Alors, voilà: les corrections sont terminées, les enfants sont partis, les dernières réunions ont eu lieu ou sont à peu près terminées. Voici enfin venu le temps des vacances, qui, pour plusieurs d’entre vous, commence par ce qui ressemble de plus en plus à une période de convalescence!
C’est que le métier est terriblement exigeant.
Dur, dur d’être enseignant.e
Il est vrai qu’il n’a jamais été de tout repos. Mais, depuis plusieurs années déjà, il est sans aucun doute plus difficile qu’il ne l’a jamais été.
Il y a, à ce sujet, des indices qui ne trompent pas.
Le taux de décrochage des enseignant.e.s est effarant. Cette donnée est à prendre très au sérieux: en effet, près d’une personne sur cinq – sur cinq!!! – quitterait la profession dans les cinq premières années.
Quant à celles qui restent, elles sont de plus en plus en congé de maladie. En 2008-2009, le nombre de jours d’assurance salaire versés aux enseignant.e.s était de 394 114; en 2012-2013, la dernière année pour laquelle j’ai vu des données, c’était 399 050.
Ça, ce sont les choses qui se voient assez bien de l’extérieur de l’école. Mais pour bien les comprendre et en connaître les causes, il faut aller à l’intérieur de l’école. Là, on comprend pourquoi les enseignant.e.s décrochent ou sont malades.
Je ne ferai pas le tour de cet horrible jardin que vous connaissez bien où on trouve des enfants en difficulté dont on peine à s’occuper convenablement – des abolitions de poste; des livres vieux ou abîmés; des revues désuètes; le manque de tant de choses qu’il vous arrive de devoir aller les acheter vous-mêmes; sans rien dire de ces enfants qui n’ont pas mangé le matin. Vraiment, nous devrions élever une statue à votre dévouement et vous remercier chaque jour de prendre soin de ce que nous avons collectivement de plus précieux.
Mais je tiens à dire que de mon poste d’observation, l’université, on voit aussi des choses qui expliquent en partie votre situation actuelle.
Parmi elles, la pauvreté notoire – et sur laquelle j’ai durant un quart de siècle reçu d’innombrables témoignages – de certains cours offerts aux futurs maîtres. Mais aussi, il faut le dire, la promulgation et l’imposition, par l’université et le MELS, de méthodes non fondées sur les meilleures données probantes et, en certains cas du moins, carrément loufoques et antiscientifiques. (En passant, si vous rencontrez un ou une zélateur de la réforme qui reconnaît aujourd’hui s’être trompé et ne vous accuse pas, vous, de l’avoir fait échouer, présentez-moi cette personne: je lui paie une bière…)
Tout cela a constitué non seulement une attaque en règle contre votre autonomie professionnelle – dont, je le crains, nous paierons longtemps le prix –, mais aussi contre le système public d’éducation – dont à travers les compressions en cours, nous voyons en ce moment les plus dramatiques effets. Et les offres, notamment salariales, déposées par le gouvernement libéral, ajoutent l’injure à toutes ces insultes.
Une rentrée chaude mais prometteuse
La rentrée promet donc d’être chaude et d’en être une de mobilisation syndicale pour la défense des conditions de travail des enseignant.es, mais aussi pour la défense de l’école publique.
Cette fois, cependant, comme vous l’avez vu, un phénomène nouveau se profile: les parents se mobilisent. Ce qu’on entend dans leurs propos, c’est qu’ils et elles disent non aux compressions et au démantèlement d’une école publique désirant accueillir tous les enfants en s’efforçant de réaliser autant que possible, dans une société aussi inégalitaire, un idéal d’égalité des chances.
Ce n’est pas rien – et ce pourrait même être le prélude à une forte mobilisation citoyenne. C’est ce que je nous souhaite.
Nous aurons tout l’été pour en parler autour de nous, pour rappeler pourquoi nous tenons tant à l’école publique et à l’instruction qu’elle dispense, pour dire tout le travail qu’il reste à accomplir et pour dire pourquoi ce n’est surtout pas le temps de couper dans les budgets de l’éducation.
Je vous suggère de commencer vos discussions en rappelant qu’au Québec, selon la crédible enquête PEICA, il y a vraisemblablement quelque 53% des gens qui n’ont pas une maîtrise suffisante de la lecture pour être des citoyens à part entière. Et que la situation semble particulièrement inquiétante chez les… 16 à 24 ans.
Bonnes vacances. Bonne convalescence, le cas échéant. Et bons échanges avec toutes les personnes qui voudront bien vous entendre.
À quelques petits détails vrais: il reste quatre jours de travail et non, la correction n’est pas terminée…il en reste des tonnes de copies… À cela s’ajoutent les rencontres d’évaluation d’élèves pour l’an prochain, fermeture de dossiers, rencontre de bilan d’année, ménage de classe, de salle de bureau, classement de dossiers, commande de matériel pour l’an prochain, remise de notes et j’en passe. Encore quatre jours, quatre jours….
Je respecte et je m’efforce de comprendre et d’accepter différentes opinions concernant le système d’éducation tout en respectant les miennes…
Je suis une enfant de foyer d’accueils en foyer d’accueils…
Nous mangions du gruau le matin avant de partir à l’école et peu pour le dîner.
Nous apprenions l’effort et la persévérance au travail.
Nous étions pauvres, mais propres et respectueux.
Aujourd’hui, je reconnais certains mêmes problèmes sauf que l’ORGANISATION familiale n’a rien à voir avec la pauvreté financière, mais une responsabilité et un intérêt à l’éducation pour l’enfant à la maison.
Vouloir donner ‘’LA PAUVRETÉ’’ comme une des causes au décrochage scolaire, c’est donner raison à CERTAINS parents qui nous laissent TOTALEMENT la responsabilité de leur enfant en se disant qu’on est payé assez cher pour s’en occuper TOTALEMENT…J’en sais quelque chose, je suis enseignante. La fin d’année scolaire s’est conclue avec un bouquet de fleurs d’une élève, 3 MERCIS sur un bout de papier qui valent ma ‘’paye’’ et…aucun merci de la part de parents, dont plusieurs élèves en difficultés qui ont reçu beaucoup de mon temps, des heures de récupérations à mon heures de dîner et même plus….
« LES ENFANTS SONT DE FORMIDABLES IMITATEURS ALORS DONNEZ-LEUR QUELQUE CHOSE DE FORMIDABLE À IMITER»
« selon la crédible enquête PEICA, il y a vraisemblablement quelque 53% des gens qui n’ont pas une maîtrise suffisante de la lecture pour être des citoyens à part entière. »
Je ne sais pas si cette interprétation des résultats du PEICA est parfaitement rigoureuse. Je ne crois pas qu’ils lient de façon si directe la littératie et la qualification au titre de citoyen à part entière. Heureusement. Je ne rêve pas du jour où les gens devront passer des tests de lecture / écriture avant que leurs droits à prendre part au débat public à titre de « citoyens à part entière » leur soit reconnu.
Il semble que le PEICA indique lui-même une interprétation plus prudente, dans les clés qu’il fournit lui-même, dont celle-ci :
Clé no 12 : le potentiel des adultes ne se limite pas au niveau de littératie où ils se classent
Le fait qu’un groupe d’adultes se classent à un niveau donné de l’échelle de littératie ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas réussir des tâches de niveaux supérieurs. La méthodologie du PEICA suggère même qu’ils ont réussi des tâches de niveaux supérieurs.
Malheureusement, ils ne reviennent pas sur cette nuance dans leurs constats finaux. À la fin de la communication, on peut lire :
« Pour l’avenir, nous auront à répondre à de nombreuses questions, notamment au sujet des interventions à mettre en œuvre pour faire en sorte qu’un nombre croissant d’adultes puissent utiliser l’écrit afin d’apprendre, de comprendre le monde dans lequel ils vivent et, ultimement, agir dans leur communauté ou même intervenir dans le cours de leur existence. »
On ne peut qu’être d’accord avec un si noble projet, mais parmi ces « nombreuses questions », celle du lien causal entre la littératie et les capacités nommées ne devraient pas être traitées comme une simple évidence, même si le sens commun semble le confirmer.
En juin 2003, à la veille de prendre ma retraite comme prof après 35 ans d’enseignement, je me suis présenté au conseil des commissaires pour leurs faire mes adieux. Je leurs ai dit de bien me regarder car ils verraient de moins en moins de profs se rendre à 35 ans de service et j’ai expliqué pourquoi. Mais je ne croyais jamais avoir aussi dramatiquement raison. À chaque décision politique qui participe à vandaliser le monde de l’enseignement, je ressens un affreux mal au ventre, un haut-le-coeur qui me fait craindre pour l’avenir du Québec. Ce mépris érigé en système aura des conséquences dont on ne mesure pas encore toute la puissance destructrice pour notre nation.
La télévision française a produit un magnifique reportage sur l’éducation en Corée du Sud et l’implication de Sony. Le principe en est fort simple, n’ayant pas de matière première, ils ont fortement misé sur le savoir, le savoir en tout. Depuis ce visionnement, chaque attaque du monde politique me fait encore plus mal. Pauvre Québec !
Merci de dire haut et fort la réalité des enseingnants
Oui jevous le confirme : la tâche est inhumaine. Les élèves en difficulté nécessitent plus d’encadrement et de personnel, (où on coupe). C’est infernal. On peut appeler ça de la maltraitance. Je crois devoir arrêter le travail plus tôt que prévu pour raisons de santé. Y rester serait me faire violence. Mais là Couillard veut retarder l’âge de la retraite.
Bon repos à tous les enseignants !! et réflexion sur les priorités du système d’enseignement !! Personnellement, je ne comprends pas quand on veut couper sur le besoin criant de classes spéciales et qu’on voit que la représentante des commissions scolaires demeure à Québec et touche en plus de son salaire qui est autour de $144,ooo. dollars et on lui rajoute une prime de $44,000. pour séjourné à Québec pour son travail …les professeurs ont une tâche surhumaine et ne touche pas de supplément tout en étant même pas rénumérés pour toutes les heures supplémentaires rendus au foyer ???
Bonjour Normand,
Est-ce un hasard que le titre de l’article porte le même titre que le livre de Robert Cadotte publié en 2012? Robert a beaucoup travaillé à réduire le 20% des enseignants qui quittent l’enseignement dans les 5 premières années. En plus d’avoir fondé et dirigé le Centre de formation sur l’enseignement en milieux défavorisés,il avait même élaboré en 2005, un site Internet interactif, une TIC qui était très avant-gardiste.
Il est intéressant de rappeler que l’égalité des chances en éducation est inscrite à l’article 26 de la déclaration universelle des droits de l’homme.
http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a26
Et dans l’acte constitutif de l’Unesco…
« Pour ces motifs, les États signataires de cette Convention, résolus à assurer à tous le plein et égal accès à l’éducation, la libre poursuite de la vérité objective et le libre échange des idées et des connaissances, décident de développer et de multiplier les relations entre leurs peuples en vue de se mieux comprendre et d’acquérir une connaissance plus précise et plus vraie de leurs coutumes respectives. »
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=15244&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
M.Baillargeon, un grand merci pour tous vos articles qui sont si excellents et enrichissants.
En passant, votre livre Petit cours d’autodéfense intellectuelle, c’est un délice à lire. Merci encore et bonnes vacances!
Paulina Cordova