Il me semble qu’on parle beaucoup de cynisme, ces temps-ci, de ce cynisme en lequel plusieurs sont tentés de voir le mal politique de notre époque.
Pour un philosophe, le mot a de fortes résonances, puisqu’il désigne une assez extravagante école philosophique de l’Antiquité qui vantait, entre autres, les vertus de l’autosuffisance, de l’ascétisme et de la frugalité.
Mais le cynisme contemporain n’a pas beaucoup en commun avec elle, et il est très probable que la grande majorité des gens qui se disent ou qu’on dit cyniques n’ont jamais entendu parler d’Antisthène ou de Diogène, deux des plus célèbres cyniques de l’Antiquité.
Qu’est-ce donc qu’un ou une cynique, au sens actuel du terme?
Le cynisme peut être défini comme un mélange de lucidité et de dénigrement, comme ce double mouvement par lequel la réalité est simultanément mise à nu et condamnée. Ambrose Bierce définissait en ce sens un cynique (je paraphrase) comme une personne qui a le manque d’élégance de voir les choses comme elles sont et non comme tout le monde souhaiterait qu’elles soient. Pour cette raison, ajoutait-il, le cynique est jugé être un grossier personnage par ceux et celles qui ne le sont pas – et lui-même voit d’ailleurs dans le refus généralisé de voir les choses comme elles sont et d’en tirer les conséquences qui s’imposent comme un nouvel aliment pour son cynisme: comment réagir, sinon avec cynisme, devant ceux qui ne sont pas cyniques?
Le cynisme actuel, comme c’est souvent le cas des grandes idéologies qui traversent une société, a du bon et du mauvais.
Commençons par le bon.
Pour ma part, j’aime, chez le cynique, cette ambition de lucidité, cette exigence de ne pas s’en laisser conter, cette volonté d’arracher les masques et de mettre à nu, le cas échéant, sous les dehors vertueux que les gens et les institutions aiment montrer et auxquels on voudrait qu’on s’arrête, leur vraie nature, leur manque de sincérité et leurs réelles motivations, bien moins nobles.
On le sait: il y a à notre époque une quantité phénoménale de travail de ce type à faire, et les élections en cours, plus que tout autre moment politique, sont de nature à nourrir un très profond cynisme. Et en ce sens, un certain rapprochement avec le cynisme ancien est justifié: celui-ci professait en effet une indifférence confinant au mépris des institutions sociales et politiques.
Un autre aspect du cynisme que j’aime bien est cet humour si particulier qu’il incite à pratiquer, un humour à la fois désabusé, mordant et sarcastique. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si notre cynique époque affectionne tant l’humour. Cette fois encore, un certain rapprochement avec les cyniques de l’Antiquité, connus pour leurs bons mots, est possible. Pour m’en tenir à cet exemple, à Alexandre le Grand, qui proposait de lui offrir absolument tout ce qu’il pouvait désirer, le cynique Diogène, qui habitait dans un tonneau, aurait simplement répondu: «Ôte-toi de mon soleil». Quoi qu’il en soit, je perçois dans certaines manifestations de l’humour des cyniques quelque chose qui ressemble à l’humour noir, par lequel l’esprit ne se déclare pas vaincu, même devant une réalité qui semble devoir l’emporter sur nos désirs et nos espoirs.
Mais c’est justement à propos d’espoir que, pour moi, le cynisme actuel peut être décevant: quand il se prolonge jusqu’à le bannir tout à fait. Cela se produit quand, devant le réel au masque arraché, on ne se contente plus de sourire, mais on conclut, résigné, qu’il n’y a absolument rien à faire. C’est ce cynisme-là, teinté de pessimisme, que je trouve désolant. Celui des militantes et militants que je connais est différent, et à défaut d’être naïvement optimiste, il se prolonge dans l’action avec la conviction qu’on peut et qu’on doit changer les choses.
Comment faire des militants avec des cyniques pessimistes? Sans doute, en partie au moins, en redonnant de l’espoir. Et c’est pourquoi plusieurs pensent que le grand défi de notre moment historique est de nourrir l’espoir en montrant, à ceux et celles qui désespèrent de notre monde et qui en connaissent tous les défauts, parfois pour avoir payé la leçon d’un si fort prix, qu’un autre est possible.
Ce travail est parfois compliqué par un autre défaut que je relève aussi dans le cynisme contemporain: son relativisme. Et ici, le cynisme actuel s’éloigne absolument du cynisme ancien, qui était une entreprise intellectuelle confiante dans les pouvoirs de la raison. Le nôtre s’exerce parfois, à tort, jusque contre celle-ci, jugeant que science et raison, dont les défauts ne sont ignorés de personne, ne sont, immanquablement, rien d’autre que des masques d’intérêts économiques ou idéologiques, sans prise sur le réel. Ce cynisme ne se contente pas d’arracher les masques: il décide à l’avance que tout est masque, que rien n’est sincère et n’a de valeur. Ce cynisme-là est suicidaire. Et si vous ne me croyez pas, essayez d’échanger avec un climatosceptique!
Concluons par une formule, imparfaite, sans doute, mais qui saisit assez bien ce que j’ai voulu dire: «Penser en cynique, mais agir en militant.»
Et cela, bien entendu, n’implique pas nécessairement d’aller voter: mais c’est une autre histoire…
Réflexion intéressante, monsieur Baillargeon. Jean-Jacques Pelletier dit à propos de ses romans qu’il « aime ébranler la naïveté des gens ». Il correspond sans doute au type de cynisme que vous admirez, et pour lequel j’ai un faible aussi.
M. Couture: il se trouve que je rencontre M. Pelletier demain et vendredi: il participe au colloque de la revue À Bâbord sur les retraites, un sujet qu’il connait bien. Si et seulement si ça ne vous demande aucun effort, avez-vous la source de cette chouette citation? Je lui en parlerais… Cordialement.
Cette « chouette citation » vient de la conférence qu’il a donnée hier soir à la bibliothèque Pierre-Georges Roy à Lévis. Il a d’ailleurs mentionné votre colloque sur les retraites… Bon colloque.
Hé merci!
Le militantisme n’est-il pas la forme suprême d’aliénation?
De rien!
Je suis un cynique optimiste. D’abord cynique du fait que les politiciens obligent tout le monde à s’asseoir, obéissants, autour de LEUR table de poker et à jouer avec LEURS cartes à eux. Sachant aussi que la partie est observée sous la table par des lobbyistes qui veulent que LEURS partis politiques gagnent.
Je suis optimiste parce que la partie peut se jouer équitablement si je fais prendre conscience à ceux assis autour de la table que les cartes sont truquées. Je suis optimiste parce que la lucidité ne se traduit pas nécessairement par une hausse de la productivité.
Je suis optimiste parce que je sais que la population est aveuglée, si elle ne se rend pas compte qu’une conscience peut être endormie par une éducation soporifique. Je suis optimiste que la population se réveillera le jour où, petit à petit, elle se verra acculée au mur.
Ceci dit, je suis pessimiste parce que ceux qui contrôlent la table à cartes tiendront à la conserver et qu’ils feront tout en leur possible pour en garder le contrôle, allant même jusqu’à faire peur à ceux qui voudraient plus d’équité.
Je suis optimiste, en souhaitant que la raison d’une plus belle qualité d’être pour tout le monde l’emporte sur ceux qui pensent qu’il n’y a que l’argent, le statut et l’avoir compte. Je dis cela tout en sachant que la plupart des gens vivent dans une prison psychologique.
Esssayons ensemble de nous fabriquer des clés pour les en sortir.
Très intéressant! J’ai lu, à ce propos, un témoignage qui ramenait cette idée à la noirceur et à la lumière.
« La noirceur ne peut lutter contre la noirceur. Seule la lumière le peut. » Une formule que je joindrai dorénavant à la vôtre!
Personnellement, je l’ai dit très souvent, de très nombreux citoyens ne sont pas cyniques. Ils sont désenchantés. Jack Layton a fait diminuer ce désenchantement. Personnellement, je suis pas mal désenchanté par l’actuelle et déprimante «bataille de rue».
VOTER OU NE PAS VOTER, je me pose souvent la question.
JSB
Excellente réflexion de Normand Baillargeon à propos du cynisme.
Si je puis ajouter à cet excellent texte la remarque suivante: combien de termes ont-ils traversés les siècles sans connaître une certaine forme de distorsion dans l’esprit populaire?
Je pense à un autre terme qui correspond à une école philosophique grecque, dont la signification contemporaine n’a absolument rien en commun par rapport à ces origines: épicurien.
Un autre mot contemporain dont les origines grecques ont très peu en commun: amour. En grec nous connaissons au moins trois ou quatre mots dont la signification moderne ne s’est à peu près rabattue que sur l’aspect charnel d’un mot pourtant si riche en signification, et en vécu.
Et combien d’autres termes encore ainsi distorsionnés par le temps?
Eros, Agape, Philia… et Nomos ?
En effet, pour les trois premiers évoqués dans votre réponse monsieur Desjardins, vous avez raison.
Cependant j’ai toujours pensé qu’il y avait un ordre graduel (dans l’esprit grec ancien) en débutant par:
1. Philia (φιλία / philía) : l’amitié, l’amour bienveillant, le plaisir de la compagnie;
3. Éros (ἔρως / érôs) : l’amour naturel, la concupiscence, le plaisir corporel;
4. Agapè (ἀγάπη / agápê) : l’amour désintéressé, divin, universel, inconditionnel;
Mais il y en a un second qui est souvent oublié:
2. Storgê (στοργή / storgế) : l’affection familiale, l’amour familial;
Voir Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Concepts_grecs_pour_dire_amour);
Cependant j’ai grand peine à comprendre « νομός / nomós » dans cette série de termes, peut-être manque-t-il à mon bagage culturel?
D’après ce que j’ai pu relever dans le Wiktionnaire, νόμος, nómos: « (« diviser, partager »), doublet lexical de νομός (« portion, part »), le partage, la division impliquant une idée d’ordre, puis de loi → voir ratio (« ration, raison ») et lex (« loi »), déverbal de legere (« choisir, prendre à part, trier ») en latin. »
J’ai été obligé de retourner à mes cours de philo de la sexualité des années 80… Il n’y était en effet pas question de la storgê.
Quant au Nomos, en contexte, il figure la soumission tantôt à la volonté d’un dieu, tantôt à quelque principe ésotérique ou au contraire à la nature comme chez les matérialistes anciens par exemple. Je crois que le dévouement et l’engagement dans une cause sont de cet ordre. Cette «soumission» n’est pas une aliénation mais la reconnaissance d’une nécessité plus haute que celle de l’amour d’acquisition.
En fouillant un peu plus loin, j’ai aussi trouvé la caritas, qui conférerait à l’amour humain, qu’il soit Éros ou Philia, une dimension spirituelle allant au-delà du désir ou de la bienveillance naturels. Vertu théologale par laquelle Dieu nous rend apte à agir en vue de sa gloire (qui n’est rien autre que la perfection à laquelle nous aspirons en toutes nos entreprises).
Évidemment, je m’en tiens ici à quelques concepts – un peu moins maîtrisés que dans le temps – par lesquels la tradition chrétienne a circonscrit l’idée d’amour et qui constitue en bonne partie l’arrière plan inconscient de notre propre expérience, pour le meilleur et le pire… Notre inconscient chrétien, en somme, comme nous en avons un autre, l’aristotélicien…
Pour paraphraser les Cyniques:
« Chère concitoyens, je m’engage a travailler 24 heures par jours pour l’économie… et le reste du temps pour vous! »
Il me semble que quand on parle de cynisme, dans la langue courante, c’est le plus souvent au sens qu’on lui donne en anglais et qui n’a qu’un rapport assez éloigné avec la tradition philosophique. Il n’y a pas à redire. Diogène n’en avait vraiment pas fait une marque déposée soumettant son utilisation à des exigences de conformité. Mais puisqu’on est en territoire philosophe…
On raconte que certains cyniques, entre autres pratiques bizarres, s’entraînaient à quémander leur pitance auprès des statues, histoire de s’habituer à essuyer un refus. L’anecdote, vraie ou pas, est d’une grande portée symbolique. Elle indique à la fois chez eux un véritable appétit de sens et une méfiance militante à l’endroit des formes dans lesquelles celui-ci a l’air de s’être noblement déposé. Ce sont les convenances, les conventions, les règles, bien sûr, mais aussi ces figures d’un savoir prétendument achevé que sont Platon et Aristote (déjà sérieux aspirants philosophes en roche). Le cynique est avant tout un idéaliste déçu mais pas un relativiste pour autant. C’est en ce sens qu’il me semble qu’on pourrait comprendre la citation de Bierce qui dit, au texte : « Grossier personnage dont la vision déformée voit les choses comme elles sont, et non comme elles devraient être. » Il entend ainsi opposer à la problématique chevaléité du cheval, telle que prescrite par le philosophe, l’entêtante senteur de sa crotte, en laquelle il trouve les linéaments d’une science dont il n’éprouve pas tant le désir de la développer, tant il trouve tout son profit à vivre simplement en accord avec « la nature », avec une vision moins « déformée » que délivrée des formes dans lesquelles la pensée s’emprisonne et se pétrifie si fréquemment.
Mais cette ascèse intellectuelle tourne souvent hélas en son contraire. Le voilà bientôt qui prenant à trop bon compte un appui immédiat sur « la nature », s’en justifie pour renvoyer dos à dos toutes les aventures théoriques et éthiques qui ne pratiquent pas un tel naturel comme autant de relativismes creux. Dogmatisme sans dogme autre que le privilège de l’attitude, sa protestation spectaculaire contre la bêtise ambiante y retranche-t-elle quoi que ce soit? Rien, des fois, sinon la bienveillance avec laquelle il convient de traiter son semblable.
Sont-ils tous comme cela, les cyniques, anciens ou modernes? Sans doute pas. S’il s’en trouve beaucoup pour railler prétentieusement ceux qui ne voient pas les choses « telles qu’elles sont » en leur déniant cette capacité, il s’en trouve aussi beaucoup pour se rappeler que le cynisme est d’abord affaire d’attitude morale où la modestie occupe la première place. Le cynique authentique, en ce sens, pratique cet amour du vrai qui caractérise les véridiques. Quand il trouve trop séduisantes ses propres opinions, il ne répugne pas à se donner le ridicule de dire merci à cette belle statue et même, paraît-il, à passer quelquefois son chemin sans répondre à l’appel de telles richesses autrement que par un tout petit pet bien senti.
Intéressant votre texte, M. Desjardins, c’est coulant et votre réflexion touche tout à fait au vrai sujet de M. Baillargeon.
Beau texte, M. Desjardins. Et belle réflexion.
Merci de l’occasion que vous en donnez chaque semaine, cher ami!
Je pense que les politiciens ont besoin d’être sevrés car ils ont plutôt une fixation sur le stade de la soif du pouvoir au point de se battre et se dénigrer comme des enfants se chamaillant pour la même suce. De loin est puissante cette soif pour les joyaux et les ornements.
Vous avez raison Normand en identifiant l’humour comme partie intégrante du « cynisme actuel ». L’humour me semble l’affirmation saine du vivant face à un corps étranger qui veut se faire passer pour le représentant du vivant. Le virus est incapable de se répliquer lui-même, il a besoin de membres élus pour se reproduire, donc il utilise pour la synthèse de ses propres constituants, les matériaux de la cellule qu’il parasite. Une fois incorporé, il gobe tout et le transforme en affection. Il existe par exemple un virus : le GBarrette1.2 (dont le prénom est Gaétan), ses apparences portent à croire à la santé par affiliation, mais il se révèle plutôt un organisme virulent absorbant les nutriments et l’énergie des cellules saines. À mesure que le virus prend de l’ampleur il élimine les cellules saines par attrition. Posologie : lucidité.
Doris Lussier se plaisait à dire dans Viens faire l’humour et le plaisir:
« Je tiens, moi, que les deux plus grandes valeurs humaines sont, premièrement, l’amour universel et inconditionnel des êtres, et, ensuite, l’humour. L’amour qui nous justifie de vivre… et l’humour qui nous en console. »
Dans un autre ordre d’idées monsieur Baillargeon, connaissez-vous cette étude effectuée en 2004 par le Emory College d’Atlanta en Géorgie?
http://www.sciencedaily.com/releases/2006/01/060131092225.htm
Des observation intéressantes sur le fonctionnement du cerveau, mais qui semblent demeurer sans réponses quant à leur causes.
Pourrais-je me permettre de suggérer un nouveau « neuromythe » en éducation, à savoir qu’un cynisme optimiste est le seul moyen de nous soulager de ces problèmes? ;)
*****CAVE CANEM*****
En fait, j’aime beaucoup le cynisme lorsqu’il cohabite avec l’ironie. Quand le merveilleux Jacques Ferron a fondé le Parti Rhinocéros au début des années 60, il voulait que ce parti soit largement basé sur une ironie dévastatrice marquée au sceau du cynisme. Un cynisme lucide et décapant.
À partir de 1966, grande a été ma chance puisque j’ai eu la chance de connaître, à Longueuil, Jacques Ferron, l’Éminence de la Grande Corne. J’ai aussi connu, ô bonheur, le cénacle (ce terme n’est ni cynique ni ironique) de ceux et celles qui assuraient la survie du Parti et qui cherchaient de nouvelles fantaisies et «visions».
Le principe fondamental du Parti, c’était de toujours dire, avec élégance, si possible, le contraire de ce que nous pensions. Nous étions le Parti le plus fédéraliste, absolument et radicalement pro-Canada, pro-Rocheuses, pro-bilinguisme, pro-Trudeau, et j’en oublie.
Nous « considérions » les pauvres comme étant des parasites et des fainéants. Nous voulions que les femmes retournent dans «leurs» cuisines. Et ainsi de suite.
Ce qui avait frappé et insulté certains citoyens des autres provinces, c’était l’idée selon laquelle le Canada allait, grâce au Parti, devenir un pays totalement UNI. Pour y arriver, il fallait couper les Rocheuses et remplir les trous un peu partout dans le »pays », en utilisant la terre et les roches de ces « merveilleuses montagnes ».
J’ai eu l’occasion et la chance d’être candidat «rhinocérien» à diverses reprises, jusqu’en 1984. Après cette année terriblement «orwellienne», ce sont les clowns qui ont pris le contrôle du Parti. Et je suis parti.
Je ne sais pas comment Normand réagit vis-à-vis de cette IRONIE CYNIQUE ou de CE CYNISME IRONIQUE.
À partir de 1980 il y a eu de nombreux partisans et candidats dans d’autres provinces. Un jour, un Inuit des Territoires du Nord-Ouest nous a téléphoné pour nous dire que les sondages le désignaient comme vainqueur. Il voulait savoir quoi faire. Nous lui avons répondu que lorsqu’il arriverait à Ottawa, il serait reçu par un comité d’accueil, comme on en voit rarement. Mais diverses tractations ont fait en sorte que c’est un candidat NPD qui a été élu.
Il y aurait beaucoup à dire mais je ne veux pas ennuyer celles et ceux qui, éventuellement, me liront.
JSB, appartenant à une «catégorie» (les rhinocéros) en voie d’extinction, partout dans le monde
J’ai cherché un candidat du Parti Nul sans succès, par conséquent exit mon vote. J’aurais souhaité un Parti qui mette de l’avant une Charte de l’Entartage (je m’ennuie de ce rituel).
Vermine Supreme aux USA n’est pas mal non plus.
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L’autosuffisance, l’ascétisme et la frugalité ne sont pas sans rappeler les enseignements de la philosophie de Bouddha.
Bonjour M. Baillargeon,
Enfin une chronique qui vante le cynisme quand il est utilisé à bon escient, c’est-à-dire comme point de départ pour faire évoluer les choses. Et c’est très intéressant que vous parliez du cynisme comme philosophie remontant à l’époque de la Grèce antique!
J’aime beaucoup certains des thèmes qui reviennent chez vous: l’humour comme voie d’insubordination de l’esprit, très joli, ça se rapproche de votre amour de la poésie et de Prévert. Je voudrais seulement mettre en doute votre appel à l’espoir.
Vous êtes déçu que le cynisme bannisse l’espoir, car cela nous ferait baisser les bras. Or, si je suis convaincu de la nécessité du cynisme moderne et de son désespoir, je ne crois pas que cela empêche la lutte et la force vitale qui l’anime.
L’espoir est un double acte de foi: que l’avenir peut être (et sera) meilleur (tendant vers une utopie) et que la lutte est un moyen afin de faire advenir ou d’accélérer le mouvement vers le meilleur projeté.
Pour ma part, je n’ai pas cet espoir. Je juge que l’humanité en tant qu’espèce procède à son auto-liquidation consciente, que celle-ci se fait et se fera dans la violence et que les transformations sociales des siècles à venir ne risquent que d’amplifier et d’accélérer ce phénomène. Je ne crois ni aux grands soirs ni aux lendemains qui chantent (ni ne les souhaite), ni à une issue des luttes révolutionnaires.
Toutefois, je conserve quelques attitudes que vous effleuriez en les mêlant à l’espoir dans votre chronique: l’amour, la tristesse, la joie, le sentiment du devoir, la philanthropie, la sensibilité, la fragilité, la force. Je crois d’ailleurs que l’abandon de l’espoir m’a permis d’intensifier ces attitudes. Du cynique, je conserve l’insubordination totale, l’humilité intransigeante, la transgression de tous les interdits, le scepticisme radical et l’instinct de liberté.
« Lacrymo – ce qui fait pleurer les anarchiste » de Dupuis-Déri montre bien l’importance de ces émotions dans l’action politique. Lorsqu’un camarade de lutte se suicide, lorsqu’une bataille est perdue, lorsqu’un injustice flagrante est commise, lorsqu’il n’y a plus d’issues, malgré qu’il n’y ait rien à espérer, le sentiment politique est à son plus fort. La lutte n’est plus un moyen de se rapprocher d’objectifs stratégiques mais un impératif catégorique, un devoir.
Évidemment, certaines formes d’engagement sont émotionnellement moins marquées et moins spectaculaires. Le travail de réflexion, par exemple, se transpose moins facilement en scène hollywoodienne de sacrifice héroïque. Toutefois, pour le ou la cynique pessimiste, toute lutte (même la plus banale) reste tout de même un baroud d’honneur. CertainEs diront que c’est une coquetterie, une attitude immature et romantique qui trahirait une forme d’hybris. Le ou la cynique répondrait que son refus de se conformer, même devant une défaite certaine, vient plutôt de la joie de subvertir une autorité qui tente de s’imposer par la force plutôt que par la vérité. D’autres diront que sa lutte est entièrement destructrice, qu’à vouloir jeter à bas tous les édifices du pouvoir, il ne construit rien de solide. En effet, le ou la cynique n’attend rien d’autre de son insubordination que la réaffirmation de son insubordination elle-même. Il ne s’agit pas de dessiner une alternative pour le futur, mais d’être soi-même en décalage vis-à-vis de ce qui est attendu dans le présent.
Cette attitude me semble illustrée avec génie par un groupe que je considère comme les plus grands artistes vivants au Québec: le groupe de musique humoristique aux tendances anarchistes « Mise en demeure ». S’il conserve du punk la devise « no future », il sait se moquer du présent avec une désinvolture jubilatoire assez unique. Contraire au bon goût, il mêle la musique pop, les slogans violents, l’actualité, le punk et les émeutes, chantant des paroles le plus souvent illégales. Si cette musique ne fait pas entrevoir un avenir meilleure, elle réussit néanmoins à provoquer chez un public en délire qui mush-pit sans bon sens un sentiment de libération instantané. Peu importe si cela ouvre la voie, tant qu’il se lance des pavés, ils sont contents. Ils finiront probablement dans un tonneau, ou bien empoisonnés par l’eau de javel répendue sur la bouffe qu’ils mangent dans les poubelles ou encore tirés par des flics enragés pendant une émeute. Ils rejoindront diogène en enfer où ils foutront la marde comme eux seuls savent le faire.
Comme l’a écrit M. Foglia: « le cynisme, c’est 50% de naïveté, 50% de désespoir, 50% de peur de mourir médiocre et 50% de rire. »
Ce qui rappelle la formule de Gramsci: « pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté ».
Le dernier « cynisme » dont vous parlez devrait lui-même retirer son masque et être appelé par son nom: nihilisme.