Pendant la campagne qu’on vient de vivre, la CAQ a mentionné ceci: «Nous sommes conscients des cibles à atteindre. La CAQ est d’accord pour augmenter la superficie d’aires marines et d’aires terrestres protégées […] sans mettre en péril des activités économiques vitales pour le dynamisme de nos régions.»
C’est un discours assez classique. Lors d’une autre campagne, fédérale, un candidat conservateur avait déjà mentionné qu’il ne voyait pas de problème à «tasser deux ou trois palourdes» pour créer des emplois.
Il ne faut pas nuire à l’économie. C’est le mot d’ordre, partout. On peut aider le transport en commun, on peut bâtir des pistes cyclables, on peut préserver des caribous, on peut planter des arbres, on peut prendre soin de nos personnes âgées, on peut faire beaucoup de bonnes choses, tant que ça ne vient pas nuire à l’économie.
Plusieurs environnementalistes ont changé leur discours afin de faire passer leur message. Cette phrase de Gabriel Nadeau-Dubois devant des entrepreneur.e.s de la Gaspésie le démontre bien: «Quand Couillard dit qu’on ne perdra pas une job pour sauver des caribous, moi je dis qu’on va créer des emplois parce qu’on va sauver des caribous.»
Si bien qu’on n’entend presque jamais le message inverse. Au lieu du classique «protéger l’environnement tant qu’on ne nuit pas à l’économie», il serait intéressant d’entendre un.e politicien.ne mentionner qu’on peut «dynamiser l’économie tant qu’on ne nuit pas à l’environnement». Ou à la santé publique.
Le sacro-saint, c’est l’économie, pas l’environnement. Pas le bien-être des gens. Ce discours sous-entend que l’économie est plus importante que la santé publique et environnementale. En fait, c’est exactement ça aux yeux de plusieurs. Pourtant, sans santé, pas d’économie. Sans environnement, pas d’économie.
Bien naïvement, j’aurais cru que la sortie du ministre Nicolas Hulot, en France, aurait eu plus d’échos dans notre campagne électorale. Qu’un ministre responsable de la transition écologique démissionne en dénonçant l’immobilisme des gouvernements devant les lobbys et, surtout, en disant à quel point personne n’en fait assez, j’aurais cru que ça allait pu mettre le débat dans la campagne québécoise. C’est un geste politique énorme.
Finalement, le plus grand écho au Québec aura peut-être été dans les chroniques de Patrick Lagacé sur le sujet.
Je crois que les écologistes qui font la promotion des opportunités économiques dans les transitions vertes ont raison. Je crois qu’il y a effectivement de grandes activités économiques qui peuvent découler de changements écologiques – et que si ces transitions peuvent tuer certains secteurs, d’autres vont naître à côté. Sauf que présenter les choses ainsi joue le jeu de certains économistes, d’une vision particulière de la société.
Pourtant, l’économie est simplement le fruit des échanges que l’on fait entre nous. Que l’on se déplace en voiture ou en tramway, que l’on mange des fruits et des légumes locaux plutôt que de la Californie, l’économie ne s’arrêtera pas, parce qu’on va continuer à échanger des biens et des services entre nous. Même dans une anarchie, il y aurait une économie, différente, mais il y en aurait une.
Toutefois, privilégier l’achat local a un impact sur l’environnement, sur la qualité de vie, sur la vitalité d’une région. Miser sur le transport en commun dans les milieux urbains a un impact sur la qualité de l’air, sur la fluidité des déplacements, sur la santé publique. Encourager 20 projets régionaux en Gaspésie a autant d’impact économique qu’une énorme cimenterie hyper polluante dans une seule ville gaspésienne.
Le recyclage et le compostage peuvent être rentables si on change la façon de les faire, la manière d’utiliser nos ressources. La géothermie, la biomasse et plusieurs autres formes d’énergies alternatives peuvent être gagnantes si on change notre façon de structurer l’énergie.
L’énergie éolienne ne coûte pas cher à produire, mais elle devient coûteuse lorsqu’on ne l’intègre pas de la bonne manière, comme on l’a fait au Québec.
On accepte sans broncher et on trouve même «naturel» de voir les nouvelles technologies transformer l’économie, le milieu des affaires, même lorsque celles-ci tuent certains secteurs. Faut accepter Uber, disent certaines personnes, et s’y adapter. Pourquoi ne pas avoir la même attitude pour l’environnement? La transition écologique est inévitable, beaucoup plus fatale que Uber, Netflix et d’autres nouveaux géants des affaires auxquels on s’adapte.
Des secteurs d’activité naissent et meurent, c’est le propre de l’économie, mais des écosystèmes qui se meurent, des espèces qui disparaissent, un climat qui se dérègle, des sécheresses qui ne se terminent pas, ça, c’est une autre histoire, ça, ça devient compliqué à gérer et à affronter.
Il faut arrêter de faire peur avec l’économie. Il faut arrêter de faire croire que nous existons grâce à l’économie. C’est l’inverse. Tout ça peut même s’intégrer dans un système capitaliste. Où est cette audace qui devrait découler du capitalisme?
Je rêve d’entendre un ou une leader politique me dire que l’environnement et la santé publique seront les balises pour définir nos activités – des éléments non négociables. Je rêve d’entendre un ou une candidate dire qu’elle est prête à «sacrifier» un emploi pour sauver un caribou ou un arbre.
L’économie s’adaptera toujours à nos façons de vivre, mais nous ne pourrons pas toujours nous adapter à une vision économique qui nous fait foncer dans un mur.
Parce que nous ne filons plus directement dans un mur, nous avons déjà commencé à frapper le mur. La collision a déjà lieu.
Très bon article! oui à la protection de l’environnement et de la santé publique ce qui fait partie d’une vision écoféministe de l’économie.
Merci