Prise de tête

J’invite Raif Badawi à souper

Cette femme habite Sherbrooke avec ses trois enfants. C’est tout près, Sherbrooke. Je vais l’inviter à souper. Elle vit là sans son mari, comme tant de femmes. C’est banal. Aussi banal que Sherbrooke est tout près. Mais je vais l’inviter à souper avec son mari.

C’est que l’histoire de cette femme, Ensaf Haidar, et de son mari, elle, n’est décidément pas banale. Il faut savoir que tous deux sont Saoudiens. Si, si: Saoudiens, des citoyens de l’Arabie saoudite. Et là, soudainement, ça devient moins banal. Ça devient même terrifiant. Et tragique. Et Sherbrooke semble alors bien loin.

Le mari de cette femme s’appelle Raif Badawi. Il est en prison, dans son pays. Lui et moi sommes des amis, sur Twitter. En attendant mieux. En attendant ce souper.

Mon ami Raif Badawi, qui est au début de la trentaine, est en prison depuis le 17 juin 2012. Cela fera donc deux ans cette semaine. Et Amnistie lance pour l’occasion une vaste campagne pour le faire libérer.

Qu’a donc fait Raif pour se retrouver en prison et pour que sa femme se retrouve à Sherbrooke avec leurs trois enfants? Il a tout simplement créé un site Internet appelé Free Saudi Liberals, sur lequel il a réclamé et commencé à exercer la possibilité de discuter librement de divers sujets, parmi lesquels la religion et les autorités religieuses. Les autorités, notamment religieuses, l’ont mal pris. Très, très mal pris. On ne badine pas avec ces choses en Arabie saoudite, où on prend cependant beaucoup de libertés avec les droits de la personne.

Je vous épargne le détail de la saga juridique qui s’en est suivi. Sachez seulement que Raif, dont on a fermé le forum en ligne, a d’abord été condamné à sept ans de prison et 600 coups de fouet, sentence annulée en appel. Nouveau procès. Le jugement est tombé le 7 mai dernier. Il a été révisé à la hausse, si j’ose dire, et Raif a cette fois écopé de 10 ans de prison, de près de 300 000$ d’amende et de… 1000 coups de fouet. J’ignore comment on fouette par là, mais je doute fort qu’on puisse survivre à 1000 coups de fouet. Mais s’il survit à cette inconcevable torture, Raif est en tout cas aussi accusé d’apostasie (c’est le fait de quitter sa religion), ce qui est punissable de la peine de mort.

Il faut sauver Raif Badawi. Il n’a rien fait d’autre que d’exercer un droit humain fondamental: la liberté d’expression. Pour cela, on a bafoué ses droits fondamentaux, on l’a privé de sa liberté, on l’a séparé de sa famille. On veut aussi le torturer et peut-être même le tuer.

Voilà. Vous savez tout. Et vous avez deviné que je vais à présent vous demander de faire quelque chose pour Raif Badawi. Ce sont de tout petits gestes, faciles à poser, mais qui changeront tout et qui feront que j’aurai bientôt mon ami et sa famille à souper chez moi.

Pour commencer, je vous suggère d’aller entendre sa femme, Ensaf, parler de Raif, depuis Sherbrooke. C’est juste ici: [http://bit.ly/1qp92p7]

Ensuite, vous imprimez une feuille sur laquelle il est inscrit #FreeRaif et vous faites, comme je l’ai fait, un selfie que vous publiez sur Twitter ou Instagram avec cette même mention.

Enfin, sur le site Internet d’Amnistie, vous signez une pétition destinée au roi Abdullah bin Abdul Aziz Al Saud, d’Arabie saoudite. C’est juste ici: [http://bit.ly/1pFzY3T]

Une fois tout cela fait, si le cœur vous en dit, vous m’en informez par courriel [[email protected]] et j’inviterai deux personnes parmi vous à souper chez moi, avec Raif.

Tu verras, Raif, c’est pas loin de chez moi, Sherbrooke. C’est tout près. Ça peut même être assez près de l’Arabie saoudite, assez près pour qu’on puisse, de là et de partout au Québec, exercer une influence sur ce qui s’y passe. Et te libérer.

À bientôt, cher Raif. J’ai vraiment hâte de te rencontrer.

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Cette chronique fait relâche cet été. Je vous dis donc à bientôt…