait une activité similaire avec ma fille, alors âgée de 7 ans: ça se passait bien, on parlait de l’étoile de Bethléem, les bergers, les anges, Jésus et tout le tralala. La discussion se transforma doucement en causerie philosophique bon enfant, jusqu’à ce qu’elle me pose LA question: »Dis, tout ça, les étoiles, la Terre… pourquoi ça existe? Pourquoi il y ça à la place de rien? ». LA question philosophique par excellence, avec presque les mêmes mots de Heidegger!
Je lui parle alors de Big Bang, de multivers, d’un univers eternel qui rebondit et de l’hypothèse Dieu.
Et qu’est-ce qu’elle me dit? »Tu sais, aux dinosaures, ça je crois, même si j’ai pas vu… mais ton histoire de Dieu, ben… » !!
(j’ai un peu triché: j’ai parlé à ma fille du comment et pas du pourquoi. Si Heiddeger n’avait pas de réponse, moi non plus).
Ouuu est l’esprit du »Calinour bienveillant »…?
je suis là.
@le calinours bienveillant
;-)
M. Baillargeon, pour l’histoire, lors de l’émission radiophonique d’Orson Welles, une p’tits lumière aurait dû allumer dans la tête de certains personnes par le fait que la description de l’invasion de la terre par des martiens étaient souvent entre-coupé de messages publicitaires de savons!!!
Un article qui remet en perspective la soit-disant panique provoquée par le programme de Welles http://www.slate.fr/story/79512/guerre-mondes-welles-panique