Au fil du temps, je me suis constitué un répertoire de citations sur l’éducation qui me semblent dire quelque chose d’important de manière percutante.
C’est un choix subjectif, bien entendu, mais je me suis dit que ce début de fin d’été qui annonce le retour à l’école pour les enseignant(e)s était un moment propice pour partager quelques-unes de ces citations: certaines personnes y trouveront peut-être, elles aussi, leur bien.
Je vous en propose dix.
Sur l’idée d’éducation elle-même
On a beaucoup écrit sur ce qu’est l’éducation et sur ses effets sur la personne qui la reçoit.
Je suis pour ma part très attaché aux analyses du philosophe R. S. Peters. Il a notamment écrit ceci, qui condense, il me semble, un grand nombre d’idées puissantes et justes: «L’éducation est essentiellement affaire de processus par lesquels sont intentionnellement transmises des choses valables d’une manière intelligible et consentie, lesquels créent, chez qui les apprend, un désir de s’y élever qui s’inscrit harmonieusement dans une forme de vie.» (Education as initiation. Ma traduction).
Une telle éducation n’est jamais achevée. Elle est aussi non spécialisée, en ce sens qu’elle n’est pas limitée à un seul champ de savoir: elle ambitionne de procurer à la personne éduquée le plus vaste répertoire cognitif possible par la fréquentation de la diversité des types de savoirs et de leurs particularités, notamment des types de proposition qu’on y formule et des modes de vérification qui leur sont propres. Aristote a clairement vu tout cela: «[C’est le propre] d’un homme [sic] cultivé, écrit-il, de ne chercher la rigueur pour chaque genre de choses que dans la mesure où la nature du sujet l’admet: il est évidemment à peu près aussi déraisonnable d’accepter d’un mathématicien des raisonnements probables que d’exiger d’un rhéteur des démonstrations proprement dites.» (Éthique à Nicomaque, 1094b23-25)
Finalement, une telle éducation produit une sorte de décentrement chez qui la reçoit. Elle nous éloigne de l’ici et du maintenant, nous permet d’avoir de nombreuses perspectives cognitives sur le monde et de l’appréhender bien au-delà de notre petite personne. Le journaliste et écrivain Sydney J. Harris (1917-1986) l’exprime superbement: «Le but de l’éducation est de transformer des miroirs en fenêtres».
Les moyens de l’éducation
Comme on sait, pour atteindre ces nobles buts, on enseigne – et ce mot désigne une très grande variété d’activités allant de parler à démontrer, en passant par de nombreuses autres.
Mais à ce propos, on n’oublie plus la remarque suivante de John Dewey, si on l’a rencontrée ne serait-ce qu’une seule fois: «On peut comparer l’enseignement à la vente. Personne ne vend à moins que quelqu’un n’achète. On tournerait en ridicule un marchand qui dirait avoir vendu quantité de biens alors que personne n’aurait acheté quoi que ce soit. Par contre, il y a peut-être des professeurs qui pensent avoir fait une bonne journée d’enseignement sans se soucier de savoir ce qui a été appris. Il y a entre enseigner et apprendre exactement la même relation qu’il y a entre vendre et acheter.» (How we Think. Ma traduction)
J’ai appris l’idée suivante de Jean-Jacques Rousseau et vous assure qu’elle m’a souvent été salutaire lorsque, parent, je me pressais trop, sans savoir attendre le moment propice: «L’instruction des enfants est un métier où il faut savoir perdre du temps pour en gagner». (Émile ou de l’éducation)
La prochaine citation est d’Alain, qui met superbement en garde contre un danger qu’on n’aperçoit pas toujours. Il développe cette idée que l’enfant aspire à sortir de l’enfance: «Que veut [l’enfant]? Il vise au difficile, non à l’agréable, et, s’il ne peut garder cette attitude d’homme, il veut qu’on l’y aide. Il pressent d’autres plaisirs que ceux qui coulent au niveau de ses lèvres; il veut d’abord se hausser jusqu’à apercevoir un autre paysage de plaisirs; enfin il veut qu’on l’élève; voilà un très beau mot. Un très beau mot, dont l’enfant saisit très bien tout le sens, par ce mouvement naturel de croître qui est le sien. Au niveau de l’enfant, pensez-y, vous n’intéressez déjà que son être d’hier; il se rapetisse alors un peu, afin que vous puissiez lui plaire; mais gare au mépris. […] Tel est le progrès de l’enfant; s’il le fait sans vous, vous n’êtes qu’amuseur. Et rien n’est plus méprisé que l’amuseur.»
L’autorité d’éduquer et les responsabilités qu’elle confère
Les enseignant(e)s, plus que tout autre groupe, sont les gardiens de la civilisation, soutenait Bertrand Russell, qui savait bien qu’elle peut aussi, hélas, ne pas se montrer à la hauteur. À preuve, son bon mot: «Les êtres humains naissent ignorants, pas idiots. C’est l’éducation qui les rend ainsi!»
La question de l’égalité des chances est complexe à mettre en œuvre, mais l’idéal qu’on doit viser par elle peut être exprimée assez simplement. Dewey le décrit ainsi: «La communauté tout entière doit vouloir pour tous ses enfants ce que les meilleurs et plus sages parents veulent pour leurs enfants. Tout autre idéal serait peu élevé et peu aimant et si nous devions en faire la maxime de nos actions, elle serait fatale à notre démocratie.» (The School and Society. Ma traduction)
Peu de gens ont compris l’enjeu politique de l’éducation aussi bien que Hananh Arendt, qui soutenait que toute éducation qui n’est pas conservatrice est condamnée à être réactionnaire. Écoutez-la: «L’éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité, et de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C’est également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun.» (La crise de l’éducation)
Une petite dernière, d’un vieil ami
On attribue à John Lennon ce bon mot, qui lui ressemble en effet et quoiqu’il en soit de son origine.
«Quand j’étais petit, ma mère m’a dit que le bonheur était le but de la vie. À l’école, quand on m’a demandé d’écrire ce que je voulais être plus tard, j’ai donc répondu: heureux. Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question; j’ai rétorqué qu’ils n’avaient pas compris la vie.»
En voici quelques-unes parmi bien d’autres dans ma collection :
Les diplômes représentent un obstacle à la liberté de l’éducation, faisant du droit de partager ses connaissances un privilège réservé aux employés des écoles.
Ivan Illich, Une société sans école, trad. Gérard Durand, p. 151, Éd. du Seuil, coll. Points n° 117.
Mathématiques. La préférence exclusive qu’on leur donne dans l’éducation a de grands inconvénients.
Joseph Joubert, Carnets t.1, p.189, nrf/Gallimard, 1994.
Il est remarquable que l’éducation qui vise à communiquer les connaissances soit aveugle sur ce qu’est la connaissance humaine, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à l’erreur comme à l’illusion, et ne se préoccupe nullement de faire connaître ce qu’est connaître.
Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, p.11, Seuil 2000.
Nous acquérons, par l’éducation, des connaissances éphémères et des répugnances tenaces.
Jean Rostand, Pensées d’un biologiste, Éd. J’ai Lu, n° D5, p. 48.
Dans l’éducation, la notion d’obstacle pédagogique est également méconnue. J’ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c’est possible, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l’erreur, de l’ignorance et de l’irréflexion. […] Les professeurs de sciences imaginent que l’esprit commence comme une leçon, qu’on peut toujours refaire une culture nonchalante en redoublant une classe, qu’on peut faire comprendre une démonstration en la répétant point pour point. Ils n’ont pas réfléchi au fait que l’adolescent arrive dans la classe de Physique avec des connaissances empiriques déjà constituées : il s’agit alors, non pas d’acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne.
Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, p.18, Librairie Philosophique J. Vrin, 1970.
Notre système d’éducation classique a fini par créer une aristocratie de la mémoire, n’ayant aucun rapport avec celle du jugement et de l’intelligence.
Gustave Le Bon, Aphorismes du temps présent, p.223, Les amis de Gustave Le Bon, 1978.
Or l’éducation n’a nul besoin de palmarès. À quoi peut bien servir le constat que l’élève X est « meilleur » que l’élève Y ? Ce besoin est arbitrairement suggéré par la société, qui propose en effet à chacun de se contenter du confort intellectuel qu’apporte la soumission à de multiples hiérarchies. Elle nous fait admettre qu’un parcours de vie se résume à un enchaînement de sélections. Pour jouer véritablement son rôle, l’école devrait tout au contraire tenir compte du potentiel créateur de chacun.
Albert Jacquard, Mon utopie, p.168, Stock, 2006.
L’éducation conventionnelle ne nous permet d’atteindre que très difficilement à une pensée indépendante. La conformité mène à la médiocrité.
Jiddu Krishnamurti, De l’Éducation, trad. Carlo Suarès , p.1, Delachaux et Niestlé, 1965.
Vous avez une superbe collection et j’invite tout le monde à la visiter, comme je l’ai fait souvent,
«Mathématiques. La préférence exclusive qu’on leur donne dans l’éducation a de grands inconvénients.» Pourtant, je pense parfois aux garçons, qu’on dit moins performants à l’école. Il me semble qu’au début de la scolarité leur habileté à la représentation spatiale pourrait être exploitée, encouragée et évaluée. Peut-être auraient-ils de meilleures notes? Et peut-être que les filles gagneraient à développer cette habileté?
« Il est plus profitable de former les jeunes que de les éduquer! »
– D’un PDG quelconque…
De Bill Gates:
– Vous ne gagnerez pas des centaines de milliers de dollars par an en sortant de l’école. Vous ne serez pas vice-président en commençant, avec GSM et voiture de fonction fournis, avant d’avoir mérité, gagné ces privilèges.
– Si vous croyez que votre professeur est dur avec vous, attendez d’avoir un patron.
– Votre école s’est peut-être débarrassé d’un système de sélection arbitraire et impitoyable, PAS LA VIE! Dans la vie, on n’a pas aboli les examens de passage et on ne vous donne pas autant de chances que vous voulez pour obtenir la bonne réponse.
– La vie n’est pas divisée en semestres. L’été est une saison, pas un trimestre de congé. S’assumer est une responsabilité individuelle : très peu d’employeurs sont disposés à le faire pour vous à votre place.
« L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde » disait Nelson Mandela.
Aussi, la Déclaration universelle des droits de l’homme qui affirme le principe de la non-discrimination et proclame le droit de toute personne à l’éducation.
Comme cité plus haut, je ne saurais trop conseiller «De l’éducation» de, Jiddu Krisnamurti. D’ailleurs il existe déjà plusieurs écoles qui portent son nom.
http://www.jkrishnamurti.org/fr/worldwide-information/schools.php
C’est le «penseur» qui m’inspire le plus. Je dis ça comme ça!
Pour en goûter la substance il y a un petit livre tiré de ses conférences: «Se libérer du connu» que je ne saurais trop conseiller également.
Voici la mienne..
« Pourquoi étudier et pocher, quand on peut ne pas étudier et pocher quand même?»
– Un étudiant
J’ai 71 ans et je continue à travailler à outiller les élèves et les enseignants dans le domaine des mathématiques et ce à un niveau de 25 à 30 heures par semaine. J’ai oeuvré durant 35 ans dans ce domaine. J’adore M. Baillargeon que l’on devrait écouter. Avec ce ministre qui est totalement menotté par une dictature libérale gouvernementale centrée sur l’économie, on prend un risque énorme qu’on devra payer cher plus tard. L’éducation doit être le centre et le base de l’activité d’une nation. Je continue d’être de tout coeur avec tous ceux qui oeuvrent actuellement dans ce domaine.