Depuis le 29 janvier 2017, je suis impressionné par l’attitude des représentants du Centre culturel islamique de Québec et par plusieurs membres des communautés musulmanes. Ils auraient plein de raisons d’être en colère, mais non, leur message est toujours rempli d’amour et d’ouverture.
Encore lors de la cérémonie citoyenne et pendant les jours qui ont précédé le triste anniversaire, toujours des messages d’amour pour le Québec. Et pas seulement parce qu’ils se sentent obligés. On sent que c’est sincère. Ils ont même offert leurs condoléances, ou leurs sympathies, le terme n’est pas clair dans cette situation, aux parents d’Alexandre Bissonnette, l’auteur présumé de l’attentat.
Entre vous et moi, je comprends. Je suis du genre à pardonner même à ceux et celles qui m’ont fait le plus mal. Comme Jésus, je tends l’autre joue.
Je ne crois pas en la haine. Non seulement la haine n’amène à peu près jamais rien de bon, mais en plus, ça coûte cher. Émotivement, physiquement, financièrement, parfois même environnementalement, mais surtout psychologiquement. La haine donne cette impression de faire mal à l’autre et de nous faire du bien, mais pendant ce temps, en catimini, c’est à nous-mêmes que la haine fait le plus de tort. Ça te ravage une âme avec une grande efficacité.
Pensez au capitaine Achab et Moby Dick. À Dark Vador. En fait, je vous mets au défi de me trouver une histoire où un personnage mué par la haine connaît une fin heureuse.
Malgré tout, ça demeure marginal, le pardon, dans notre société. C’est présent dans des livres cheaps dans les pharmacies, c’est mis de l’avant par certaines personnalités en quête de votes parfois, mais foncièrement, dans notre quotidien, ce n’est pas si présent.
On a plutôt tendance à voir du monde haïr d’autres personnes, et souvent pour des raisons franchement idiotes. Suffit d’aller lire les commentaires sous un article. De naviguer sur Facebook. D’écouter certaines personnes à la radio. De lire des tweets de Donald Trump.
Cette haine est déclinée sous une forme de rancune. Et on la transpose. On va haïr toute la famille d’une personne parce que celle-ci nous a fait mal. On va détester une compagnie parce qu’une représentante nous a mal servi. On va maudire un peuple parce qu’un de ses citoyens était un crosseur. La haine aime ben gros la généralisation.
C’est pour ça que le message d’amour des communautés musulmanes de Québec est si fort et qu’il m’émeut autant. Violences ordinaires. Racisme et préjugés ici et là. Tête de cochon déposée à la porte. Messages haineux. Voiture incendiée. Manifestations. Six morts. Trop de blessés. Malgré toutes ces attaques, leur message continue à prôner l’amour, le pardon et l’ouverture.
Pendant ce temps, tu as des regroupements de citoyens et de citoyennes qui lancent ces attaques pour répliquer à quoi? À des «accommodements raisonnables» qui, la plupart du temps, ne font rien de plus qu’attaquer l’imaginaire.
Comment réagiraient ces personnes si elles subissaient tout ce que vivent ces communautés? Je n’ose même pas l’imaginer.
Le pire, en fait, c’est que bien souvent, c’est une réplique à du vent. Une mise en pratique du très mauvais adage que la meilleure défense est l’attaque, motivée par la peur. On a sûrement, comme société, des questions à se poser sur la raison de cette peur si présente et si forte; et pourquoi on n’arrive pas à la calmer. Mais aussi forte puisse être cette peur, ça ne peut justifier ces violences.
Des groupes qui, pour se faire croire qu’ils ne sont pas racistes, vont se cacher derrière des concepts d’immigration illégale qui n’existent pas, derrière un féminisme qu’ils ne défendent jamais, derrière une justice sociale qu’ils n’aident habituellement pas ou derrière des discours laïques, qui, étrangement, ne ciblent qu’une seule religion.
On peut parler d’immigration et de l’islam sans être raciste, évidemment. On peut poser des questions. Il y en a plusieurs qui sont pertinentes. Mais La Meute, Storm Alliance, Atalante et autres III% ne font pas partie de ceux et de celles qui réussissent à en parler sans être racistes. Leur pourcentage de questions pertinentes et pas racistes doit être aussi élevé que le taux de femmes portant le voile intégral au Québec, c’est-à-dire pratiquement nul.
On se retrouve quand même dans une situation où ce sont les personnes qui ont été attaquées qui tendent les bras à ceux et celles qui les ont attaquées – et notons que les attaquants ne sont pas attaqués.
C’est un message qu’on retrouve aussi dans le Festival contre le racisme de Québec, qui aura lieu à la fin mars, justement. Du respect, de l’ouverture, de l’inclusion. Le travail que cette équipe fait, bénévolement, pour créer des rencontres, pour tendre la main, pour sensibiliser et pour s’assurer que tout le monde peut y prendre part est magnifique.
Heureusement, je sais que les groupes nommés plus haut ne représentent pas «l’ensemble de la population québécoise blanche née ici». Tout comme je sais que chez les musulman.e.s aussi, il y en a des taré.e.s comme ça.
Mais si je devais choisir un exemple d’un Québécois qui pourrait susciter une fierté chez moi, Boufeldja Benabdallah serait sans aucun doute une option, contrairement à n’importe quel leader d’un de ces groupes «identitaires».
Message rafraîchissant et lucide mais qui aura peu d’impact chez la population déjà suspicieuse, apeurée souffrant d’islamopsychose généralisée. Ils retourneront dans leur monde parallèle agrémentés de conspirations loufoques , de fake news et de haine pre-programmé. Une goutte dans l’océan de la tolérance, du respect et de l’ouverture, mais si cela peut remplir minimalement un sceau elle restera pertinente et nécessaire.