Vous la connaissez sans doute.
C’est une petite fille qui est assise sur les genoux du père Noël et qui lui dit ce qu’elle voudrait en cadeau: une licorne!
Embarrassé, le brave barbu lui demande si elle n’a pas un autre souhait. La petite répond alors: «Je voudrais qu’on ait un gouvernement qui ne se préoccupe que du bien commun et qui ne soit pas là pour servir des intérêts particuliers.»
Le père Noël: «De quelle couleur tu la veux, ta licorne?»
Voici 5 souhaits pour 2018.
Je les pense raisonnables – à des degrés divers, sans doute. Mais raisonnables. Disons, pour certains, comme demander une licorne…
Éducation
Je plaide pour elle depuis longtemps.
Elle devrait rassembler tout le monde, au-delà des divergences et des partisaneries politiques.
Elle est depuis trop longtemps déjà nécessaire et la créer donnerait enfin un précieux gage du sérieux que nous accordons à l’éducation, qui est selon moi l’enjeu des enjeux.
Quoi donc?
Une commission Parent 2.0.
J’en rêve. Je rêve d’une solide équipe de gens sérieux, informés, non partisans. Ils et elles consulteraient, réfléchiraient, étudieraient. Puis ces personnes avanceraient, en ayant pris tout le temps qu’il leur faudra, des propositions pour faire arriver l’éducation du Québec au 21e siècle.
On mettrait ainsi fin aux rapiéçages improvisés, aux solutions partisanes, mal avisées ou à courte vue, qui sont notre lot depuis si longtemps, depuis trop longtemps.
C’est là mon plus cher souhait pour 2018.
Politique
Après une mûre réflexion collective, je voudrais qu’on établisse une forme ou l’autre de mode de scrutin proportionnel.
Est-il besoin de dire pourquoi? Non, bien sûr!
On entendra donc sous peu, c’est certain, le beau consensus de tous les partis politiques, nous disant que le temps est venu de faire ce qui doit être fait, en se préoccupant uniquement du bien commun, sans penser à servir les intérêts particuliers, et afin de…
Je la veux bleue, ma licorne…
Art
L’état de notre conversation démocratique m’inquiète souvent, avec ces parfums de censure qu’on y subodore ici et là, avec ces limites imposées à la liberté d’expression, avec cette irrespirable atmosphère de rectitude politique. Je souhaite qu’en 2018 elle n’atteigne pas, comme certains le redoutent, dont moi, le monde des arts.
Deux personnes ont mieux dit que moi ce qu’il convient de dire ici et je les citerai donc: «En matière de création artistique, il importe essentiellement que l’imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. À ceux qui nous presseraient, que ce soit pour aujourd’hui ou pour demain, de consentir à ce que l’art soit soumis à une discipline que nous tenons pour radicalement incompatible avec ses moyens, nous opposons un refus sans appel et notre volonté délibérée de nous en tenir à la formule: toute licence en art.» (André Breton et Diego Riviera)
Économie
Voici une petite énigme facile à résoudre.
Il s’est récemment créé au Québec un nombre record d’emplois et nous avons, au moment où j’écris, le plus bas taux de chômage depuis plus de 50 ans: 5,4%.
Pourtant les gens, quand on les sonde sur le sujet, jugent très sévèrement les politiques du gouvernement pour favoriser la création d’emplois et stimuler les investissements économiques.
Vous avez deviné. C’est la redistribution de la richesse qui n’est pas au rendez-vous et qui est la clé qui résout cette énigme. Le drame, perçu par tout le monde, est que notre société devient de plus en plus et dramatiquement inégalitaire. Insécurité alimentaire, emplois mal rémunérés, travailleurs demeurant pauvres, inégale redistribution de la richesse: voilà le mal.
C’est vrai au Québec et c’est vrai partout ailleurs, à des degrés divers. La croissance profite, de manière massivement prévalente, aux plus favorisés, tandis que les plus faibles souffrent d’une austérité dont on ne leur redistribuera que des miettes quand on y mettra fin et si on y met fin.
C’est un enjeu économique majeur, sans doute notre plus grand défi sur ce plan. Et ce défi, à vrai dire, n’est pas qu’économique. Aristote rappelait en effet, avec raison, que la démocratie recule à proportion que les grandes inégalités économiques s’accroissent. Si vous avez de trop grandes inégalités, il vient en effet un moment où, à proportion, vous n’avez plus de substantielle démocratie, puisque celle-ci suppose que des gens échangent, se rencontrent, ont entre eux des liens et partagent des intérêts communs, qui les unissent. Une véritable égalité des chances devrait, en démocratie, produire une certaine égalité des conditions. On en est loin. On s’en éloigne encore.
Rêvons qu’en 2018 on commence sérieusement à travailler à réduire les inégalités économiques et qu’on…
Je la prendrai bleue, cette fois encore…
Littérature
Laissez-moi rêver.
Comme vous le savez, il n’y a jamais eu de prix Nobel de littérature attribué à un auteur québécois. Nous avons pourtant chez nous des écrivains tout à fait nobélisables. Rêvons que ce soit le tour d’un d’entre eux cette année.
Pour ma part, je plébiscite Michel Tremblay. Pour la diversité de son œuvre, pour la quantité et la qualité de sa production. Et aussi parce qu’il a su, comme Marcel Pagnol, atteindre l’universel en restant chez lui et parler de la condition humaine en parlant de nous.
Il y a plusieurs années, on a bien ri de moi et des quelques autres qui pétitionnaient pour que le Nobel de littérature soit attribué à Bob Dylan. Existe-t-il un comité qui milite pour que le Nobel soit décerné à Tremblay?
Si ce n’est pas le cas, je suggère qu’on le fonde immédiatement. Comptez-moi parmi les premiers signataires du Manifeste pour l’attribution du Nobel de littérature à Michel Tremblay.
Bonne année.
Et pas trop de licornes. Même bleues…
Je souhaite que vos voeux se réalisent !
Un prix Nobel de littérature remis à Michel Tremblay ? Quelle bonne idée ! J’ai aussi une affection pour Réjean Ducharme.
Maintenant, à propos de la création d’emplois et le taux de chômage. Plus que jamais, il faut appliquer les détecteurs de poutine qu’un certain Normand Baillargeon a montré dans le Petit Guide d’autodéfense intellectuelle. C’est sûr que si on coupe 200 000 emplois à temps plein puis offre 400 000 jobs à temps partiel la moitié du salaire d’avant, les chiffres paraissent jolis. Sur le taux de chômage, on ne compte pas l’augmentation record du nombre de travailleurs autonomes (emplois non assurables qui n’apparaissent pas dans les statistiques) ni ceux qui sont sur l’aide sociale ne faisant pas partis des du calcul de la population active.
Depuis 2011, c’est devenu un rituel pour moi de soumettre la candidature de Tremblay au prix Nobel de littérature pour le 31 janvier. C’est fait pour 2018. Claude Corbo, à l’époque où il était recteur de l’UQAM, l’a fait à deux reprises dans les années 1990. On se croise les doigts.