Je vous propose un petit jeu. Voici ses règles.
Vous êtes placé devant un phénomène singulier, plus ou moins étrange, un phénomène qui rompt avec l’ordre usuel des choses. Il est en ce sens inexpliqué, du moins par le cadre habituel qui vous permet d’ordinaire de comprendre le monde. Ce phénomène attire pour cela votre attention.
Vous voulez comprendre. Vous tentez donc des explications que vous testerez le plus soigneusement possible.
Il se peut que vous parveniez à expliquer le phénomène intrigant. Tant mieux, tout rentre alors dans l’ordre.
Mais il se peut aussi que vous ne le puissiez pas. Peut-être même que personne ne le pourrait.
Voici alors vos options.
Une première possibilité est de conclure que cette incapacité est provisoire et que nous parviendrons un jour, on peut l’espérer, à expliquer le phénomène intrigant.
Une autre possibilité est que la solution soit connue de certaines personnes savantes qui pourraient vous l’expliquer.
Mais il se peut aussi que vous ne vouliez pas connaître cette explication et que vous vous prêtiez, émerveillé, à ce phénomène – ce qui peut d’ailleurs être très agréable. C’est un peu cela qui se produit durant le spectacle d’un magicien.
Une autre possibilité est d’interpréter le phénomène en disant que c’est un miracle. Il n’est pas interdit de penser qu’on explique alors l’inexplicable par plus inexplicable encore.
Une dernière possibilité est que finalement, le phénomène allégué n’ait pas eu lieu: l’explication est alors qu’il n’y avait en fait rien du tout à expliquer.
À présent, jouons.
Les cadeaux d’un barbu
On vous parle d’un barbu de rouge vêtu qui distribue des cadeaux à tous les enfants sages de la Terre entière, cela en une seule nuit et en voyageant sur un traîneau tiré par des rennes volants.
Enfant, vous y avez peut-être cru. Était-ce pour le mieux?
Quoi qu’il en soit, devenu adulte, vous savez bien qu’il n’y a pas de phénomène à expliquer. Prenez en compte le nombre de maisons visitées, la durée de chaque visite, le temps alloué, calculez la vitesse requise en tenant compte de la montagne de biscuits avalés. D’ailleurs, si la science amusante derrière tout cela vous intéresse, vous sourirez pas mal en lisant ceci.
J’ajouterai que la créature que l’on connaît aujourd’hui est bien récente: elle est née sous le pinceau d’un artiste travaillant pour Coca-Cola dans les années 1930 du siècle dernier. Elle est un des facteurs qui nourrit cette singulière frénésie consumériste du moment. Au fait: mérite-t-elle une explication? Laquelle?
Mais passons à un autre phénomène.
Une étrange étoile
Mathieu, et il est le seul des quatre évangélistes à parler de cela, raconte que des mages ont suivi depuis l’Orient une étoile qui les a conduits à l’étable où Jésus est né. Si ces crèches de la saison qu’on voit un peu partout sont souvent surmontées d’une étoile, c’est justement en souvenir de celle-là, la fameuse étoile de Bethléem.
Des astronomes (typiquement des croyants) ont, depuis Kepler, proposé des explications à ce singulier phénomène.
Kepler, justement, a cru à un alignement des planètes Saturne et Jupiter, survenu dans la constellation des Poissons, qui est, comme par un heureux hasard, le symbole des chrétiens.
Hélas, pour lui, cette conjonction ne pouvait être confondue avec une étoile, moins encore avec une étoile qui resterait si longtemps visible que les mages l’auraient suivie durant les semaines qu’a duré leur périple.
Une autre hypothèse est qu’il s’est agi de l’implosion d’une étoile, laquelle dégage une formidable lumière.
Une autre encore est qu’il s’agissait d’une comète.
Mais pour diverses raisons, aucune des hypothèses envisagées ne correspond aux faits rapportés. D’autant que les mages ont vu l’étoile à l’est, allant vers l’est, et l’ont suivie pour aller à l’ouest! Là où personne ne semble d’ailleurs l’avoir vue… Par contre, il faut le savoir, ce genre de récit dans lequel un phénomène céleste accompagne la naissance d’un être destiné à devenir exceptionnel est courant à cette époque.
Alors? Mystère résolu? Mystère persistant? Miracle? Magie? À vous de décider.
Mais voici un dernier jeu.
Une nuit
La nuit commence alors que les enfants déballent leurs cadeaux. Grand moment. Qu’est-il pour eux? Pour vous? Comment l’avez-vous préparé? Qu’auriez-vous aimé qu’on vous dise, ou qu’on vous cache, enfant?
Vous passez ensuite à table avec la famille et les amis. Ce soir-là, précisément, vous ressentez une bien vive émotion et vous repensez aux mêmes fêtes des années passées.
Vous sortez dehors et contemplez les étoiles.
Vous le savez: on a résolu une part de leurs mystères. Mais il nous reste encore bien du travail. En attendant, vous songez que ce que vous voyez est l’état des étoiles il y a bien longtemps, le temps que leur lumière vous parvienne.
Vous pensez alors aux gens que vous aimez et qui vous attendent à l’intérieur, vous pensez à tout ce qui vous lie à eux et elles. Vous avez une pensée pour ce brave Emmanuel Kant (1724-1804). Sur sa tombe, il a fait inscrire: «Deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s’y attache et s’y applique: le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi.»
Ce que vous ressentez, je vous le souhaite, est vraiment étrange et n’arrive pas si souvent. Une sorte de phénomène singulier, qui rompt avec l’ordre usuel des choses.
Je vous laisse l’expliquer. Ou pas. Pendant que vous rentrez retrouver les enfants et vos proches.
Très bonne chronique! J’aime bien la forme… « un barbu de rouge vêtu… »: élégant :)
Un corbeau habitué de vivre dans les plus hauts sommets verra comme miraculeux un homme s’approchant de lui en marchant, un soir de brume, si, par inadvertance, le corvidé est perché sur un poteau près du sol. Le miraculeux est donc ce qui arrive et qui ne devrait pas arriver.
En ce sens, la conscience morale est miracle quand elle touche les étoiles.
Moi aussi, je vous propose un jeu. Par une belle nuit étoilée, repérez une étoile, n’importe laquelle, mais c’est plus facile si elle est très brillante et vous semble bien grosse; observez la bien, très bien. Le jeu est de trouver la maison qui se situe sous l’étoile comme ont fait les trois mages. Il faut être patient.
L’évangéliste Matthieu.
Ho Ho Ho Holà les erreurs factuelles. Je ne veut pas gâcher la magie de Noël, mais le fait que Coca-Cola ait inventer le père Noël est un mythe. En effet, bien que Coca-Cola a bien contribué à populariser l’image du père-Noël, son histoire moderne distribuant les cadeaux dans un traîneau tiré par des rennes tout en passant par la cheminée vient du célèbre poème : A visit from St-Nicolas publie dans un journal à New-York en 1823 soit bien avant la creation de la compagnie Cola-cola. De plus, suite à la publication du poème on a pu voir apparaître plusieurs illustrations du père Noël à la barbe blanche portant un manteau rouge avec de l’amour fourrure blanche. Coca-Cola a décidé d’utiliser le fait que ces images du père Noël correspondaient aux couleurs de leur image de marque pour en faire une campagne publicitaire. Pour vous convaincre, vous pouvez faire une recherche d’illustrations du père Noël d’avant 1930. Je vous suggère entre autre les pages couvertures des éditions de Noël du magazine Puck de la fin des années 1800 aux débuts des annees 1900.