Le saviez-vous? Les États-Unis consacrent un très maigre 4$ par habitant par an à ses diffuseurs publics. La Norvège, elle, championne du monde, y consacre 164$. La moyenne est de 87$ par an pour 18 démocraties aux économies libérales (Japon, France, Espagne, etc.).
Sachant cela, voici une question: combien coûte Radio-Canada, notre diffuseur public, par an, à chacun de nous? La réponse suivra plus loin.
Radio-Canada vous coûte en tout cas de moins en moins cher, puisque des coupes budgétaires ne cessent de s’abattre sur cette institution. Avec les plus récentes, la situation a semblé à ce point grave que des journalistes vedettes de l’antenne ont, chose rare, jugé bon de faire part publiquement de leurs inquiétudes.
Bien des choses me frappent dans ce dossier, mais je ne pourrai ici qu’en rappeler trois.
La première, et j’aimerais me tromper, est que ces coupes ne suscitent que trop peu de réactions de la part du public et se font, somme toute, dans une relative indifférence.
De nombreuses raisons l’expliquent, je le sais bien, mais parmi elles il faut noter que des décennies d’assauts idéologiques et économiques contre des institutions incarnant le bien commun ont fait leur œuvre. L’extraordinaire attaque frontale du gouvernement Harper contre la recherche scientifique au Canada, elle aussi trop largement ignorée du public, en est à mes yeux un autre parfait exemple. Et elle est à rapprocher des coupes faites à Radio-Canada, dans la mesure où cette institution a, comme la science, un rôle irremplaçable à jouer dans la conversation démocratique.
Ce qui me conduit à ma deuxième remarque.
Je pense en effet que c’est (en partie au moins) en rappelant avec force le rôle particulier des institutions publiques dans cette conversation démocratique qu’on fera en sorte que nos compatriotes verront mieux l’importance de se porter à leur défense.
S’agissant de Radio-Canada, ce rôle est de contribuer à la santé de la démocratie délibérative en se plaçant dans une perspective différente de celle de ses concurrents. Une formule résumerait assez bien ce que je pense: les autres médias, qui ont certes un rôle à jouer, s’inscrivent essentiellement dans une logique commerciale de satisfaction d’une demande, réelle ou perçue; un diffuseur public, lui, joue son rôle propre en s’inscrivant essentiellement dans une logique pédagogique de proposition d’une offre.
De ce point de vue, Radio-Canada est là pour prendre des risques, pour s’engager dans des avenues autrement peu fréquentées, pour ouvrir des pistes. Elle le fait avec tout le respect dû aux fonds publics, tout en sachant que le service du bien commun ne la contraint pas aux mêmes exigences de rentabilité que les autres.
La rentabilité de Radio-Canada se mesure dans une durée plus longue que celle du profit immédiat. Elle se mesure aussi en des termes différents et cette singulière comptabilité a des entrées comme: des citoyens informés; le traitement de sujets peu couverts ailleurs; l’audition de voix différentes; l’irremplaçable service rendu aux régions dont les réalités et problématiques propres sont, là et pas ailleurs, discutées; la défense du fait français en Amérique du Nord; et de nombreuses autres. Tout le monde bénéficie de cet apport, y compris, j’insiste, les diffuseurs privés eux-mêmes, que stimule de bien des façons cette perspective qui caractérise un diffuseur public.
Il faut donc, et en ces heures plus que jamais, rappeler le rôle particulier d’une institution comme Radio-Canada dans la conversation démocratique. Or cela, bien entendu, se fait d’abord et avant tout en l’incarnant.
Ce qui me conduit à ma troisième observation.
Je le dis en tout respect et en espérant même qu’on me montrera que je me trompe: il me semble que Radio-Canada s’est, au fil des ans, desservie en renonçant trop souvent à son identité et à sa mission: recours important au privé (ce qui pourrait être la forme prise par les PPP dans la boîte); acceptation de la publicité (quand elle est apparue au Téléjournal, il y a des années, j’ai écrit que les journalistes auraient aussitôt dû porter un brassard noir: je maintiens que c’est ce qu’il fallait faire); émissions (de divertissement, par exemple) devenues difficiles à distinguer de celles proposées ailleurs. Bref, ce sont des exemples de ce que j’ai en tête. Chacun de ces renoncements nous rapproche du moment où nous ne verrons plus pourquoi ce service public d’information, devenu impossible à distinguer de ses concurrents, devrait exister et être financé par le public.
Si vous souhaitez vous faire une idée sur ces questions, et tout citoyen, toute citoyenne, devrait le faire, je vous recommande chaudement la lecture de ce document d’information et de réflexion qu’est le Livre blanc sur l’avenir de CBC/Radio-Canada préparé par le syndicat maison. Il est disponible sur la page «Tous amis de Radio-Canada».
D’ici là, la réponse à ma question (combien coûte Radio-Canada, notre diffuseur public, par an, à chacun de nous?) est: 34$. Surpris-e?
Encore une fois, une excellente réflexion monsieur Baillargeon. Serait-il cependant possible de savoir combien touchent les autres réseaux généralistes en subvention, histoire de voir combien nos impôts contribuent à leur fonctionnement?
M. Couture: j’aimerais bien moi aussi savoir cela de source crédible et informée. Je fais le pari qu’ils touchent beaucoup, sous diverses formes directes et indirectes.
Merci de nous éclairer, personne de passage qui savez tout cela…
À TLMEP, n’est-ce pas autour de $900 millions qu’un des invités de Radio-Canada a avancé en subvention pour les réseaux privés? Il s’était trompé en disant moins et s’est fait reprendre par l’un de ses collègues, il me semble. Si je ne fait pas erreur, est-ce crédible, là est toute la question?
Voici un aperçu du Fonds canadien des médias pour 2014-2015, mais sans indications précises pour les réseaux généralistes. http://www.cmf-fmc.ca/documents/files/fr/programmes/2014-15/princdir/2014-15-fmc-budget-prog.pdf
Voici l’extrait du Livre blanc sur l’avenir de Radio-Canada/CBC (version abrégée) qui répond à votre question au sujet des subventions accordées aux réseaux privés, p. 9 :
« Déboulonnons ici un mythe : la télévision privée n’est pas si privée que ça! L’hiver dernier, le président de CBC/Radio-Canada, Hubert T. Lacroix, affirmait, devant la 27e conférence annuelle de l’Association de radiodiffusion du Commonwealth, que l’ensemble des télédiffuseurs privés recevait 900 millions $ par année provenant des contribuables. »
Si un penseur bien informé et avisé sait qu’il doit démontrer la véracité d’une affirmation pour être crédible, il ne prendrait jamais, par conséquent, le risque d’affirmer une chose dont il n’aurait la certitude démontrable, au préalable.
Dans son dernier billet ici, Normand Baillargeon espère se tromper (et il l’affirme à deux reprises) sur trois affirmations qu’il fait concernant les coupures à l’égard de Radio-Canada, tout comme le fait que Radio-Canada, par certaines orientations qu’elle a emprunté au fil des ans, se soit éloignée de sa mission fondamentale.
Je pense que Normand Baillargeon a vrai sur toute la ligne, et que son billet, brillamment argumenté, n’aurait jamais été publié s’il en avait été autrement.
Je lui dis, en tant que contribuable et citoyen qui croit et tient à la mission fondamentale du diffuseur public, un grand merci. Sa contribution ne passera pas inaperçue dans le contexte actuel, j’en suis convaincu. Et je souhaite sincèrement qu’elle aille rejoindre toutes celles et tous ceux qui doivent s’éveiller aux grandes pertes que nous subissons présentement au Canada à l’égard de nos institutions démocratiques.
Le Canada de Stephen Harper, à plusieurs égards, se transforme en dictature sous nos yeux: l’heure est venu de remédier à la situation.
Radio-Canada va perdre en qualité à la mesure des coupures et de ses conséquences. Par exemple, nous perdrons en qualité probablement à Découverte, Enquête, La semaine verte, etc. et nous y gagnerons en émission de divertissement, parfois abrutissante. Qui dit abrutissement, dit aliénation et victoire du capitalisme sur le citoyen consommateur.
Rare sont les médias qui ont des émissions pour faire de saines critiques envers les automatismes des choses qui nous entourent. Radio-Canada le fait, mais il se pourrait qu’il le fasse de moins en moins, pour améliorer la côte d’achalandage de ses émissions radio et télé.
Au fur et à mesure que le parti Conservateur de Harper rognera les ailes de Radio-Canada, la qualité va diminuer et la population qui écoute ses émissions publiques va éteindre les lumières. Autrement dit, il y aura parmi les gens encore allumés un certain abêtissement de la population.
Divertir pour éteindre les lumières de la population, ce sera une victoire de plus pour le capitalisme. Entre vous et moi, il y a une certaine place à donner au divertissement, mais de là à lui donner toute la place, c’est une porte ouverte à l’aliénation, pour céder plus au capitalisme sauvage.
Malheureusement, ces citoyennes et citoyens ayant de telles préoccupations sont très rares, et le seront de plus en plus… Le nivellement par le bas a merveilleusement bien fonctionné, et il est aisé de le constater. De nos jours, à l’apogée(déclin?) du libéralisme économique, les soucis populaires sont plutôt financiers, la vertu est une chose passablement oubliée. J’ai longtemps souhaité me tromper… Voilà l’ère de « l’idiocratie »! Mince lueur d’espoir, ou consolation loufoque: chassez le naturel, il revient au galop…
Il serait très hasardeux de chiffrer la part du financement public dans les productions privées. Il y a certes des subventions directes mais la très grande partie du soutien gouvernemental se fait sous forme de crédits d’impôt. Ces crédits prennent-ils la forme d’un montant fixe ou d’un pourcentage mais pour le savoir (et le mesurer) il faudrait sans doute avoir accès aux déclarations fiscales des producteurs, diffuseurs et autres intermédiaires.
Ce qui est clair dans le cas de Radio-Canada, c’est que le « Milliard » qui semble tant épouvanter la droite, c’est exactement le montant que recevait la société d’état en … 1991. Si son financement avait suivi l’inflation ce montant serait aujourd’hui d’au moins 1.5 milliard.Il ne faut pas oublier aussi qu’aux compressions budgétaires s’ajoutent d’autres contraintes financières : Ottawa ne finance plus les hausses salariales et l’inflation n’est pas comblée non-plus. Chaque année, les finances de RC s’enlisent un peu plus dans la mélasse financière.
Dans son désir inavoué de calquer le Canada sur les États-Unis, le gouvernement Harper souhaite faire de Radio-Canada une PBS du nord… financée à 4$ par habitant… On s’en rapproche d’année en année … budgétairement parlant!
Monsieur Baillargeon, je crois que le coût par habitant n’est plus de 34 $ mais de 29 $ selon Radio-Canada.
Radio-Canada a trépassé depuis longtemps. Cessons simplement l’acharnement thérapeutique. C’en est rendu pitoyable.
M. Lemire: merci de vos précieuses informations.
Pour le coût annuel / personne: j’avais moi aussi $29 en tête, mais ai lu (mal?) 34$ dans le document que je cite. Qu’en est-il réellement? Cordialement.
Ce n’est pas à Monsieur Baillargeon qu’il faut écrire, mais au premier ministre et aux autres ministres et députés fédéraux. On a peu de chance d’être écoutés, mais l’impression d’indifférence vient de notre silence.
a privatisation n’est possible qu’entre corporations. Les pays sont des corporations. Dans tes dents!
http://www.lametropole.com/blog/patrice-berthiaume/aux-insurgés-de-la-privatisation?utm_source=La+Métropole+infolettre&utm_campaign=7cc228a745-Infolettre_03_f_vrier_20102_2_2010&utm_medium=email&utm_term=0_f6f6f5b9bc-7cc228a745-82599421
Quelques préjugés – peut être fondés- sur Radio Canada: subjective; partisane; élitiste; des salaires très élevés; de la bureaucratie; souverainiste; nombriliste; éloignée de la « vrai vie« , en gros, des arguments qui ne plaident pas en sa faveur lorsqu’on parle de conversation démocratique. Radio Canada pourrait s’éteindre dans l’indifférence général, ce qui contraste énormément avec la marche d’il y a quelques années pour éviter la fermeture de Radio X! Si Radio Can représentait en réalité les intérêts communs, comme Téléquébec à la TV, peut être ce serait différent.
Le livre blanc reproduit, en page 31, un tableau qui avait été publié par Radio-Canada et qui estime à près de 900 millions de dollars les subventions versées aux radiodiffuseurs privés.
Pour ce qui est des 34$ par Canadien que coûte annuellement Radio-Canada, ce montant était le bon jusqu’à tout récemment. À la fin du cycle de compressions fédérales amorcé en 2012, il est maintenant de 29$ par Canadien.
Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que les augmentations du coût de la vie (salaires, biens et services) ne sont pas financées depuis belle lurette. Radio-Canada doit donc les absorber à même son budget.
Merci de çes précisions, madame Montpetit.
Avec un « coût par personne », incluant bien sûr mais on ne le mentionne jamais dans les statistiques, les nouveaux-nés, les enfants du primaire, les malades, les retraités, les mourants, etc., on peut faire avaler n’importe quoi aux gens parce que « ça ne coûte presque rien »… Surtout qu’au Québec, près de 50% des gens en âge de travailler ne paient aucun impôt parce que trop pauvres!!!
Souvenez-vous qu’il n’y a pas si longtemps, des étudiants ont tout cassé au Québec pour…0.50¢ par jour (moins qu’un café!) pour financer…LEURS études!
Moi, ce qui m’allume dans tout ce débat, c’est de voir des nationalistes purs et durs québécois (pour ne pas dire séparatistes…) s’entêter à vouloir défendre, voire renforcer, une institution qui symbolise l’unité canadienne coast-to-coast.
En réalité, c’est 38% des particuliers qui ne paient pas d’impôt. Vous confondez avec les entreprises qui eux ne paient pas d’impôt dans 50% des cas. Est-ce une question de trop pauvre, non, plutôt réducteur comme justification… Par contre, en soustrayant les étudiants, les temps partiels (par choix) et les employeurs de petites entreprises qui « donne » un salaire a des membres de leurs familles pour payer moins d’impôt, l’on arrive à 17-18% de « pauvres » qui ne paient pas d’impôt…
Le calcule du coût de la télévision publique par habitant est le même peut importe le pays…
Pour les étudiants, il est plus approprier de dire « quelques étudiants » (et par nécessairement des étudiants) et ils sont loins d’avoir tout cassé! La réalité c’est qu’il s’est cassé beaucoup plus d’étudiants de que biens matériels!!!
Pour le 50¢, cela importe peu, c’est le principe de gratuité….
» La réalité c’est qu’il s’est cassé beaucoup plus d’étudiants de que biens matériels!!! »
Et que les policiers ont cassé plus de caméras (certaines appartenant à des journalistes) que les manifestants (loin d’être tous des étudiants) ont cassé de vitrines.
Cela dit, pour répondre à François 1er, la réalité est que la Norvège dépense 164$ par habitant pour ses diffuseurs publics, que la moyenne de l’OCDE est de 87$ et que le Canada est passé de 34$ à 29$.
Et cela suit les autres indicateurs: Les pays progressistes (scandinaves, Allemagne, etc) font toujours mieux que les pays plus enfoncés dans le néo-libéralisme (souvent les anglo-saxons):
La palme aux progressistes pour: le nombre de médecins par habitants, la gratuité des études universitaires (certains, comme la Finlande, donnent même une bourse automatique à TOUS les étudiants pour qu’ils puissent se consacrer à temps plein aux études), un mode de scrutin proportionnel, la part du public dans les projets de ressources naturels, la part des énergies renouvelables dans la consommation du pays, les mesures sociales, etc.
La palme aux plus néo-libéraux pour: le taux de criminalité, les écarts entre riches et pauvres, le taux de mortalité infantile, la part du privé dans la santé et l’éducation, etc.
Sans blague, regardez les rapports de l’OCDE. C’est flagrant et systématique depuis des décennies.
Faites votre choix.
Tiens…quelqu’un qui « agit » concrètement:
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2014/05/11/001-lavallee-marie-claude-depart-radio-canada.shtml
Rien, absolument RIEN n’empêche certains autres collègues de Madame Lavallée de faire le même geste de solidarité.
Et vous, quel geste de solidarité ferez-vous ?
Allez-vous mettre votre emploi en jeu ? Allez-vous faire un chèque à R-C pour le soutenir ?
ou
Applaudir la mort prochaine de R-C ? Propager les préjugés contre R-C ? Insinuer que ceux qui reste à ce réseau pour faire leur travail, du mieux qu’ils peuvent, et donc assurer sa survie, sont des « lâches » ?