À mon humble avis, le Time s’est trompé: la personnalité de 2013 n’était pas le pape François, mais bien Edward Snowden.
Toutefois, si ses révélations sont bien d’une cruciale importance, en faisant porter l’attention sur les activités étatiques de surveillance, elles ont aussi contribué à ce que l’on n’ait pas assez souligné celles menées pas les entreprises, qui ne sont pas moins troublantes. Jugez-en, sur cette histoire.
La scène se passe dans les bureaux d’une gigantesque firme spécialisée dans le nouveau marketing. Vous y avez été convoqué pour résoudre un problème.
***
Le directeur: Nous vous avons demandé de venir parce que nous pensons que votre aptitude à résoudre des énigmes pourrait nous aider avec un problème que nous avons avec des datamasses.
Vous: Des data… quoi?
Le directeur: Rien de compliqué. Notre statisticienne en chef va vous expliquer.
La statisticienne: Pour le dire très simplement, on appelle datamasse ou big data, d’une part ces données qui sont justement immenses et générées par les nouvelles technologies (pensez à tout ce qui se publie sur la Toile chaque heure, jour, année…), d’autre part des manières inédites de les traiter, que des gens comme moi inventent pour en extraire des informations jugées importantes. La NSA, aux États-Unis, fait son travail de Big Brother avec des datamasses. Les entreprises font de même. Ici, chez nimportequoi.com, notre rôle est de générer pour nos clients de nouvelles techniques de marketing en réunissant et en analysant des datamasses.
Vous: Je vois. Mais comment faites-vous, plus précisément?
La statisticienne: Toutes vos transactions, tous vos passages sur la Toile, tous vos achats, tous vos courriels, tous vos appels téléphoniques envoyés ou reçus laissent possiblement des traces. Nous recueillons et stockons tout ce que nous pouvons sur les quelque 23 000 serveurs dont nous disposons et qui contiennent des milliards de données. Tenez: pour les seuls États-Unis, nous possédons quelque 1500 informations par personne sur 200 millions de personnes. Ces données sont ensuite traitées et des profils de consommateurs émergent, et permettent à nos clients de développer de nouvelles stratégies de marketing. Un exemple: disons que sur votre page Facebook s’affiche une publicité pour une marque de voiture précisément au moment où vous en magasinez une. Le responsable, c’est nous… avec la complicité de ces cookies que l’ingénu Petit Poucet que vous êtes avez involontairement laissé derrière vous lors de vos visites sur certains sites!
Vous: Donc, vous vendez ces précieuses informations à des entreprises?
La statisticienne: Exactement. Mais on les vend aussi au gouvernement. Les possibilités sont infinies. Par exemple, la Bill and Melinda Gates Foundation a investi près de 100$ millions pour créer Shared Learning Collaborative, devenue depuis inBloom. Ce projet est réalisé en collaboration avec la Wireless Generation (une filiale de News Corporation de Rupert Murdoch) et la Carnegie Corporation. Il vise à réunir et à stocker sur un nuage géré par Amazon de l’information sur les élèves de nombreux districts et États (New York, Georgia, Delaware, Kentucky, Louisiana): leurs noms, adresses, résultats académiques, handicaps éventuels, assiduité et de nombreux autres détails que l’école et les enseignants ne sont pas autorisés à dévoiler.
Vous: Mais c’est la fin de la vie privée par la surveillance permanente que vous m’annoncez là!
Le directeur (embarrassé): Nous reviendrons sur ce sujet plus tard. Pour le moment, nous aimerions avoir votre avis sur ce problème qui nous a menés à vous convoquer.
La statisticienne: Le voici. On sait qu’un client qui commence à acheter un produit à un endroit risque fort d’en développer l’habitude. Il est donc payant de fidéliser un client. Vous avez sans doute remarqué que lorsqu’un enfant naît, les parents reçoivent des offres de rabais sur toutes sortes de produits: couches, poudre, etc.? Ces promotions sont très payantes pour les entreprises, parce qu’elles fidélisent ces parents. Jusqu’ici, pour savoir à qui faire ces offres, il fallait consulter les registres des naissances et donc attendre que le bébé soit né. Plus maintenant!
Vous: Que voulez-vous dire?
La statisticienne: Nous avons développé une méthode d’analyse des habitudes de consommation des futurs parents: l’attente d’un bébé s’accompagne de changements de consommation – à commencer peut-être par l’achat d’un test de grossesse. Nous sommes donc en mesure d’indiquer à nos clients quelle femme attend un bébé quelques mois avant sa naissance.
Vous: Et ces entreprises peuvent donc envoyer leurs offres avant les autres aux futurs parents.
La statisticienne: Exact. Mais c’est là, voyez-vous, que nous avons un problème. Car quand nos clients ont commencé à envoyer des offres promotionnelles aux futurs parents, ceux-ci, soupçonnant avec raison avoir été espionnés – comment cette compagnie pouvait-elle savoir que cette dame était enceinte? – ont été outrés. D’où notre énigme: comment envoyer nos offres promotionnelles aux futurs parents décelés par datamasses sans les offusquer? On vous dit brillante. Vous avez une idée?
Vous: Rien de plus facile. Mais il est hors de question que je vous aide sur ce coup-là.
[Ce qui précède est authentique – sauf votre présence, bien entendu. Je donnerai la prochaine fois la réponse trouvée par la compagnie en question.]
[… Je donnerai la prochaine fois la réponse trouvée par la compagnie en question.]
???
Question de fidéliser le client ? :P
hihi
Edward Snowden démontre que la liberté existe encore, meme s’il faut en payer le prix. Big Brother ne controle pas encore tout. Que nous réserve 2014 ? Je respecte le choix du pape qui est un Jésuite disciple de Loyola !!!
Je suis étonné qu’Edward Snowden n’ait pas encore divulgué des noms de personnes travaillant à la NSA. Ou bien l’a-t-il fait mais les médias ont peur de poursuites judiciaires, ou encore cela donnerait une impression de vengeance sur la personne.
Stuart Armstrong, un membre du Future of Humanity Institute de l’Université d’Oxford, écrit dans un article, qu’un antidote à la surveillance de masse unidirectionnelle est la DÉMOCRATISATION et la TRANSPARENCE de l’information. On pourrait penser qu’il veut dire que tous auraient accès aux informations et à ceux qui la manipulent, mais Armstrong pense que c’est utopie. Il propose plutôt d’ouvrir les valves, si je puis dire en « améliorant les surveillances de masse ». Est-ce que cela signifie que tous auraient la possibilité d’espionner l’autre (spy back)? Eh bien, il propose que oui.
Pour ma part, je suis attiré par l’idée d’une législation claire permettant de connaître sans contrainte, les personnes et compagnies qui vendent des datas et même ceux qui les reçoivent comme les membres de partis politiques. Je me dis que si les données sont extraites à partir de nos habitudes de vie, que ce soit de façon privée ou publique, par une corporation, une agence, un gouvernement municipal, provincial ou fédéral, etc., du moment qu’elles sont vendues et transmises, elles deviennent publiques. Les transferts de data masses devraient donc être soumises aux lois d’accès à l’information.
L’impératif catégorique (Kant) doit s’appliquer. Ainsi, le président de la compagnie de marketing aimerait-il qu’on vende ses informations à une compagnie de marketing ? Il devrait agir en conséquence. Si on vote pour une universalité d’accès aux informations, on tend vers une démocratie, mais le contraire me porte à penser qu’on vit dans une société pouvant passé d’injuste à totalitaire.
Article intéressant : http://theconversation.com/make-surveillance-work-for-the-people-let-them-spy-back-21634
Addendum : Le 13 avril 1936, Time a décerné à Adolf Hilter le titre d’homme de l’année.
Ça me fait penser à une nouvelle d’Asimov, »Le votant » je crois: le super-ordinateur Multivac à toute l’information sur tout le monde, absolument toute l’information, une méga-bid data.
Multivac peut donc estimer les tendances et les orientations de l’opinion. Lors des élections, toute cette information permet à Multivac de choisir une seule personne qui est vraiment la personne la plus moyenne au monde, le meilleur représentant de tous les électeurs. C’est cette personne et seulement cette personne qui ira voter et qui va élire le président des USA!
Si Google fait de la science (et oui, le moteur de recherche tout seul a fait des découvertes en génétique, en écologie, en neurologie…), ces datamasse pourront un jour nous dire quels livres nous devrions lire, pour qui nous devrions voter et si nous devrions, oui ou non, inviter cette belle collègue prendre un dernier verre chez nous..
article »Google, le nouvel Einstein » dans Science et vie, juillet 2012
http://planete.gaia.free.fr/sciences/divers/google.html
Honnêtement, que les gouvernements où les vendeurs de machins-trucs savent ce que j’achète sur le net ou ailleurs, so what? D’autant plus que je peux filtrer, bloquer, ou tout simplement ne rien acheter de ce qu’ils proposent. Que le gouvernement sache ce que je raconte sur le net, so what? SI j’étais un terroriste ou un blanchisseur d’argent, j’irais pas klaxonner ce que je fais sur la toile, non? Y a des moyens d’être discret, sinon je ne serais pas très bon à ça et j’aurais aps beaucoup de clients. Tout ça, c’est juste de la paranoïa primaire…
« Y a des moyens d’être discret… »
edward snowden a justement prouvé qu’il y en a moins que tu pensais, des moyens d’être discret. quand il n’y en aura plus du tout, de ces moyens, il sera trop tard. réveille andré martin.
… et sérieusement, en criant au viol de renseignements personnels, en multipliant les déclarations publiques ou en légiférant mur à mur, pensez-vous sérieusement que ça ne se passerait plus? En parallèle des idéalistes comme Snowden, je soupçonne les gouvernements (pas seulement américain) d’être à la source de ces fuites, pour rassurer dans un premier temps, endormir dans un deuxième temps, et mieux contrôler par la suite. En tout cas, c’est ce que je ferais. Donc, au final, comme dirait William (Shakespeare): « Beaucoup de bruit pour rien ».
Je crois que vous dites cela parce que nous sommes dans un monde relativement démocratique mais qu’en est-il si des âmes moins vigilantes et moins honnêtes que la vôtre détenaient vos informations mais pas l’inverse ? Je ne fais que poser la question. L’offre de légiférer serait un mécanisme de prudence.
un prof d’université « descend » de son firmament universitaire vers le sol de la Toile du citoyen anonyme . Et que vient-il y faire? Y partager le vaste répertoire de ses connaissances? Réfléchir…ou surveiller? Surveiller qui pense contre lui, à visage découvert…pour mieux ensuite le cibler, l’accusant au passage de « ne pas comprendre ». L’isolant dans son œil numérique, son blogue, comme un drône… un drone universitaire???
Je sais pour vous, David ou Nounours, mais j’ai pas grand chose à cacher: pas de compte aux Caymans ou en Swiss (j’aimerais ça), je twitte pas avec des terroristes basques, j’aime Dieudonné mais je pense pas faire de la taule pour ça, je chiale un peu sur les medias sociaux (mais pas plus que Coderre, et plutôt contre), je me selfie pas en train de rouler à 160 sur la 30, en hurlant des conneries et avec une casquette à l’envers. La dernière fois que j’ai parlé de données personnelles, c’était avec une employée du ministère de la santé, qui m’a assuré que mon dossier était confidentiel « for my eyes only ». Ben voyons!. Bref, rien pour appeler sa mère…
Bonjour. Vous dites : « Je sais pour vous, (…) » dans votre première phrase. Vous avez sûrement voulu dire « Je ne sais pas pour vous, (…).
Le propos n’est pas ce que fait ou ne fait pas l’individu dans le privé mais ce qu’en font des compagnies privés avec des intérêts personnels (raison sociale). On peut imaginer que des erreurs se glissent dans les ventes de données et faussent la réalité. Exemple : Les agences de crédit comme Equifax ou Transunion qui décident si je suis solvable ou non. Je ne peux ni voir parler directement à quelqu’un de ces 2 compagnies. C’est seulement à partir de données informatiques que ces compagnies se basent pour apposer une cote de crédit. Voici un reportage de Radio-Canada sur le taux d’erreur sur cette brillante compagnie qu’est Equifax (20 pour cent d’erreur). Je répète que les caisses et banques attribuent notre valeur de crédit personnelle sur des inepties pareilles. Rien à voir avec ce que vous êtes, avec qui vous parler, ou combien exemplaire vous êtes comme personne.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2012/11/19/007-agence-credit-erreurs-giasson-lundi.shtml
@andré martin
bref ça te dérange pas que l’on t’espionne. et bien moi oui. je crois que tu es bizarre.
La jumeller a d’autres offres promotionnelles!
«comment envoyer nos offres promotionnelles aux futurs parents décelés par datamasses sans les offusquer?»
Étant donné qu’il existe déjà une réponse à la question et que ma réponse aura peu d’impact sur la suite des choses, voici une suggestion:
Avec la collaboration du gouvernement, à partir des prévisions statistiques vous préparez et vous offrez des échantillons des produits commerciaux dans les hôpitaux publics. Les parents peuvent accepter ou pas le cadeau…
Pas bizarre Nounours, juste exhibitionniste! Blague à part, es-tu naïf au point de croire que de légiférer dans un sens ou dans l’autre va changer quoi que ce soit à cette collecte d’infos à notre sujet? Tu te rends au centre-ville à te cours de McGill et tu as déjà été scanné 20 fois. Tu commande un hub USB sur un site chinois, le lendemain t’as 22 vendeurs qui te proposent des gugusses. Si tu te mets à capoter là-dessus, tu vas finir en dessous de ton lit avec une chandelle… et tu vas mettre le feu!
John, j’ai sauté un paiement de carte de crédit en 20 ans, pour cause d’un déménagement, et je suis devenu un mauvais payeur pour un fournisseur internet six mois plus tard. Un an après je pouvais acheter une voiture zéro mise de fond. J’emmerde Équifax et il me le rende bien. Je n’ai jamais contacté Équifax, mais le système avait besoin de me vendre une voiture plus que de continuer à m’emmerder. Au final, c’est de la grosse bulshit. Il faut pas se laisser emmerder avec ça (et en passant j’ai pas acheté l’auto), et restons zen.
Toute la différence est dans le laisser-faire. On peut être zen ET responsable sinon zen signifie d’être en-dessous de son lit avec une chandelle (un sot à bon cœur). On ne se comprend pas manifestement pas puisque je pense en fonction d’une information responsable (res – social) et vous continuez à recentrer vers « vous » seulement.
David, une information responsable, ça ne veut rien dire. En dehors de faits vérifiés scientifiquement (très nettement sous-représentés dans les medias), il ne s’agit toujours que d’opinions, personnelles ou commandités (rémunérés). à toujours prendre avec un grain de sel et beaucoup de zen. Concernant mon « je », on n’a qu’un point de vue dans la vie: le « je » sur le « nous ». Des fois, ça se confond. Des fois, pas. Mais à travers le filtre zen, c’est toujours pareil. Quoique…
@ DavidHume 9 janvier 2014:
« Exemple : Les agences de crédit comme Equifax ou Transunion qui décident si je suis solvable ou non. Je ne peux ni voir parler directement à quelqu’un de ces 2 compagnies. » (sic)
FAUX!
Vous pouvez leur téléphoner ET vous présenter à leurs bureaux pour avoir accès à votre propre dossier de crédit ET faire effectuer les corrections si elles s’avèrent fondées et nécessaires.
Ça prend un certain temps mais c’est tout à fait possible.
Merci de la précision Francois 1.