Roulette russe

La guerre à l’automobile

On entend souvent cette expression, que ce soit lorsque le maire Ferrandez réforme les rues du Plateau ou lorsqu’on parle du futur tramway à Québec: il y aurait une «guerre à l’automobile». Si guerre il y a, l’automobile demeure la grande gagnante, et ce, sans faire le moindre effort.

Même si le projet de tramway – ou de réseau structurant de transport en commun – se fait à Québec, la place de l’automobile, elle, ne diminuera pas. Aucun plan de réduction du parc automobile ou de la place de celle-ci n’accompagne le projet. On espère que ce réseau encouragera les citoyen.ne.s à opter pour le transport en commun au lieu de leur voiture, mais rien ne les obligera à le faire.

Quand une guerre est menée sans menaces, sans réprimandes, sans punitions, sans pertes, mais seulement avec des incitatifs et la mise en place d’une autre option, on peut se demander s’il y a des victimes. Tout le monde en sort gagnant.

Non seulement il n’y a pas de menaces, mais on continue à agrandir les autoroutes, à construire des ponts – ou à vouloir en construire de nouveaux –, à refaire des échangeurs, à agrandir les villes avec de mauvais plans d’urbanisme conçus pour l’automobile. Où est cette fameuse guerre?

Jamais le recours à l’auto n’a réellement été remis en question. La majorité des études a beau souligner les effets nocifs de l’automobile (sur l’environnement, sur la santé publique, sur la circulation, sur l’urbanisme), aucune décision politique n’envisage sa diminution.

J’adore conduire. Vraiment. Certains roadtrips font partie de mes plus beaux souvenirs. Encore aujourd’hui, l’idée de préparer un roadtrip m’excite plus que préparer un voyage en avion. Plus encore, j’aime tellement conduire que ça m’emmerde d’être passager. Sans aucun doute, mon amour profond de la route confronte mes valeurs environnementales.

En même temps, je ne tripe pas sur les voitures en soi. Je ne tripe pas mécanique et on ne me verra jamais dans un Salon de l’automobile. J’aime juste ça, conduire. Pas faire de la vitesse, juste conduire. Faire de la route. C’est méditatif. Apaisant. Beau.

Reste que d’un point de vue social, la voiture est sans aucun doute le pire moyen de transport. L’automobile est le mode qui coûte le plus cher, mais qui transporte le moins de gens à l’heure. Si le transport était une entreprise privée et non du domaine public, aucune direction ne garderait un système de transport aussi peu performant.

Pour un dollar payé de nos poches, l’autobus ne coûte que 1,50$ à la société alors que la voiture coûte 9,20$. Sans parler de la congestion. De la pollution. De l’espace perdu pour les stationnements.

De plus en plus d’entreprises préfèrent créer des incitatifs pour prendre le transport en commun ou le transport actif plutôt que d’agrandir leur stationnement – une option trop coûteuse ou impossible, en centre-ville.

Je sais qu’il y a certaines situations où l’automobile est difficile à enlever de l’équation. C’est pour ça que ce sont les infrastructures et les aménagements qu’il faut changer. Il faut modifier l’équation et non laisser toute la responsabilité aux gens, comme si l’environnement n’était qu’un choix individuel.

En banlieue, par exemple, il suffirait de faire les aménagements différemment, de penser les villes autrement, et la nécessité de l’automobile diminuerait.

La voiture électrique ne changera pas ces problèmes. Ça demeure une façon de se déplacer très improductive en milieu urbain avec de lourdes infrastructures. Tant qu’on va aménager le territoire avec la voiture au cœur des déplacements, on ne pourra pas l’enlever de l’équation.

Doit-on réellement continuer à construire de nouvelles infrastructures pour l’automobile? Doit-on continuer à bâtir des quartiers conçus pour l’automobile? Doit-on continuer à s’assurer de faire de la place à l’automobile dans les centres-villes? Y faire de nouveaux stationnements? Doit-on limiter l’utilisation de la voiture en ville?

Je vais plus loin encore. Doit-on repenser la possession de l’automobile? Il m’apparaît complètement absurde de payer des milliers de dollars pour un bien qui passe le plus clair de son temps à ne pas être utilisé – et à prendre beaucoup de place à ne rien faire. Combien de temps par jour un automobiliste utilise sa voiture en moyenne? Deux heures? Trois heures? Combien d’heures dans le trafic là-dedans?

Et si la voiture était un bien partagé? Et si au lieu de posséder individuellement une voiture dont la plupart ne font rien dans un stationnement on se partageait l’automobile? Communauto est un exemple. La location de voitures privées aussi, dans un sens. Et si la voiture intelligente qui se conduisait toute seule facilitait le partage de l’automobile? Pourquoi pas des voitures sous le modèle des Bixi?

J’imagine bien que plusieurs personnes vont me trouver farfelu ou rêveur, pourtant, c’est le modèle actuel que je trouve complètement absurde.

Quand je me retrouve dans le trafic et que je vois toutes ces voitures vides – avec une seule personne derrière le volant. Quand je vois des terrains de stationnements de voitures inutilisés ou vides le soir venu. Quand je vois la pollution. Quand je vois des rues bloquées par des gens qui n’arrivent pas à avancer, et à l’inverse de grands boulevards vides en dehors du «9 à 5». Quand je vois les sommes d’argent nécessaires pour soutenir la voiture – autant par les automobilistes que par la société. Je nous trouve profondément archaïques, collectivement et individuellement niaiseux.

Une pancarte, durant une manifestation, disait qu’on ne courait pas à notre perte, mais qu’on s’y rendait en char. C’est un peu ça, oui.