À quelques reprises, que ce soit lors du plus récent bilan d’achalandage ou de la présentation du plus récent budget, j’ai entendu le président du Réseau de transport de la Capitale (RTC), Rémy Normand, affirmer qu’on allait continuer à miser sur le confort des usagers pour développer le transport en commun à Québec. Le confort? Vraiment?!
Je comprends qu’il faut un minimum de confort, mais il y a toujours bien des limites. Ce n’est pas un autobus voyageur non plus, c’est du transport en commun. La mission est de permettre à tous les citoyens et toutes les citoyennes de la région de Québec de se déplacer à un moindre coût personnel – et collectif.
J’ai pris le transport en commun à Boston pendant les Fêtes. J’ai utilisé l’autobus, le métro et le train. Ce que j’ai apprécié le plus? Son efficacité. Peu d’attente, mais surtout, un réseau bien développé, me permettant d’aller partout, sans avoir à revenir sur mes pas chaque fois.
Clairement, les autobus et les wagons sont moins fashions que les nôtres. Pas mal moins, même. Et je me suis dit qu’ils investissaient sûrement à de meilleurs endroits – pas dans la broderie du nom du réseau sur les bancs, par exemple.
Toutefois, je dois donner au RTC que l’affichage en direct du parcours dans les autobus est un gros plus. Il m’est arrivé de me sentir perdu dans le train de Boston, n’ayant aucune référence pour savoir où il était rendu. À ce moment, je pensais à ces écrans dans les autobus du RTC qui sont vraiment pratiques pour savoir où l’on doit débarquer.
Sur le site sur RTC, on peut lire que sa mission n’est pas la même que celle que j’imaginais: «Le Réseau de transport de la Capitale a pour mission de permettre aux citoyens de mieux vivre la ville par un transport collectif de qualité, au meilleur coût pour la collectivité.»
Ça veut dire quoi, «mieux vivre la ville»? Et pour qui? Parce que lorsque j’entends Rémy Normand parler d’améliorer le confort, j’ai l’impression qu’il souhaite briser cette image que le transport en commun, c’est terne, déprimant et seulement pour les pauvres. Et ça se défend. Mais l’efficacité d’un réseau sera toujours plus gagnante que des autobus cutes. Et plus encore, il ne faut pas les oublier, ces pauvres, qui, eux, n’ont rien d’autre pour se déplacer.
Je suis le premier à vouloir convertir les automobilistes au transport en commun, mais ceci ne doit pas se faire au détriment des plus démunis, qui, eux, n’ont aucune autre option. Et en misant sur le confort plutôt que sur l’accessibilité, on risque de les échapper et de passer à côté de cette mission de «permettre aux citoyens de mieux vivre la ville». En fait, on les empêche de «vivre la ville» si on freine l’accessibilité.
Au conseil d’administration du RTC, on n’y retrouve que deux membres usagers, sur neuf. Une est de la Ville de Saint-Augustin. Les six autres membres sont du conseil municipal de Québec, dont le président Rémy Normand. Tous des membres de l’équipe Labeaume, un maire qui a déjà dit que personne ne rêvait de prendre le transport en commun à Québec.
Je n’ai pas l’impression que le point de vue de l’usager doit être pris en considération. J’ai une impression que le politique doit beaucoup influencer les stratégies de développement du RTC. Un conseil d’administration avec si peu de représentation citoyenne et une absence d’expertise en transport ou en mobilité augmente ses risques d’être déconnecté de sa mission.
Probablement que Milhouse me lancerait un «radical» en m’entendant dire ça, mais je prône un RTC gratuit pour tous. Je crois que c’est un service essentiel, non seulement pour les plus démunis, mais aussi en tant que société. La voiture est un luxe et non une nécessité qui a un énorme coût personnel et collectif. En tant que société, nous devrions déployer un vrai système de transport en commun universel. Tous ces investissements auraient des impacts positifs sur l’environnement, sur la santé publique, sur la congestion, sur les infrastructures, etc.
L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) publiait il y a un an une étude sur les effets positifs d’un investissement massif en transport en commun au Québec. On y apprenait, entre autres, que l’automobile a un coût de 8 milliards de dollars annuel pour la collectivité (environnement, infrastructures, etc.). Juste en santé publique (asthme, obésité, etc.), on l’estimait à 500 millions.
Une récente étude du CAPMO (Carrefour d’animation et de participation pour un monde ouvert) s’est penchée sur l’accessibilité du RTC. Sans surprise, le laissez-passer mensuel et même le coût des billets à l’unité sont un frein pour plusieurs personnes en situation de pauvreté.
Si bien que certaines personnes voudraient se trouver un nouvel emploi qu’elles n’arriveraient pas à sortir de leur quartier. Elles aimeraient bien se nourrir, mais leur quartier aux logements abordables est un désert alimentaire et elles sont incapables de se payer un trajet en autobus. Elles auraient besoin d’aller voir un médecin, mais n’ont pas les moyens de se payer l’autobus. Et cetera.
Même si le CAPMO a fait une étude à partir du témoignage d’usagers et qu’il est très actif auprès des clientèles plus démunies, le regroupement est moins radical que moi et propose une tarification sociale.
C’est une mesure déjà présente dans la très communiste ville de Calgary. Ce qui fait que sous un certain seuil de revenu, le coût du laissez-passer est à 50%, par exemple. Ç’a commencé par un projet-pilote, et devant les effets bénéfiques, le projet s’est bonifié et agrandi.
L’achalandage augmente, les trajets deviennent donc plus rentables, et, en plus, le transport en commun devient une mesure de lutte à la pauvreté, à la pollution, à la congestion. Sans parler des effets bénéfiques sur la santé publique.
Il me semble que tout ça correspond à l’idée de «permettre aux citoyens de mieux vivre la ville», non?