Si on en croit une déclaration de Philippe Couillard, notre ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, va bientôt présenter la vision de l’éducation qui guidera les libéraux du Québec pour les années à venir.
Proposer une vision de l’éducation est une grosse commande, il faut en convenir. C’est donc sans prétention, dans ces quelques lignes dont je dispose, que je veux esquisser quatre idées simples, mais que je pense cruciales, que j’aimerais retrouver dans cette vision.
Éducation et curriculum
La première est que tout indique que nous vivons un moment historique de mutation des fins de l’éducation, dont un des aspects majeurs est qu’elle se définit de plus en plus en extériorité, par soumission aux impératifs de l’économie, et de moins en moins par rapport à ses normes propres, internes.
Ce qui recule, à proportion que ces normes perdent du terrain, est un idéal d’éducation à l’écart de tout utilitarisme à courte vue et qui propose de libérer de l’ignorance, des préjugés, de l’ici et du maintenant, en faisant accéder à des savoirs émancipateurs pour l’individu qui les possède, ce par quoi peut se construire un lien politique riche.
J’aimerais qu’une vision de l’éducation réaffirme cet idéal d’une éducation que, il est intéressant de rappeler, la tradition qualifiait de… libérale, puisqu’elle visait justement à libérer.
La deuxième idée que je veux avancer est intimement liée à la première. Je souhaiterais en effet qu’on s’éloigne enfin de cette notion de compétence que nous avons étourdiment adoptée et que nous réaffirmions la place centrale des connaissances en éducation.
On devrait pour cela construire le curriculum scolaire autour d’une progression des connaissances à acquérir: on y dirait clairement ce que votre enfant devrait apprendre en première année, en deuxième année, etc. Pour ne prendre que cet exemple, on aurait ainsi, enfin, une liste d’œuvres, de concepts, de courants vus par toutes et tous en français au secondaire.
On assisterait peut-être de la sorte, un peu partout dans le système scolaire, à un retour en force et massif de ces livres si précieux. Lesquels? Pour vous aider à le deviner, sachez qu’on raconte à leur propos l’histoire suivante en éducation: «Un physicien déclare qu’il donnerait x années de vie pour pouvoir consulter, quelques heures durant, un tel livre, mais publié en 2100». Vous avez trouvé? Bravo. Il s’agit bien d’un manuel. Il y en a, je le sais bien, mais il en faudrait encore plus et il faudrait qu’ils soient réalisés selon des programmes tels que je viens de les souhaiter.
Des décisions éclairées et informées
L’éducation n’est pas la physique quantique, et ce que nous savons à propos de cette pratique humaine fort complexe n’a pas la précision ou la certitude de ce que nous savons en physique.
Pour aller au plus court, je dirais que notre base de connaissance en éducation comprend essentiellement deux choses.
Pour commencer, elle repose sur des fins que l’on attribue à l’éducation, sur une vision de ce qu’elle devrait être: les proposer, les articuler, les défendre est un travail pour la philosophie, et j’ai d’ailleurs avancé plus haut (et dans de nombreux textes) ma proposition d’une éducation libérale.
Mais notre base de connaissance en éducation comprend aussi ce que la recherche empirique crédible nous apprend. Je dis crédible, parce qu’il s’est fait et qu’il continue de se faire, en éducation, des recherches douteuses et en certains cas littéralement délirantes. Mais il s’est aussi fait de la recherche crédible et il arrive que ses résultats pointent, très nettement, dans une certaine direction.
J’affirme que ce qui s’ensuit est clair. Nous devrions, pour proposer une vision et une pratique de l’éducation, prendre très au sérieux ce que la recherche crédible nous enseigne. Cela peut sembler banal et aller de soi; hélas, ce n’est pas le cas en éducation.
Je peux ainsi affirmer que la réforme de l’éducation, surtout dans sa mouture originelle, proposait des pratiques contraires à ce que la recherche crédible enseigne et permet de recommander. Je peux aussi affirmer, sans crainte d’être contredit, qu’on préconise encore et toujours en éducation des pratiques pseudo scientifiques, voire ésotériques, qu’on les enseigne à l’université et qu’on les propose aux enseignantes et enseignants, parfois à fort prix, dans les commissions scolaires. Cela doit absolument cesser.
L’actualité me fournit l’occasion de pointer du doigt une de ces idées non fondées que l’on défend souvent en éducation: la réduction de la taille des groupes. Le fait est pourtant que la recherche ne permet aucunement d’y voir, à elle seule, une panacée. La raison en est que, toutes choses égales par ailleurs, si vous continuez à enseigner de la même manière à un groupe plus petit d’élèves, leurs résultats ne changeront pas. (Notez que je ne parle pas ici d’augmenter le nombre d’élèves en difficulté, ce qui est une autre histoire…)
Je fais donc le pari qu’on verrait de substantiels changements en éducation si seulement on acceptait de prendre au sérieux ce que nous enseigne la recherche crédible et si on se proposait d’établir, sur le modèle de la médecine fondée sur des preuves, une éducation elle aussi fondée sur des preuves.
L’école de l’égalité des chances
Notre époque n’est pas seulement celle de l’impérialisme de la raison économique: elle est aussi celle d’un fort accroissement des inégalités. Cela a de sordides effets sur un idéal ancré depuis longtemps au cœur de toute vision libérale de l’éducation: celui de l’égalité des chances.
Or, entre école privée, programmes internationaux, frais afférents et coût croissant des études supérieures, notre école a bien du mal à assurer une véritable égalité des chances. D’autant qu’il est raisonnable de penser que certaines des pratiques que nous avons préconisées ne l’ont non seulement pas servie, mais qu’elles ont accentué les inégalités des chances. C’est le cas lorsqu’on demande aux enfants de mettre en œuvre, à l’école, ce que l’école ne leur transmet plus; les enfants de milieux économiquement et culturellement favorisés possèdent ce savoir avant d’arriver à l’école, tandis que d’autres en sont privés.
On peut imaginer toutes sortes de mécanismes pour donner de la vigueur à cet idéal et je n’ai pas de proposition précise à faire ici, sinon pour dire que la transmission systématique et progressive, selon des méthodes éprouvées, d’un curriculum précisément défini fait partie de la solution.
Quoi qu’il en soit, je soutiens qu’on apprendra quelque chose de notre société par ce que le plan Bolduc, si on peut l’appeler ainsi, proposera en matière de traitement préférentiel pour les enfants de milieux défavorisés.
Il faut faire confiance au Ministre Bolduc. Il a une vision toute comptable de l’éducation….
Bonjour. Bien que ces propositions sembles plus que nécessaire pour faire de notre système d’éducation un système de transmission du savoir digne de ce nom, il me semble que l’élite politique au pouvoir n’en feront rien. Rappelons-nous qu’ils et elles ne s’identifient plus aux idées directrices du libéralisme en matière d’éducation, soit l’émancipation des individus, mais aux thèses néolibérales selon lesquelles chaque individu doit conditionner son existence comme on gère une entreprise. C’est une esprit de compétition qui doit animer les comportements humains, et l’éducation doit être vue comme un investissement personnel dans le but d’accumuler plus d’argent plus tard. Ainsi, je crois que nous n’avons rien à espérer des néolibéraux qui se partagent le pouvoir au Québec depuis 30 ans, mais nous devons imposer nos propres alternatives de transmission du savoir. Si nous voulons éviter de se faire déterminer par le rouleau compresseur du néolibéralisme, nous devons opposer une résistance des plus acharnée. C’est l’avenir de l’Humanité qui est en jeu!
Je crois qu’il est important de diffuser largement votre conception de l’éducation qui en est une en fait de la société.
Merci pour vos idées si sensées.
Bonjour,
Vous dites, M. Baillargeon, que « toutes choses égales par ailleurs, si vous continuez à enseigner de la même manière à un groupe plus petit d’élèves, leurs résultats ne changeront pas. »
Mais n’est-il pas souhaitable de réduire les groupes pour ouvrir des possibilités pédagogiques que les profs éviteraient avec de grands groupes ? Tenter de nouvelles expériences en sachant qu’un dérapage peut facilement (plus facilement, disons) être contrôlé parce que le groupe est réduit me semble un bon point de départ pour apporter une diversité des outils pédagogiques utilisés en classe.
il y a déjà une progression des connaissances qui dit exactement ce que les enfants doivent apprendre à chacune des années, de façon très précise et c’est prescriptif par le ministères de l’éducation.
Tandis que les idées à courtes vues de nos politiciens, indépendamment de la qualité de ce qu’ils disent, sont diffusées à perte de vue dans la population. Les vôtres, malgré une certaine qualité quant au contenu, ne sont accessibles qu’à une partie seulement de la population. Autrement dit, les politiciens parlent avec des porte-voix et des projecteurs, tandis que vos idées sont diffusés comme une bouteille à la mer, pour que la population soit un peu mieux éclairée. De ce point de vue, la démocratie est mal outillée pour aller de l’avant.
Moi je trouve qu’avec le temps qui passe, la connaissance que j’acquiers et le recul que ça donne que j’ai pratiquement crissement rien appris du primaire au secondaire (de 1988 à 2000)….et je peux pas dire que ça va en s’améliorant du cégep à l’université à moins de connaitre au moins une personne qui peut t’aider à comprendre autrement.si telle chance arrive. Non mais à part apprendre savoir comment écrire et faire des calculs en automate pis retenir des dates pis des noms de personnages qui ont le même noms que les rues ou qu’un développement immobilier ou qu’un pont qu’est-ce que j’ai vraiment appris du comment et pourquoi je vis ici et maintenant là au Québec, dans le Canada en Amérique du Nord? ARIEN! la seule question qu’on doit trouver réponse c’est qu’est-ce que je vais faire plus tard dans ce merveilleux monde plein de promesse vu que « t encore jeune » ? je peux peut-être me blâmer vu que j’ai fait le secondaire 1 à 3 en cheminement particulier et que j’ai peut-être manqué un cours d’histoire qui m’aurait permis d’atteindre les hautes sphères de ces scintillants et vertueux esprits critiques cultivés…mais non j’étais trop cave pour ça faut croire. Me semble j’aurais aimé ça dans mes cours de math au primaire qu’on s’amuse à construire le Parthénon pis les pyramides d’Égypte…à place de se faire dire tout de suite comment on calcul l’aire d’un cercle comme si les grecques c’étaient pas fendu le cul pour trouver ça. bin non on nous sert du savoir prêt-à-porter pour une « réussite future ». Les cours d’histoires, c’est pas mieux. Aucun point de vue critique mais pour des points de vue partisans ça c’est sûr le monde se gêne pas…crime me semble la civilisation en amérique du nord s’t’une vrai joke. Pis les cours d’économie, je me rappelle absolument de rien tellement on apprends rien sur c’est quoi l’économie, comment ça fonctionne, qui c’est qui décide, qui a le pouvoir…le libre-échange c’est quoi une liberté à défendre parce qu’on peut pas être contre la vertu; avant ça existait pas les échanges libres entre pays? Pis en plus comment ça l’Économie avec un grand E; c’est quoi on est une civilisation pognée par les couilles asteure faque croissance croissance? Les cours de sciences je les trouves pas mieux; on s’amuse avec les expériences qui nous sont présentés mais comprendre c’est quoi la contribution de la science à la pensée j’ai pas vue ça…c’est plus un cours à savoir qui cé qui ce trouve le plus intelligent pcq’il en connait le plus….un perroquet de la science comme tout bon perroquet de tout autre domaine. Pseudo-science c’est aussi c’est « scientifique » à l’esprit complètement formaté par la connaissance scientifique que leur cerveau n’admet même plus le paramètre « ignorance » donc les idées qui sont en dehors de ce que conçoit la science. Je crains une forme d’ostracisme des sceptiques vis-à-vis des gens qui ont une aussi bonne compréhension de la science qu’eux mais qui s’intéressent à des choses pas explicables par la science surtout à ces âges là (primaire et secondaire).
Les cours de français pas mieux. Comment tu veux faire un texte d’opinion critique quand chez vous ça écoute tva nouvelle, ça lis le journal de montréal et pis que toi c’est « dewors »? À l’école être critique c’est être capable de remarquer que deux textes sur un même sujet on un point de vue différent…tu choisi un camp ou tu es indécis…l’indécision par contre c’est pas cool. Moi j’aime mieux dire que tu te fais ton idée et qu’au mieux ton cerveau se rend compte qu’il lui manque peut-être de l’information pcq’il se pose des questions. Mais pas productif se poser des questions. Faut agir, suivre un mouvement. Mais d’un autre côté resté avec des questions pas de réponses c’est pas ce qui à de mieux si le seul discours ambiant sonne plus comme une discours préenregistré. Toute façon kessé le monde de tout les jours en a à branler de « l’hétérogénéité de la connaissance et des esprits » si avant tout, ce qui compte c’est de pouvoir vivre en jouissant de notre influence caractérielle.
je me rends compte j’ai fait plein de fautes. dsl je dois toujours faire une effort de concentration quand j’écris pour par faire ces genres de faute là. donc ça pris le bord.
Les classes prépa en France:
« Noémie, Serena et Marc ont arrêté leur scolarité en plein milieu de leur classe préparatoire. Ils racontent pourquoi et comment ils en sont arrivés là. »
http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-la-prepa-2015-01-14
Certains professeurs que j’affectionnais lors du passage au CEGEP m’ont envoyé lire à la bibliothèque au lieu de suivre leur cours, me disant que j’apprendrais plus qu’en suivant leurs cours, ce que j’ai fait et adoré.
Pour résumé grossièrement, la célèbre formule E=mc2 démontre que l’énergie est masse. Qu’un astre suffisament gros peut courber la direction de la lumière. Permettez-moi de faire une analogie avec la compétence et suggérer que cette dernière est comme la masse, une puissance d’agir mais non l’acte lui-même. La compétence fait dévier l’éclairage de la raison et de la connaissance, la culture ouverte. De plus, il y a cet aspect militaire dans l’étymologie du mot compétence (compétition), le respect de la hiérarchie, le bruit des bottes militaires. Tous en direction du mur !
Excellent commentaire Rémy !
C’est le genre de réflexions que je me suis faites lorsque j’étais sur les bancs d’école, dans les mêmes années que toi. Ça te donne envie de pousser…et à 35 ans tu t’emmerdes toujours autant de ce que tu vois autour de toi et tu demande: Aurais-je dû pousser davantage ? Pousser dans quoi, dans un des disciplines super cloîtrées (spécialisées) que sont devenus les départements universitaires ? Parce que comme on le sait, exception faite des écoles de commerce, ne sont pas très valorisées les Humanités et les sciences…et avec les coupures actuelles, pas certain qu’il y a lieu de penser à une amélioration de ce côté…