Je vous propose, cette fois sous le titre À vous de jouer!, un nouveau type de chronique qui reviendra périodiquement.
Profitant de la haute qualité des interventions sur cette page (merci, lecteurs et lectrices…), je me propose, dans ce type de chronique, d’identifier une question, un problème, mais sans prendre position, afin d’ouvrir une discussion avec l’espoir que tous ensemble nous le comprendrons mieux – à défaut de le résoudre et de satisfaire tout le monde.
Pour cette première fois, le sujet de discussion proposé est la partialité parentale.
Dans ce type de billet, pour amorcer la discussion espérée, je publierai toujours, en même temps que mon texte, deux réactions sollicitées. Cette fois, ce sont celles de deux philosophes: Alexandra Malenfant-Veilleux et Guillaume Beaulac, que je remercie de leur généreuse contribution.
La partialité parentale, à présent.
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L’anniversaire du petit Paul
C’est l’été et aujourd’hui c’est l’anniversaire du petit Paul. Ses parents ont organisé une bien belle fête, chez lui.
Les dix enfants invités ont reçu chacun: un chapeau, une flûte et un petit cadeau de même valeur. Voici le moment du gâteau, et le papa du petit Paul prend bien soin de le découper en 11 parts égales.
Une heure plus tard, la fête se termine et chaque enfant retourne chez lui.
Jean habite dans un quartier plutôt pauvre et vit avec une mère monoparentale. Il rentrera seul, en métro et en autobus.
Sylvie, la cousine de Paul, ne va pas à la même école que les autres: elle étudie en Suisse, dans une école pour gens très, très riches. Un chauffeur privé viendra la chercher.
Les autres enfants sont issus de la classe moyenne, comme la famille de Paul; mais certains ont des parents attentionnés et aimants; d’autres, hélas, non.
Considérez, à présent, d’une part le traitement égal et l’impartialité dans la distribution des chapeaux, des cadeaux et des parts de gâteau; d’autre part les traitements, les bienfaits, tellement différents, que reçoivent ces enfants, selon le hasard de leur naissance, les ressources, les compétences, l’affection ou le manque d’affection, etc., de leurs parents.
La tension que vous observez vous conduit à ce que les philosophes appellent la question de la partialité parentale. On peut la comprendre comme suit.
La partialité parentale
Nous convenons typiquement que la moralité nous demande d’être impartiaux dans le traitement que nous réservons à autrui. Pourtant, nous sommes aussi souvent (parfois) partiaux envers nos amis, notre pays et, bien entendu, nos enfants, puisque c’est d’eux et d’elles qu’il s’agit ici.
Personne (ou presque, comme on verra) ne nie que cette partialité parentale existe et qu’elle est, toutes choses égales par ailleurs, inévitable et dans l’ordre des choses. Un parent qui doit choisir entre nourrir son enfant et nourrir un enfant d’un autre pays n’hésitera pas à choisir son enfant et on lui donnera raison. Car le fait d’être parent nous semble entraîner son lot de devoirs envers nos enfants, lesquels impliquent une certaine partialité parentale: nous devons prendre soin de nos enfants, les nourrir, les préparer à une vie la meilleure possible.
Mais cette partialité a aussi, encore une fois de l’avis général, des limites, ne serait-ce que celles que la moralité assigne. Un parent, par exemple, ne pourra invoquer la partialité parentale pour justifier qu’il a triché (ou pire…) pour faciliter l’entrée de son enfant à une grande et convoitée école.
D’autres ajouteront que l’impartialité en éthique implique, en éducation, le respect de l’égalité des chances, et que la diversité des conditions des familles où ils naissent, jointe à une partialité parentale que rien ne freine sinon les préceptes usuels de la moralité évoqués plus haut, constitue une injustice flagrante.
Devant cette tension entre les demandes de l’impartialité morale et celles de la partialité parentale, on peut réagir de manières bien différentes.
Possibles réactions
Certains ont cru que c’est la partialité parentale qui pose problème. Platon a sans doute été le plus loin dans cette direction. Dans La République, il abolit carrément la famille! Peu de gens l’ont suivi dans cette voie radicale – même s’il y a des exceptions, comme les kibboutz.
D’autres ont proposé des moyens d’assouplir cette tension qui nous étonne aujourd’hui si on ne l’a pas aperçue. C’est ainsi que des anarchistes, au 19e siècle, mettaient au cœur de leurs revendications l’abolition de l’héritage.
Cependant, c’est peut-être notre idée d’impartialité qui pose problème. Nous avons toutes les raisons du monde d’être partiaux envers nos enfants (parce que ce sont les nôtres), comme nous le sommes aussi envers nos amis ou envers ce mendiant qui est là, devant nous, plutôt que pour celui qui est loin et qui reçoit l’aide Oxfam.
Mais ce dernier exemple laisse pressentir les objections que les personnes qui défendent l’impartialité feront valoir pour préférer aider Oxfam. Il laisse aussi de toute façon ouverte la question de savoir où il faudrait tracer la ligne entre partialité parentale légitime et partialité parentale illégitime.
Il se peut, par exemple, que des formes de partialité, celles qui résultent du fait que nous avons des relations très particulières avec nos enfants, avec qui nous vivons dans l’intimité de la famille, soient permises (leur raconter des histoires, le soir, disons), tandis que d’autres sont indéfendables: mais lesquelles, alors, et pourquoi?
Il se peut aussi que toute cette discussion repose sur un malentendu sur ce qui est juste ou injuste, sur ce qui mérite d’être corrigé ou qui peut l’être. Un.e libertarien.ne, par exemple, se méfierait de tout ce qui pourrait interférer dans la manière dont un adulte souhaite dépenser des biens légitimement acquis ainsi que de tout ce qui pourrait contrevenir à sa liberté de privilégier ses propres enfants selon les critères qu’il estime être justes. Si les parents de Sylvie souhaitent et peuvent l’envoyer à cette école d’élite, rien ne rend cette décision immorale.
D’autres verront toutefois les choses d’un autre œil, pour des raisons que vous devinerez.
À vous de jouer!
Alors, selon vous:
La question de la partialité parentale pose-t-elle ou non problème? Pourquoi?
Si oui, comment le formuleriez-vous?
Et comment procéderiez-vous pour le résoudre?
Pour en savoir plus:
Harry Brighouse et Adam Swift, «Parental Partiality: Legitimate and Excessive». Accessible à: [http://ecpr.eu/Filestore/PaperProposal/6959f124-46ec-40c5-9856-bd910e9d2262.pdf]
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Et si Sylvie était malheureuse?
Certains philosophes, tels Brighouse et Swift, ont tenté de cerner le problème de la partialité parentale en établissant différents critères qui nous permettent de faire la distinction entre partialité parentale légitime et partialité parentale excessive.
À l’aune de leurs critères, les actions telles le fait d’envoyer son enfant à l’école privée ou encore le fait de cotiser à un Régime enregistré d’épargne-études (REEE) sont excessives (c’est-à-dire qu’elles pourraient faire l’objet d’une législation prohibitive), au motif qu’elles ne sont pas nécessaires au bon développement de la relation parent-enfant sur les plans affectif et développemental, et qu’elles entraînent trop d’inégalités au sein de la société.
Plusieurs objections peuvent être soulevées face à cette position. Voici celles qui me semblent les plus convaincantes.
Tout d’abord, un partisan des idées de John Rawls pourrait soutenir que Brighouse et Swift défendent une conception trop contraignante de l’égalité.
Inutile de restreindre la liberté des parents de choisir ce qu’ils croient être le mieux pour leurs enfants; si ces parents gagnent un salaire suffisant pour envoyer leurs enfants à l’école privée ou pour cotiser à un REEE, cela signifie qu’ils paient probablement plus d’impôts, et donc qu’ils contribuent déjà, via ce canal, au mieux-être des enfants défavorisés. Puisqu’ils sont très riches, les parents de Sylvie paient – via leurs impôts – pour les programmes dont bénéficient Jean et sa mère. Selon cette vision plus modérée de l’égalitarisme, la partialité parentale ne pose pas de réel problème; si les inégalités persistent, c’est qu’il faut raffiner notre système d’imposition et redistribuer plus équitablement la richesse perçue.
Ensuite, même en admettant qu’il y ait des formes de partialité parentale qui sont excessives, il faut vérifier si le fait de les restreindre a réellement pour conséquence d’atténuer les inégalités au sein de la société.
Selon plusieurs études en sociologie, le style de relation qu’entretiennent les parents avec leurs enfants – couplé à un tas d’autres facteurs, tels la génétique, le quartier habité ou la structure familiale – aurait autant, sinon plus d’impact sur les opportunités des enfants à l’âge adulte que la quantité de ressources matérielles investie dans leur développement.
Sylvie a beau fréquenter les meilleures écoles, si ses parents ne font pas l’effort d’entretenir avec elle une relation favorable à son bon développement affectif, elle risque, à long terme, d’éprouver plus de problèmes que Jean. Or, si les gestes partiaux légitimes (comme lire des histoires à son enfant) ont autant, sinon plus d’impact sur la vie future d’un enfant que les gestes partiaux considérés comme excessifs par les égalitaristes (comme la fréquentation d’écoles privées et la cotisation au REEE), à quoi bon mettre autant d’énergie – et surtout, de ressources – dans la restriction des gestes excessifs?
À ce compte, il serait moins contraignant pour les parents – et plus efficace pour l’État – d’être sensibilisés davantage à l’importance d’entretenir la meilleure relation possible avec leurs enfants, quitte à engager des ressources dans cette voie.
Notons finalement que le débat sur la partialité parentale s’est souvent articulé autour de celui sur la légitimité du système scolaire privé. Aller jusqu’à abolir le système scolaire privé pour contrer les présumées inégalités résultant de la partialité parentale poserait cependant d’immenses problèmes d’ordre pratique et structurel.
Qui plus est, sur le plan normatif, il faudrait alors démontrer que la réduction des inégalités résultant de l’abolition du système privé serait telle qu’elle compenserait la perte de liberté tant pour les parents qui peuvent, dans le système actuel, choisir une école conforme à ce qu’ils jugent être le mieux pour leurs enfants que pour les éducateurs ou les communautés qui souhaitent fonder et opérer des établissements d’enseignement qui se distinguent (que ce soit sur les plans pédagogique, culturel ou sportif, par exemple).
Dimensions de la partialité parentale
Le problème que nous pose Normand aujourd’hui en est un difficile, qui ne peut être traité de façon isolée. C’est que différentes situations de partialité parentale peuvent mettre à jour des conflits entre certaines de nos intuitions pourtant dans des situations similaires. Ces intuitions et notre première réaction à ces exemples – certains, nous les pensons justes; d’autres, non – peuvent varier selon une multitude de facteurs. Nos intuitions quant à ces situations peuvent nous amener à proposer des réponses, parfois opposées, selon la manière dont nous les imaginons. Cela ne devrait pas être perdu de vue dans la discussion.
Revenons rapidement à l’anniversaire de Paul. Nous voyons ici au moins deux dimensions qui varient: l’égalité pour les parts de gâteau et celle, en contraste, des inégalités sociales, avec la famille de Sylvie, qui est très riche.
Si la dernière part devait aller à l’un.e des enfants, laquelle ou lequel y aurait droit? Paul, Jean, Sylvie? C’est l’anniversaire de Paul, Jean vient d’une famille pauvre puis Sylvie vient d’une famille très aisée. Est-ce que les parents de Paul ont le devoir de donner la part de gâteau supplémentaire à Jean (corriger une inégalité)? Est-ce que les parents de Paul pourraient préférer lui garder cette part de gâteau, préparé pour son anniversaire (partialité parentale)? Ou devrions-nous plutôt l’offrir à Sylvie?
Étant donné la façon dont nous est présentée cette situation, bien peu de personnes, je parie, diront qu’il vaut mieux donner cette part de gâteau à Sylvie. Et, pourtant, si l’on mettait de l’avant une description un peu différente de Sylvie, peut-être que l’on pourrait penser qu’elle mérite, après tout, cette part supplémentaire du gâteau. (Je note, au passage, qu’il est bien possible de couper un gâteau en 11 parts égales…)
Imaginez les situations suivantes:
Bien que les parents de Sylvie soient très riches et l’envoient dans une école en Suisse, elle ne les voit presque jamais; les deux sont généralement absents de sa vie. Sylvie se sent très attachée aux parents de Paul, mais elle ne les voit que lors de cet anniversaire. Ceux-ci la considèrent comme leur fille.
Paul et Jean n’ont pas aimé le gâteau et jetteraient cette part supplémentaire.
L’anniversaire de Paul est la seule fête où Sylvie est invitée, et c’est la seule occasion pour elle de manger du gâteau en présence d’autres enfants.
Il y a une interdiction stricte de manger du gâteau à l’école de Sylvie.
On vient de diagnostiquer à Sylvie une maladie rare et c’est la dernière fête d’enfants à laquelle elle assistera.
(J’arrête ici, ça devient glauque!)
Y a-t-il une de ces situations où vous avez décidé de donner la part de gâteau à Sylvie? Quels ont été les facteurs déterminants dans votre décision?
De nombreuses et de nombreux philosophes et psychologues s’affairent à explorer cette question. Un collègue philosophe, Martin Gibert, s’est d’ailleurs penché sur cette question dans un livre paru récemment* où il s’interroge sur l’importance de notre imagination dans la réflexion morale.
C’était la principale dimension que je souhaitais aborder dans ce court billet. Selon la façon dont nous est présentée la situation, une diversité de facteurs peut influencer nos choix de donner la part de gâteau à l’un.e ou l’autre des enfants. La partialité parentale n’est-elle qu’une de ces dimensions – l’on conçoit assez facilement que Paul soit préféré à Jean pour la dernière part de gâteau. Nous pouvons aussi préférer la donner à Jean, puisqu’il provient d’un milieu moins aisé. Mais serions-nous, toutefois, prêtes ou prêts à enlever quelque chose à Sylvie, son petit cadeau, par exemple? – pour diminuer les inégalités entre elle et Jean? Ici, la réponse semble généralement être non. L’on accepte généralement de donner à une personne moins avantagée une chose qui n’a pas encore été distribuée, mais nous sommes réticent.e.s à l’enlever à une autre personne pour redistribuer la richesse alors qu’il s’agit bel et bien d’une autre façon de diminuer cette inégalité.
Cela devrait vous rappeler quelques débats très actuels.
Une lecture: Martin Gibert, L’imagination en éthique, Hermann, L’avocat du diable, 2014.
Pas besoin d’être riche pour cotiser à un REEE.
Tout comme on a pas besoin d’être riche pour se nourrir…. sauf que certains mangerons du baloney et d’autres du filet-mignon!
La partialité parentale n’est ni plus ni moins que de la partialité.
Elle s’exerce au premier chef au sein même de la famille par les préférences et discriminations envers les uns au détriment des autres: le genre, le rang, les capacités, la ressemblance, etc., tout peut jouer pour influer et faire en sorte qu’un parent, au moment des décisions, fait preuve de partialité.
Une fois hors de la famille ça continue. Certains individus font même jouer une partialité à l’envers (au sein de n’importe quel groupe): pas question de montrer quelque préférence, alors vaut mieux être plus sévère, plus distant, quitte à être ou paraître injuste.
Jusqu’où va-t-on pour privilégier ou discriminer quelqu’un que l’on connaît, pcq on le connait et qu’il nous est proche?
Va-t-on se mettre et le mettre en danger? Mettre en danger d’autres personnes? Trahir nos valeurs et celles qu’on veut lui transmettre?
C’est bien des choses à penser pour une journée d’anniversaire impossible où des gens réunis de classes si diverses, 1 très riche, 1 très pauvre, et le reste de classe moyenne.
Si on laissait les enfants jouer à la philosophie eux-mêmes?
Ils décideraient peut-être de renvoyer les parents et le chauffeur et de faire le party dans la cabane!
Je suis d’accord avec Platon. La famille nuclaire est le contexte éducationnel où la partialité parentale s’exerce le plus strictement et, en même temps, le plus restrictivement. Ce n’est vraiment pas l’idéal pour les enfants. Les kibboutz sont des milieux beaucoup plus riches et intéressants pour eux, mais cette accessibilité à l’influence des Autres vient en opposition avec la notion de propriété privée des enfants.
J’ai énormément de misère à considérer une telle situation d’un point de vue morale et encore plus d’un point de vue philosophique. Mon expérience me dirait qu’il faut partager en fonction des goûts et de l’appétit des enfants indépendamment de leur situation familiale. Ceci dit je considérerais l’attention qui est portée aux enfants selon l’attitude des individus autour, plus ou moins influencée par leur statut social, et c’est sur cette attention que je porterais mon analyse à partir d’observations. Quant à la tension entre les demandes de l’impartialité morale et la partialité parentale, il faut pouvoir s’entendre d’abord sur ce qui est morale et se demander si les tensions qu’on pourrait observer ne relève pas plus d’un différence de conception de ce qui est morale plutôt que ce sur quoi elle porte.
En ce qui concerne la partialité parentale, je travaille depuis un certain temps dans les écoles et je la vois de façon flagrante presque à tous les jours. Cette situation devient problématique lorsqu’elle porte atteinte à la raison des parents. La partialité de ces parents amène l’émotif à prendre le contrôle sur la raison et finit par causer des écueils entre l’école et la maison. Le côté le plus frappant de cette partialité obscurantiste est le cas de l’enseignant qui, d’une part, jette son dévolu sur les parents-valets qui, de l’autre part, défend bec et ongles les gestes inacceptables de son enfants à l’école.
Mais revenons-en à la partialité en tant que telle. Je pense qu’on ne peut pas empêcher un parent à mettre les efforts pour travailler le développement affectif et moral de leur enfant par le biais d’interventions tels que la lecture au lit et le temps de qualité pris avec leur enfant. Sur le plan du matériel… c’est autre chose. À mon avis, ce n’est pas parce que quelqu’un est aisé financièrement qu’il devrait acheter une tablette, de l’équipement sportif de haute gamme, un vélo top performance. Trop souvent, on confond les moyens des gens aux choix qu’ils prendront… or, des mouvements comme la simplicité volontaire est la preuve que le montant gagné par une personne ne garantit pas le type d’acheteur que nous serons. En ce sens, tous les privilèges monétaires accordés à un enfant (linge de marque, salaire par semaine, hockey haute gamme, école privé, etc.) ne devrait pas être relié à une situation financière, mais bien à des choix personnels pris, majoritairement, par des gens aisés. En misant sur une éducation rejetant les préceptes et idéaux d’un capitalisme sauvage et d’une société de consommation, on discuterait aujourd’hui bien moins de partialité parentale !
Bonne discussion !
Il y a cette réalité où le papa de Paul peut aussi bien donner une part plus grande de gâteau à Sylvie pour être ainsi dans les bonnes grâces des parents de Sylvie!!!
C’est le pouvoir qu’offre la richesse.
Un ingénieur m’avait dit un jour qu’étant simple ingénieur, il devait se battre chaque jour pour arriver a quelque chose et qu’une fois devenu surintendant, il n’avait qu’à penser tout haut pour que les choses arrivent d’elles-même!
La partialité va de paire avec l’intérêt….
Souvent on trouve à la base de ce genre de problèmes une question de langage ou un idéal. Ou si vous préférez, une illusion. C’est le cas dans ce texte, car la question de la partialité parentale se pose seulement si on assume que les parents ont le choix face à leurs enfants et qu’ils décident d’être ou de ne pas être impartiaux. Autrement dit, si on se questionne à propos de la partialité parentale, c’est parce qu’on suppose que face à ses propres enfants il existe deux attitudes possibles : la partialité ou l’impartialité.
Mais est-ce vrai? Ai-je vraiment le choix de l’impartialité? Entre mon fils et celui du voisin qui se noient dans un lac, il n’y a aucune différence? Un ordinateur ne verra pas la différence, il fera une évaluation impartiale et essaiera de sauver celui qui a le plus de possibilités de survivre, celui qui a plus de valeur (selon des critères qu’Isaac Asimov a dû bien décrire) ou bien celui qui est le plus proche.
Mais je ne suis pas un ordinateur, mes actes ne sont pas seulement guidés par la raison et par la logique, loin de là : j’ai aussi une dimension émotionnelle, à laquelle je ne peux pas me soustraire. Et tant que je serai un homme, mes choix devront tenir toujours compte de mes émotions, émotions qui me permettent de choisir en fonction de mes goûts, de mes affects ou de mes valeurs. L’impartialité n’est pas humaine.
On pourrait trouver des explications biologiques au comportement dit de partialité parentale, comme la protection des propres gènes étant donné que ce comportement représente un avantage évolutif (les espèces qui étaient dépourvues se sont éteintes); ou des explications économiques telles la sauvegarde du patrimoine et de la propriété (profondément enracinés dans notre cerveau), les bijoux de ma mère doivent aller à ma fille et non pas à la tienne….
De mon point de vue, l’impartialité est une illusion, tout comme tous les autres idéaux. Face à un idéal, il n’y a que des approximations. Merci M. Baillargeon pour cet exercice qui m’a fait me poser des questions auxquelles je n’avais jamais pensé!
La distribution juste des parts aux enfants ne se fait pas tant selon un raisonnement philosophique que plutôt sur les besoins et les goûts de chacun. Certains aiment beaucoup le gâteau, d’autres pas du tout. Certains doivent éviter le gâteau, pour cause d’embonpoint ou de maladie, d’autres n’ont pas de restriction ou ont plus d’appétit. Alors dans la réalité de la vie, même si on offre des parts très égales à chacun, la part de celui qui n’en veut pas pourra être redonnée à celui qui a encore faim.
Par ailleurs, la distribution égalitaire à tout prix ne compensera pas forcément les manques que les enfants peuvent avoir par ailleurs. Ainsi même en donnant deux parts de gâteau à Sylvie, cela ne compenserait pas le fait hypothétique qu’elle ne voit pas souvent ses parents. Tout comme donner deux parts au très pauvre ne le sortira pas de sa pauvreté (nutritionnelle entre autre) et du fait qu’il doive prendre l’autobus…
La partialité parentale peut comporter ses travers, mais elle ne part pas forcément d’une discrimination injuste. Elle peut être justifiée par les besoins particuliers des enfants, leurs goûts, leurs intérêts. Et une part de quelque chose peut être interchangée par une part d’autre chose plus adapté. Même les enfants comprennent ça.
Ainsi il ne sert à rien de donner des crayons de couleurs et des pinceaux à un enfant qui ne trouve aucun intérêt à l’art, ni d’affubler un enfant d’un équipement de hockey si ce sport le rebute.
J’ai commencé la partialité parentale dès le plus jeune âge de mes enfants. En tout cas, ce que je comprends du mot « partialité ». En y accolant son contraire « impartialité », il s’éclaire dans mon esprit.
Le mot « partial », m’amène rapidement à « égalité », peut-être que je fais un lien que je ne devrais pas mais je le fais. Mes enfants étaient égaux dans l’amour que je leur portais mais différents, donc je pouvais les traiter avec justice tout en étant partial, ne pas leur donner la même part du gâteau au même moment.
Être partial comme dans l’exemple ci-dessus est facile, même un automate peut le faire. Un robot peut distribuer des parts égales, mais un être humain doit se servir de sa conscience. Observation attentive, écoute, puis prise de conscience et, ensuite action en conséquence. Si un enfant à un moment donné a besoin de « plus », tu lui donnes et vice versa, un enfant peut en avoir trop à un moment donné. (Trop de matériel, jamais trop d’amour détaché).
C’est ce que j’ai fait avec mes enfants, tout en me sentant juste. Je me suis peut-être trompé quelques fois, mais je préfère me tromper qu’agir en robot. Et quand on se trompe, il y a toujours moyen de se reprendre. Le plus important est de mettre son égo de côté, particulièrement vis à vis les enfants.
Donc, dans l’exemple ci-dessus, la part supplémentaire, j’irais selon le besoin. C’est exigeant, car cela demande d’être très attentif, disponible, vivre à tout crin son moment présent. S’il y a une chose que j’ai remarqué, les enfants sont clairvoyants devant notre honnêteté quand on ne cache pas notre vulnérabilité d’être humain. Ils peuvent même nous aider à trancher des situations difficiles. On peut les amener dans le bain, ils savent nager pas mal plus facilement qu’on le pense !
La justice est autre chose que l’application égalitaire des lois.
Tout ceci est très… malcommode.
De quelque côté que l’on se tourne, un chant de sirène nous incite à tendre l’oreille dans une autre direction. Comme si tout et son contraire sortait du même moule.
Mais, plutôt que de me répandre en considérations vaseuses, je vais m’en tenir à une citation de savant et écrivain allemand Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) que l’on trouve dans son ouvrage posthume intitulé «Aphorismes».
La voici:
«L’impartialité est artificielle. L’homme est toujours partial et il a bien raison. Même l’impartialité est partiale.»
Hypothèse à propos du point de vue du parent:
plus la société est inégalitaire (plus les injustices y sont flagrantes), moins les parents ont de scrupules à être partiaux en privilégiant leurs propres enfants.
Autrement dit: si la société semble relativement juste, les parents auront confiance que leurs enfants, petits ou grands, seront traités correctement. Si ce n’est pas le cas, si le « système » semble corrompu, ils voudront privilégier leurs enfants et leur donner toutes les chances de réussir dans un monde injuste.
Pour reprendre un des exemples donnés ci-haut: si je sais que de nombreuses personnes trichent pour faciliter l’entrée de leurs enfants à des écoles convoitées, pourquoi moi, en tant que parent, ne ferais-je pas la même chose? On pourrait argumenter que ne pas le faire reviendrait à désavantager mon enfant.
D’un cote Platon, le doigt pointant le ciel, un idéal a atteindre, un absolu, et sa théorie pour abolir la famille, de l’autre cote Aristote, le doigt pointant vers le sol, tenant compte de la réalité, de la pratique commune, et sa conception du roi comme un bon pere de famille. J’opte pour la famille car dans les 1e jours de la vie comme dans les derniers ce sont les parents qui sont le plus presents, les seuls qui s’impliquent.
Je n’ai peut-être pas bien compris, mais, il n’y a pas de part supplémentaire; il y a 10 invités + Paul, dont c’est l’anniversaire. 11 enfants.
La partialité parentale pose clairement un problème si les parents ont assez de pouvoir pour que leurs enfants soient favorisés, pas seulement par eux, mais par la société en général.
Je pense que d’avoir un système d’éducation public, gratuit et obligatoire est déjà, en quelque sorte, un pas dans cette direction. C’est-à-dire que l’on élimine une partie des conséquences néfastes de la partialité parentale. De la même façon, donner aux parents des subventions, en plus des services gratuits qui leur sont offert, aide à résoudre ce problème. Une autre mesure dans ce même sens est le pouvoir qu’a l’État de retirer un enfant à ses parents dans le cas où ceux-ci échouent trop significativement dans leur rôle de parents, pour les replacer dans une meilleure famille. On aplanit ainsi certaines inégalités.
À mon humble avis, on devrait continuer de nous diriger dans cette direction, en plaçant sous la juridiction des écoles certaines tâches traditionnellement attribués aux parents – par exemple, l’éducation sexuelle, émotionnelle, apprendre à gérer un foyer, à faire un budget, à se faire à manger, etc. –, en abolissant les écoles privées et en étendant l’école gratuite et obligatoire jusqu’à 18 ans. La cafétéria de l’école devrait également offrir trois repas par jour à ses usagers; ce ne sont pas tous les enfants qui mangent à leur faim.
Dans le même ordre d’idées, on pourrait renforcir le pouvoir qu’a l’État de retirer un enfant à ses parents en agissant plutôt de manière préventive, c’est-à-dire retirer le droit parental à quelqu’un avant même qu’il n’ait un enfant. Limiter les héritages (par exemple, en fixant une valeur totale maximum par héritier) me semble également nécessaire pour éviter que le népotisme ne soit une telle source d’inégalités. Finalement, modifier nos lois sur le travail pour que d’embaucher son enfant ou son neveu/nièce plutôt qu’un inconnu mieux qualifié soit considéré comme de la discrimination au même titre que de refuser d’engager quelqu’un appartenant à une minorité visible.
Pour le reste, le rôle des parents m’apparaît quand même nécessaire sans être forcément inégalitaire. C’est un peu comme une répartition des tâches. Comme si l’État prenait sous sa responsabilité tous les enfants mais recrutait, pour ce travail, les gens qui s’adonnent à être leurs parents.