Le 16 novembre dernier, on a, sans grand éclat, célébré la journée internationale de la tolérance de l’ONU.
La tolérance est une vertu qu’on recommande partout et chaudement de pratiquer; mais il n’est pas clair que l’on sait toujours bien ce que l’on demande quand on prône de pratiquer la tolérance.
C’est que la tolérance est ce que les philosophes appellent une vertu paradoxale. Pour le comprendre, considérez ceci.
Si vous approuvez un comportement (s’engager dans l’armée), une valeur (l’égalité entre hommes et femmes) ou une institution (le mariage), on ne dira pas que vous tolérez toutes ces choses. De même, si toutes ces choses vous laissent indifférent, on ne dira pas que vous les tolérez.
Pour qu’il y ait tolérance, ce qui est toléré ne doit être ni approuvé ni objet d’indifférence: ce qu’on tolère est plutôt, à des degrés qui peuvent varier, ce que nous rejetons. Et c’est justement là, dans ce mouvement contradictoire qui nous demande d’accepter ce qu’on rejette, que se trouve le caractère paradoxal de la tolérance.
Si la tolérance a pu être pratiquée bien avant la modernité, c’est avec elle qu’elle acquiert son sens actuel. Les guerres de religion et le libéralisme politique ont peu à peu rendu impérieux que l’on fasse preuve de tolérance et en ont développé le concept. L’idée de tolérance en est ainsi venue à occuper une place centrale dans la philosophie politique de notre temps.
Selon cette perspective, si on doit tolérer des valeurs, des comportements et des institutions que nous n’approuvons pas, c’est notamment pour assurer la protection de la minorité contre la possible tyrannie de la majorité; c’est aussi au nom du respect de la liberté de l’individu et tout particulièrement par respect pour la conscience de chacun; c’est encore parce qu’on ne saurait accepter le paternalisme de l’État et l’imposition d’un modèle unique de vie bonne; et c’est enfin parce qu’on doit permettre que des expériences de vies différentes peuvent exister et être tentées.
C’est là un argumentaire puissant et on aura reconnu qu’il joue un rôle jusque dans ces idées de neutralité de l’État et de laïcité.
Mais cette vertu paradoxale a aussi ses limites, qui sont celles que fixe l’intolérable. C’est que la tolérance ne saurait, sans se nier elle-même en se transformant en indifférence ou acceptation universelles, s’exercer sur absolument tout. Il y a donc des limites à la tolérance.
Celles-ci varient sans doute dans l’espace et dans le temps, mais elles n’en existent pas moins. Fixer ces limites et justifier qu’on les situe ici plutôt que là est un énorme problème pour la pensée politique et juridique. Une référence classique pour ce faire est le fameux harm principle d’un penseur phare du libéralisme classique, John Stuart Mill. Selon ce «principe de tort», c’est le fait de causer du tort à autrui qui doit servir de balise pour fixer les limites de la tolérance.
Toute la question devient alors de définir qui est exactement autrui, et aussi ce qui constitue ce tort — ou cette nuisance comme on dit aussi parfois. Une caricature du prophète cause-t-elle à autrui un tort suffisamment grand pour qu’on puisse la juger intolérable et en interdire la publication? Une pièce de théâtre peut-elle être à ce point offensante qu’on doive ne pas la tolérer?
Des questions de ce genre — vous en imaginerez quantité d’autres — se posent ou ont été posées. Elles peuvent l’être sur un plan collectif, mais aussi individuel. Et beaucoup d’entre elles sont complexes.
Elles sont aussi incontournables, entre autres parce que cette vertu paradoxale qu’est la tolérance débouche sur ce qu’on appelle le paradoxe de la tolérance, joliment formulé par Karl Popper. Le voici en un mot.
Si en raison de la tolérance, une société accepte des personnes, des pratiques et des croyances intolérantes, alors à terme il n’y aura plus, dans cette société, de tolérance et celle-ci, en se répandant, aura disparu. Popper écrivait: «Je ne veux pas dire par là qu’il faille toujours empêcher l’expression de théories intolérantes. Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut toujours revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. Il faudrait alors considérer que, ce faisant, ils se placent hors la loi et que l’incitation à l’intolérance est criminelle au même titre que l’incitation au meurtre, par exemple. Si l’on est d’une tolérance absolue, même envers les intolérants, et qu’on ne défend pas la société tolérante contre leurs assauts, les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance.»
Ce passage contient une précieuse clé pour aider à fixer les limites de la tolérance: on doit pouvoir discuter librement de n’importe quelle pratique, institution, valeur. Ce faisant, on doit pouvoir les critiquer, même vertement.
S’ensuivent alors deux devoirs civiques qu’impose l’idée de tolérance: pour qui formule ces critiques, celui de les adresser aux idées et non aux personnes qui les défendent; aux personnes critiquées, celui de ne pas être offensées par toute critique formulée à l’endroit de leurs croyances tolérées.
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Vous vous le demandez peut-être.
Eh bien non, je n’ai pas reçu de réponse de la ministre Marie Malavoy.
Je n’aurai donc pas l’occasion de lui expliquer pourquoi il est si préoccupant, pour tant de gens, de voir le milieu scolaire infiltré par toutes ces pratiques et ces pseudo-théories au statut scientifique incertain ou pire, dont certaines ont de forts relents sectaires.
C’est bien dommage, puisque de telles choses sont intolérables…
Bravo, vous avez exprimé de façon très élégante ce que j’essaie de faire comprendre depuis des semaines. Merci beaucoup M. Baillargeon.
Merci de cette réflexion qui appelle la réflexion.
Je vous cite: « Si en raison de la tolérance, une société accepte des personnes, des pratiques et des croyances intolérantes, alors à terme il n’y aura plus, dans cette société, de tolérance et celle-ci, en se répandant, aura disparu. »
Je crois que le port du niqab et de la burqa avalise l’intolérance envers les femmes. À ce titre, et dans le débat actuel entourant la charte des valeurs et la laïcité, cette idée est balayée par les opposants à la charte sur la base qu’il nous faut défendre les droits individuels et ne pas exercer une tyrannie sur une minorité. Cela devient, au niveau du débat, une véritable impasse intellectuelle.
Relisez le texte:
« Je ne veux pas dire par là qu’il faille toujours empêcher l’expression de théories intolérantes. Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut toujours revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. »
Est-ce que les femmes diplômées travaillant pour l’État et portant le foulard utilisent ou prône la violence ?
Et encore une fois, je remarque une étrange fixation sur le foulard des musulmanes. L’article parlait de la tolérance de manière générale.
Et plusieurs remettent le débat uniquement sur ce foulard, oubliant que le projet Drainville vise aussi la kippa des Juifs (lesquels sont encore plus unanimes à s’opposer à son projet) et accepte les croix portées au cou; mettant même de côté (finalement dans un vote séparé) le fameux crucifix de Duplessis placé au-dessus de la tête du président de l’Assemblée Nationale pour symboliser la suprématie de l’Église sur l’État et pour sceller son alliance avec le clergé catho à une époque où les deux s’unissaient pour refuser le droit de vote aux femmes et les maintenir à la maison, tout en défendant « l’ordre établi », l’un par la force, l’autre en légitimant cette force (ce qu’on a appelé la « Grande Noirceur »).
Et alors que le projet Drainville ne porte pas sur « l’intolérance », mais sur l’image qu’il veut donné à la laïcité de l’État, laïcité déjà obtenue de fait comme il le reconnaît lui-même.
Peut-être qu’avant de prôner des interdits au nom de la « lutte à l’intolérance », on devrait relire l’excellent texte de M. Baillargeon et d’abord s’interroger sur soi-même.
Très hasardeux de défendre la tolérance au nom d’arguments basés sur l’intolérance. Et avant d’imposer de force la « tolérance » aux autres, il faudrait d’abord s’assurer qu’on prêche bien ce qu’on pratique.
(Vous voulez une liste d’intolérance envers les femmes pratiquées ouvertement par notre société et plus que tolérées: considérées comme « normales » ou (au pire) « déplorables » ?).
Tolérer demande un effort.
Mais où est la limite de la tolérance ?
« Celles-ci varient sans doute dans l’espace et dans le temps, mais elles n’en existent pas moins. Fixer ces limites et justifier qu’on les situe ici plutôt que là est un énorme problème pour la pensée politique et juridique. Une référence classique pour ce faire est le fameux harm principle d’un penseur phare du libéralisme classique, John Stuart Mill. Selon ce «principe de tort», c’est le fait de causer du tort à autrui qui doit servir de balise pour fixer les limites de la tolérance. »
Moi j’appel ça le principe du moindre mal; entre deux maux, il faut être critique et s’appuyer sur les faits et preuves afin de déterminer et choisir le moindre.
Les paradoxes ne sont que des incompréhensions. On peut être à la fois contre la symbolique du voile et contre l’interdiction de port de signes religieux ostentatoires. À défaut d’internaliser l’importance d’une valeur pour un Autre, on peut au moins la tolérer. Entre le signe d’intolérance représentée par les signes ostentatoires et la réelle intolérance que l’on voit dans le stigmatisation des groupes religieux (surtout islamiques), je choisis la réalité à la peur.
Le PQ n’a toujours pas démontré le bien fondé de l’interdiction qu’il entrevoit mettre en place, mais il a certainement démontré dernièrement le bien fondé de protéger les libertés individuelles lorsque le principal argument est fondé uniquement sur l’Argumentum ad populum.
Entre l’intolérance symbolique et l’intolérance réelle… entre les torts fictifs et les torts réels… si l’on décides de choisir le moindre mal, il me semble que le tout devient clair…
L’islamisation radicale du Québec reste un mythe sans fondation solide. Par contre, l’intolérance réelle que l’on voit partout dans les nouvelles actuellement est bel et bien un état de fait.
« Est-ce que les femmes diplômées travaillant pour l’État et portant le foulard utilisent ou prône la violence ? » C’est aussi ça quand on connaît un peu l' »histoire » du foulard et qu’on sait que certaines sont forcées de le porter ou risquent leur vie si elles ne le portent pas. Les femmes diplômées, plus que les autres surtout, devraient le savoir. Personnellement je plaide pour qu’on redonne au foulard son utilité première qui est essentiellement de protéger la tête contre les intempéries et qui peut être aussi, dans ce sens, un objet de coquetterie féminine. Rien à voir avec l’identité d’une personne sauf si elle se soumet à la signification religieuse que certains (?) lui prêtent…. tout en y ajoutant parfois une touche de coquetterie qu’il faudrait laisser par honnêteté, je crois, à un autre domaine que celui de la religion! D’ailleurs j’ai remarqué que ce sont les hommes qui s’opposent le moins à son port, est-ce que je me trompe? Reviendrait-on subtilement à des valeurs ultra-patriarchales où on ramenait la femme à la dévotion et la prière quand elle critiquait un peu trop son mari?
Excellent.
Ça devrait boucher pour un temps les démagogues et leurs sophismes ridicules de « raciste » ou « xénophobe ».
Ahhhh les raccourcis intellectuels et leurs étiquettes…
J’espère qu’on vous écoutera, car tous ceux qui tentent de défendre ce point de vue depuis le début du débat sur la charte se font taxer…d’intolérance! Alors qu’une partie de la gauche québécoise est devenue encore plus trudeauiste que Trudeau lui-même, ce texte arrive comme un baume.
»Une référence classique pour ce faire est le fameux harm principle d’un penseur phare du libéralisme classique, John Stuart Mill. Selon ce «principe de tort», c’est le fait de causer du tort à autrui qui doit servir de balise pour fixer les limites de la tolérance. »
À partir de ce principe, certaines pratiques,comme le fait d’exposer un enfant à une femme voilée (), le fait d’obliger des citoyens à recevoir des services par des personnes qui portent des signes religieux offensant et méprisant pour eux , constituent de beaux exemples de torts causés à autrui et à ce titre, elles doivent être interdites.
Je suis déçu qu’une réflexion assez complexe soit interprétée par vos lecteurs comme une apologie de l’intolérance. Est-ce à dire que vous ne leur auriez pas donné de point d’ancrage pour brider l’intolérance qui s’auto-justifie?
Et, pendant que vous y êtes, que pensez-vous de l’intolérance à laquelle le blog Trouble offre une vitrine de choix?
La tolérance ou l’intolérance à l’égard de quoi que ce soit, dans la mesure où l’une comme l’autre soit véritable, constituant de la sorte l’expression sans équivoque de ce que ressent une personne, est-ce de caractère «inné» ou «acquis»?
Autrement dit, sommes-nous ce que nous sommes de manière absolument libre ou, au contraire, sommes-nous plutôt devenus ce que nous sommes au fil de nos expériences, des valeurs et principes nous ayant été inculqués de diverses sources extérieures à nous-mêmes?
Il me semble que l’«acquis» surtout nous façonne, occupant bien davantage de place que l’«inné», ce dernier ne disposant que de bien peu de moyens de défense (voire même aucun) pour contrer le constant matraquage de valeurs et de principes auxquels nous sommes exposés et le plus souvent (sinon toujours) contraints de nous soumettre dès notre arrivée en ce monde.
Et c’est ainsi que ni la tolérance ni l’intolérance ne saurait constituer le fin mot de l’histoire – et même le fin mot de l’Histoire tout court…
Il nous faudrait être totalement imperméables aux influences externes, tant bonnes que mauvaises, pour prétendre faire lucidement tout choix de tolérance ou d’intolérance.
Ainsi, autant la tolérance que l’intolérance ne sont que des aboutissements, des conséquences. Pas facile d’effacer un tableau marqué à l’encre indélébile et de restructurer librement qui l’on devrait idéalement être: nous-même.
«Je suis déçu qu’une réflexion assez complexe soit interprétée par vos lecteurs comme une apologie de l’intolérance.»
Cela demanderait à être étayé. Quels lecteurs? Pourquoi dites-vous cela?
«Est-ce à dire que vous ne leur auriez pas donné de point d’ancrage pour brider l’intolérance qui s’auto-justifie?»
Est-ce à dire que vous insinuez que tout ce qui est dit par des gens après m’avoir lu est finalement de ma faute? Si c’est le cas, c’est désolant.
«Et, pendant que vous y êtes, que pensez-vous de l’intolérance à laquelle le blog Trouble offre une vitrine de choix?»
Je suis très tolérant devant des idées que je déteste (pas toutes, cependant…) et ai toute ma vie défendu la liberté d’expression.
à P.Lagassé
Relisez mon commentaire. Je ne parle pas de voile, mais de niqab et de burqa
à M. Dufresne, lier niqab et burqa à l’intolérance n’est pas faire l’apologie de l’intolérance.
Je m’attendais à lire le nom de Voltaire dans cette chronique (on l’associe immédiatement à la tolérance), alors c’est moi qui va en référer. Il dit que la tolérance découle du droit naturel, que c’est la première loi de la nature! Dans la vie on ne fait que tolérer les autres, car on est tous –heureusement- différents.
Et pour Voltaire le contraire de tolérance n’est pas l’intolérance : c’est le fanatisme. Les juifs orthodoxes sont ouvertement intolérants à ce que certaines coutumes des gentils (les non-juifs) rentrent chez eux. Mais ils sont extrêmement tolérants si ces coutumes restent à l’extérieur. Je dirais même que c’est justement ce mélange qui a permis de maintenir l’unité du peuple juif a travers le temps et dans tous les espaces. Une certaine dose d’intolérance est donc bonne, même si ce qui devient intolérable (un poisson sans écailles, une côte de porc) est objectivement une niaiserie.
Je crois donc qu’une société peut accepter en son sein des croyances intolérantes, sans qu’elle aille à sa perte comme le prétend le paradoxe de la tolérance de Popper. Pour moi, le point crucial c’est le «principe de tort » libéral, qui est mieux formulé dans les paroles de plusieurs sages, de Bouddha à Jésus : Ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu’on te fit.
Tout compte fait, cela ne devrait pas être une journée de la tolérance mais une journée contre l’intolérance!!!
L’idée de tolérance repose sur la croyance que les conflits de valeurs sont solubles dans une rationalité qui aurait la propriété d’expurger les sociétés «ouvertes» du poison de l’intolérable. Mais en dehors de situations limites pour lesquelles le recours à la raison n’est de toute façon pas du tout nécessaire (le meurtre, le viol…), celle-ci ne sert souvent dans nos sociétés qu’à donner un vernis de légitimité idéologique à l’instauration et au maintien d’un rapport de forces où la tolérance, c’est le nom joli qu’on donne aux limites du pouvoir/devoir de soumission réglant les rapports de valeurs antagonistes.
Mais peut-être pourrait-on définir provisoirement l’intolérable d’une façon plus générale, plus abstraite? Il n’est pas anodin que Normand en pose d’abord le principe dans une sorte de passe-passe logique circulaire. En effet, accordons que si rien n’était intolérable, l’idée de tolérance se résoudrait en indifférence… et réciproquement. Évidemment, il n’en reste pas là. L’intolérable se mesurerait en termes de nuisance. Mais ce critère de nuisance, même dépouillé des biais subjectifs (et politiques) reste très problématique. Le sens minimal de la nuisance, il me semble, c’est que ce qui nuit empêche le cours des choses pour autant que ce cours est jugé normal ou désirable. Il n’a donc pas un caractère objectif mais est fortement attaché aux valeurs de celui pour qui tel comportement est tolérable ou pas. Le musulman qui s’offusque des caricatures du prophète n’a pas a priori a reconnaître la validité du critère auquel l’athée adhère pour s’autoriser à les publier. Cela ne trahit pas forcément chez lui une propension à l’intolérance ni une susceptibilité excessive.
À moins que la Raison n’ait la prérogative d’arraisonner conceptuellement «autrui», notamment en rangeant le religieux au statut de la superstition, laissant à la société ouverte le soin de l’arraisonner politiquement… notamment dans des chartes qui prescrivent les limites vestimentaires tolérables… je ne suis pas sûr qu’on puisse espérer mieux qu’un constant rééquilibrage des forces sociales et politiques en présence. À défaut de le reconnaître, la philosophie continuera à exceller à interpréter le monde mais pas tant à le changer.
Dans sa lettre sur la tolérance de 1686, John Locke fait remarquer que les fanatiques qui sont minoritaires demandent la tolérance, mais dès qu’ils sont majoritaires ils ne reconnaissent plus ce droit aux autres. Cela fait réfléchir. Que se passera-t-il lorsque les musulmans seront majoritaires ? Que se passe-t-il dans les écoles en Israel avec les petites filles, ou les Hassidim sont majoritaires ?
‘’Le pouvoir civil est partout le meme, en quelque main qu’il se trouve, et un prince chrétien ne saurait donner plus d’autorité à une Église qu’un prince infidèle, c’est-à-dire aucune. Peut etre aussi qu’il ne sera pas mal à propos de remarquer en passant que tous ces zélés défenseurs de la vérité, tous ces ennemis jurés des erreurs et du schisme, ne font presque jamais éclater le zèle ardent qu’ils ont pour la gloire de Dieu que dans les endroits ou le magistrat les favorise. Dès qu’ils ont obtenu la permission du gouvernement civil, et qu’ils sont devenus supérieurs à leurs ennemis, il n’y a plus de paix, ni de charité chrétienne; mais ont-ils le dessous, ile ne parlent que de tolérance mutuelle. S’ils n’ont pas la force en main, ni le magistrat de leur coté, ils sont paisibles, et ils endurent patiemment l’idolatrie, la superstition et l’hérésie, dont le voisinage leur fait tant de peur en d’autres occasions. Ils ne s’amusent point à combattre les erreurs que la cour adopte, quoique la dispute, soutenue par de bonnes raisons, et accompagnée de douceur et de bienveillance, soit l’unique moyen de répandre la vérité.’’
« S’ensuivent alors deux devoirs civiques qu’impose l’idée de tolérance: pour qui formule ces critiques, celui de les adresser aux idées et non aux personnes qui les défendent; aux personnes critiquées, celui de ne pas être offensées par toute critique formulée à l’endroit de leurs croyances tolérées. »
Tout est là. Ça me fait sourire de voir que ce sont pour la plupart des hommes, encore une fois, qui commentent sur un sujet qui devrait « essentiellement » appartenir aux femmes. Je me demande toujours, dans tous les cas de « tolérance » et d' »intolérance » ce qui motive leurs propos. C’est vrai qu’il y a la peur, bien légitime, dont on ne peut toujours expliquer l’existence dans le réel, tout comme celle de la foi d’ailleurs. Sauf que les crimes sont bien réels pour la plupart des gens, les miracles beaucoup moins. Pourtant c’est sur les « peureux » qu’on s’acharne. Il y a ceux aussi qui se colle aux droits et libertés chèrement acquises « contre » les gouvernements qui sont prêts à défendre à peu près n’importe quoi pour que l’État ne gagne pas. Et puis il y a vous monsieur Baillargeon avec des idées qu’on sent bien réfléchies et qui nous poussent à la réflexion. J’ai pris toutes les positions, j’ai changé souvent d’idées et je réalise qu’il n’y a qu’une réflexion bien personnelle et approfondie sur ce qui nous dérange vraiment au-delà des personnes qui doivent guider nos décisions et la tolérance ne devrait pas être un critère de choix et/ou de réussite.
Je n’aimerais pas être une personne dont on dit qu’elle est tolérée ou endurée. Quand même!
Intéressante affirmation de Sacha Guitry:
***** »Me tolérer, non ; me subir, oui. »*****
Auteur : Sacha Guitry ; Œuvre : Faisons un rêve – 1936.
JSB